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Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl » . . ■ * * VOYAGES PANS L'INTÉRIEUK DE LA LOUISIANE^ DE LA FLORIDE OCCIDENTALE, £ï DANS LES ISLES DE LA MARTINIQtFE ET DE SAINT-DOMINGUE. TOME a •y' .' . Ouvrages uni se trouvent chez le même lÀbraire» AVNALES DBS VOYAGES , BE LA GÉOGRAPHIE ET DE L'HIS- TOIRE ; ou Collection des Voyages nouveaux les plus estimés, traduits de toutes les Langues Européennes; des Relations Originales, inédites, communiquées par des Voyageurs Français et Etrangers ; et des Mé- moires Historiques sur l'Origine, la Langue, les Mœurs et les Arts^de» Peuples, ainsi que sur le Climat, les Productions et le Commerce des Payf jusqu'ici peu ou mal connus; 'Accompagnées d'un Bulletin où Ton annonce toutes les Découvertes, Recherches, et Entreprises gui tendejnt à accéléreï les Progrès des Sciences JEÏistoriques, spécialementSilc^ la Gé^raphie-, et ^ ^un donne des Nou- velles des Voyageurs et les extrait» de leur Corcespondance. Publiées par M. MALTE-BRUN. Chaque mois , demiis le i^*^ septembre , il paroît au moins un Cahier de cet Ouvrage. Il est composé'de'6 à gfetïilies iw-8b, ou'ilS à i44 pages, im- Ïtrknées sur beau carré fin d'Auvergne, et sur caractères de Cicéro inter- igné, grande justification. Chaque Cahier est, en outre, accompagné d'une Estiimpe^ou d'uae Carte G^oaraphi^ue, «jolorfée. Ces Planches et Cartes spntgiiayées , avec soin, par MM. Tar^M Ifafcié , Blondeau etc. Le prix delà Souscription est de 24 fr. pour Paris y pour 12 Cahiers , que l^n veceyra francs de port ; et de i4 Ir. pour 6 Cahiers. On ne peut sous- crire poutWoiïà d© 9. Traduction de Voyatges, NoUcar, Lettrés, et aktrés Matériaux qu^on dcsi» rera faire imprimer dans ces Annales. Voyage a la CtycmncvftTXB; par Idis fies dé Madète \ Ûè Téhériffe et dm Cap Vert, le Brésil et Vile de Java; contenant des Renseignemens nouveaux et authentiques sur.l^tatr&atureliet- civU ,de ces divers Pays; accompagné de la Reîatioh omcieilè d'un Voyage au Pctys des Bous- ÀoitûTia*^ dans l'intérieur de l'AlVique Australe; par John Barrow, Membre de la Société royale dç Londres ; traduit de l'Anglais, avec des Notes et Additions,*par MÂlte'-Brun. 2 vol. i/i-S'» de près de 800 pages, avec un Atlas m-4o de i8Planch.,grav. en taille-douce par Tardieu l'aîné. Prix : i8 fr. brochés , et 21 fr. 56 ceôt. &ànésdè port par la Poste; en papier vélin, 36 fr. sans le port. Les Contrefacteurs et Débitans de Contrefaçons seront pour- suivis. En conséquence, deux Exemplaires de cet Ouvrage ont été déposés, en vertu de la Loi, à la Bibliothèque Impériale. Paris, ce 20 Novembre 1807. DE L'IMPRIMERIE DE M«^ V* JEUNEHOMME, ■f ■ & V C.C.HOBIN. VOYAGES DANS L'INTÉRIEUR DE LA LOUISIANE, DE LA FLORIDE OCCIDENTALE, ET DANS LES ISLES DE LA MARTINIQUE ET DE SAINT-DOMINGUE, PEiTDiLirr liEs AinrÉBS i8oa, i8o5, i8o4; i8o5 et 1806. * Contenant de Nouvelles Observations sur l'Histoire Naturelle, la Géographie y les Mœurs, FAgriculture , le Commerce, riudustrie et les Maladies de ces Contrées , particulièrement sur la Fièvre Jaune , et les Moyens de les prévenir. En outre , contenant ce qui a'^est passé de plus intéressant ,. relativement , à l'Établissement des Anglo-Américains à la Louisiane. SUIVIS DE LA FLORE LOUISIANAISE. Avec une Carte nouvelle , gravée en taille-douce. PAR C. C. ROBIN, Auteur de plusieurs Ouvrages sur la Littérature et les Sciences^ TOME I. A PARIS, Cliex F. BvissoN» Libraire, rue Git-le-Cœur, n.* lo, » m m 1807. >s ■f JNTÎVaPïïCTÏQN. ■■■ - * Pendant les orages; de |a Révolytioi;! , je m'étais livré à des étudeis sur Fïlistoire !NaturelW- J'avais svirtpiit renif^r^ué ^iie Içs Etres y considérés isQlçixiçnty ne présçnlaiept que des connaissances imparfâ^it^s et fautives; qu'en les cpAsjdérant dans les rappqrts qu'ils ont entre eux, dans les irpojenspar lesquels ils s'entr'aident et concourent à l'o^^dre gé- n^ral ^ ils oflrent des coppai§s^f^ces plus com- plçi^s > plus liée^' y plq,s j|ij^^hpdi(juep , et par conséqi^ent plus susceptibles de s'étendre. Je crus j en multipliai||; aifisi mes observa* tions , entrevoir 4^ nouvelles vérités , et acquérir de nouveau::^: mojçns d'en décou- vrir successivement 4e plus importantes : je conçus que , puisi|ue toyt est lié dans la Nature , on pourrait , en procédant du plus simple au plus composté, arriver 4^ \^ matière brute jusqu'à l'Homme ; cju'en saisissant dans cette marche par quelles espèces de liens cha- que ordre d'être se lie aux autres ordres , on pourrait deviner ^ découvrir par qyelles es- Tom. I. a ij lirTKOBuCTiOïr. pëces de liens THomme tient lui même à la Nature ; que de la découverte de ces rapports de l'Homme avec la Nature , on arriverait à la découverte de ses divers rapports de socia- bilité , qui ne peuvent être bons qu'autant qu'ils concourent à ces vues de la Nature , et qui deviennent mauvais à mesure qu^il s'en éloigne. Alors de l'Histoire Naturelle devait sortir la morale de l'Homme considéré isolé- ment j la morale de l'Homme considéré en Famille privée , la morale de l'Homme con- sidéré en Famille publique , ou en Gouver- nement ; enfin la morale de l'Homme consi- déré de Nation à Nation. Mais dans quelle carrière osais- je tenter d'entrer ? Les Philo- sophes de tous les Siècles , et de tous les Peuples connus, n'ont^ils pas universellement eu des sentimens défavorables contre ce prin- cipe , que tout est lié dans la Nature ^ qu'il n'existe rien qui n'ait unejin ? De nos jours surtout, les plus grands Naturalistes n'ont- ils pas comme anathématisé la science des Causes Jinales ? A leur exemple aussi , la tourbe des obscurs Ecrivains ne verse-t-elle pas à l'envi sur cette science le mépris et l'ironie ? Eh ! que serait le témoignage de toute la jlerre contre la vérité ! Que seraient le» 1 ISf T R O D U C T 1 O W. Ùj âutotités de tous les sages^ contre Texpérience, contre des succès répétés , et epfin contre rintinoie conviction de la conscience ! Mais qu'ont-iis dit les Philosophes contre celte Science des C^iw^c^^/za/e^/* J'interroge leurs Ecrits, et les principes de la Science la pi us vaste de toutes, la plus importante de toutes , qui prête des secours à toutes les connaissances humaines, qui seule peut les rendre com- plètes, p'j sont ni examinés , ni analysés, m discutés , je dirais même qu'ails sont inconnus à leqrs Auteurs. Des opinions isolées, des assertions vagues, des phrases tranchantes sont tout ce qu'on trouve à ce sujet dans leurs Ecrits. Je choisis parmi eux un des plus modernes , un de ceux dont les longs tra- vaux et le génie é^vé ont assuré une gloire immortelle. C'est Buffon, dans l'histoire du cochon , où il se déclare plus particulière- ment l'adversaire des Causes Jinales. On va juger sur quelles bases ce grand Naturaliste s'appuie. « // a y dit -il, évidemment ( le M cochon) des parties inutiles ou plutôt des y^ parties dont il ne peut faire usage j des yi doigts dont tous les os sont parfaitement >^ formés y et qui cependant ne lui serinent » à rieri. La Nature est donc bien éloignée a ij zV INTRODtJCTI O Wl » de s'assujettir à des Causes finales dans la M composition des EtreS ..)> Si Buffon avail eu seulèn^'e'rtl, non loin de sa basse - coui* , abaissé 'ses regards sut les tracés du côcfeon , d'ûrts fes lîfenV îricîinëà et gh'ssans, il aurait vu alors, par rein'prèinte de ces doigts de derrière, en à^èndice, c^oib- ment ces doigts servent â tè retenir eh des- cendant Ces coteàiii infelîhés , cômtoent siir- tout la truie pleine , fléchissant Sous le ^î'ds de son ventre traîbàùt , Bétchit à\issi davan- tage les articutàtîohs de ies Vîoîgts , se iert ïrinsi daviiAta^e de sfes ap|)ehyîce5 pbiar se crauipobtter dabs les dèsdehïéi, fet ferait sânk eux dés écans, Vôùtèràît, Ste nïeOrtrirâit, s\i- vorterait , et feri rôêniè Teln^is deViendr'ait pïu^ facilement îâ prôfe des Ifciî&aïix carhiassîeVs iq[ui la poursuivent. Cette erreur que rtl6tn>i\fc le moins instrtiil ^'eu't *|^\irt6ut véVifîe'r , e^ cèpeiidânl labase sùV ïac^tfèlfe BûfTôn s'^j/puife pour combattit la vérité dès Causés finales; mais pour combattre encore Buffon îtii- même , je n'ai besoin cjué de sèà Ecrits. Partout où le gëïvie de ce gfalnd hotnnie franchit dans ses hautes conceptions lessièclés et les temps pour embrasset là nature; par- tout où il la devine, c'eslàrtîde des causés ^â^les; Sa théDrid de là «Mte » w& tj^«^taè» de k ûfttut^ ) i«s dit^r^ «discours , si ^tofbtiiiis kl 61 élD«(|w»$ , ddiVMt toitt 'aQfc iitt^ii6!( finale ; à eUds »^u)i6i$ il doit %oUte Sa gtoitè : et '^i BnâbiiciBm^ d'elle gtcAid, de^tebt §ée , àtidfe , iii(]iigfii62ftit , eVst i^a'À ^^a plus ,^(m ptwàte Wnf^ssK»^ le^ Oài^ksJSHàhs. B'th dh-ai &t)taiùt "ÊtoêétîÈj ^i M «SMit 'i[tfe €lês iMità^ôlM; de iâ wtiure > û'tpfM^ach^Hhfe-ife pas dé la ptet^- Ikta àiAMfftiiTe«^4es iMMitiilif^ éà ^l&nt rttt^ti- cbétt?L6ffiattdP^te, éo^tfA^lë^t^nijI^M- W«è, ëhigtteM à^e ifibi-lfi t«»M <% ^ «t îàti-- «à» 4 tt ^iliti«, i«^Slc^p^e«^J'Aycbit6tte«fii fbniaMâMt :«îi »eUt P^ôt^MMitn^ tftifi^ i IVé-' dran^tique i'ÏÉKÂd^t t^tii M'é^t^afi^er ; èl tandis qii^fc , éfàm^éB ^Wseslé^ pïài «Ort'^^aires ^ iHiouiMe ^raiso'ufHiblé ^oigtye dë%iiWsinti- littfé^, lïoas poHrriehis 5uj)jyoser ^ore îa hâ- iwrc , si admirable en lôift , fat remette d*Tnn- fililés. L*idée que cfuelque cfeose puisse être îaîolé dans la nature est ^ je ne crains pas de le dir^^ yj , I jr T a o D u c T t d ir. . iine absurdité. R^ployons - nous sur nous- ;; mêmes :rien n^ est isolé > rien même ne peut . y être . isolé ; tout en nous est nécessairement en relation avec d'autres objets, les formes aussi bien quç les substances. Toutes nos sén- . satious ne peuvent exister quie par des rela- . tions d'objets autres que nous. Nos idées, qui ne sont que des représentations , ne viennent . également que de nos relations arec d'autres ; objets. Qu'est-ce que nos jugçmens? Des rap- . ports encore que nous découvrons, entre les ...choses. Qu'est-ce que la Musique? Les rap- . ports que les sons ont d'abord entre eux, puis avec nos organes : les coulieurs de même ne sont pas autre chose. Qu'eçt-çie que la Géo- métrie? Ce sont les rapports que les lignes > les surfaces 9 les masses ont entre elles : toutes les sciences ne sont également que des con- .naissances de rapports qu'ont les objets entre ^^eux, et puis avec nous. Si un seul objet était isolé daps la nature , il n'aurait par conséquent ' plus de rapports avec nous, il nous serait in- . vinciblementinconnu^etPieumémene pour- . rait nous le faire connaître qu'en cessant son isolement. Mais il n'est pas un seul objet ; qui. n'ait des rapports avec la cause première, qui est Dieu, qui ne soit entouré, pénétré / de .la Divinité : il ne peut donc pas exister d'objet, qui soit isolé , puisque Dieu embrasse tout^ pénètre tout ? Dieu est donc dans la na* . ture ragentcommunicatif de tout ; et puisque Dieu est toute sagesse , tout ordre, il établit . donc nécessairement entre tous les êtres des relations d'ordre et- d'harQK)nie. Un seul être isolé dans la nature prouverait que Dieu n'est pas infini > n'est pas sage , q^'il n'est pas Dieu. Aussi lsi pâture s'épuise à nous prouver la plus grande de toutes les vérités , le premier anneau de tojites; elle la grave au fond de nos cœurs ; elle l'écrit dans nos mémoires , elle la peint dans nos imaginations ; elle Tincruste dans nos jugemeps. Si ce vaste Univers n'était qu'iine informe masse obéissante un seul mouvementt on pourrait, peut-être, se figurer des isd- lemens d'ordre dans quelques parties. Mais non : indépendamment du mouvement gé- néral qui meut tout dans cet immense Uni- vers, chaque partie, chaque atome, a encore son action particulière, ses fonclio^ns particu- lières : or, si un seul atome avait une action, une fonction qui ne fût pas coordonnée à l'action générale, ce seul atome communique- . rait de proche en proche le désordre , et fini- ;rail par tout bouleverser. Ces réflexions, et beaucoup d'auttes miptéteàdues pour \es lié- ▼elopper ici^ Mt^emè^étit m^ liitletar dàtfs ma méUiode cl'étâdier Vllistëirë tôtûi^lè. Gepe Adaàt fë ^ IttMi^ài MtehtM ^rt^é Vé : là iMiUire ()ue j'obs^fv^iè étèit , tfeptii^ ivvté longue suite tië ^ïëcte^ , ëbM^éë %t kttf>s Vësultàt^ttoôios :a^sutés. J;è ^nlili tfi^ Fes lieux ià^ rtiotum'e )oivilisén'afâiipoiBt«ï»€foreiétfe4^ etnpît^e ^aiefiit îe^ Mob où je f^otiVàis pèft:èbt)^itï« ài^s tt^ifô^riteiti&e^tëaiiactéti^iqiirès;'(^^ âès i)é$ itfèMesv 'qui^I^te gtMidt^ t)[ii^'SÊftiÈ^ fû^setit , ^e'^ant le» èkistMce à \ltes févtAutîôûS «er- res très qui t^s ioM £att ^Offùv dels ^ux oxi dé- cbirées '€le^ Orât^efis > ^ pou^àiÊVit eoTéôre Aie pràsieiitêr le^ plïmîs de là n^ïute '^e tMU* qnés et tiéltottiie^. Lè«eol^)4is , qïii lés étèveût iHt Ici resè!- neht de tant d'espèces de ^IdîAes. Là, en fnême temp^, fbottiVn© jf)tëifeiàlè procbé à prêche 1^ pto^ttds cbAtfàifes Le SaoVage, ierrant mSivéïA'etailtJatiàcés iiiinicti^ek régions» sats â^treis lôils i^e H«;è ^bitùdes^ Fesclave côûdaiûft^ ^à àè càfeWbuels ttaVâûx*; rix>nime civilisé rle^u^sàht loin -àè l^i îè ^jre^ mier, «hcbatnant Ta^lffe 4 sfei 'cJô1S&s , '^TolPfàtA de la faiblessfe de l'ûft m d«^ s«è\i«5^ Tàtittfe': lui'-méme Çfrésctitant cferts sa civfli^tiôn dék , variétés fresque aftri^ UràÉ*c?li2tetfes. Le Créole différencié de VEOWpéen , te 'ciÇadin fe'ftcorè plus du sDoli taire hfafeillrôt dcS »c^topàg*ùé.s ; Ife Français untig^ant Sô*n caTàclerè ardent sous le flegme apàlM^rë de TEspirg^ol ; l'Angle^ Américain^ encore ôdele aux inœnA de sh Métropole, après eti avoir briséle jotig , tout entier à -ses intérêts cft à son âWnfchion, mar- chant à découvert à l'exclusive puissance dit lïouveau-Monde sans vouloir d'associé»^ et m INTRODUCTION. pljus jaloux peut-être encore de soumettre à ses mœuf*s qu'à ses lois. . . Tant d'objets qui /dans le pays neuf de la vaste et féconde Louisiauje, promettaient à meç observations d'utiles découvertes , m'en- traînèrent irrésistiblement vers ces régions , v non par une aveugle présomption de mes , talens/ mais par la seule persuasion d'avoir trouvé une route nouvelle où se rencon- trent avec profusion des vérités inconnues. Ni les conseils touchans de l'amitié, ni ceux de l'intérêt, ni les douceurs du repos et de l'indépendance ne purent m'arrêter ; et je partis plus impatient d'arriver que ne l'avaient été ces bardis Aventuriers qui , les premiers , -abordèrent ces contrées dans l'espoir d'y trou- ver ce Dorado ^ ces montagnes d'or ; aussi ce que je cherchais était pour moi bien plus précieux. C'est maintenant à mes Lecteurs à juger si je me suis follement flatté , si ce que je crois être des Découvertes en est en effet, si elles seront utiles aux sciences et à l'éco- nomie politique , et si ce qu'avec une égale diligence j'ai recueilli particulièrement sur le Commerce , la Géographie et la Politique, peut aussi intéresser les hommes en général, et ma Patrie principalement. Comme les Voyageurs , je rends mes idées ;j. INTRODUCTION/ Xf^ je peins mes sensations , je raconte ou je raisonne y selon 'que les objets s'offrent à mes regards. Tout est, pour ainsi dire, ici en action. Ainsi Tordre , cette distribution méthodique^ qui prête tant de force au raisonnement, qui rend la .vérité plus sûrement victorieuse , ne saurait se trouver complètement dans un ou^ vrage de ce genre. Mais ces observations nom- breuses d'histoire naturelle , et sur l'homme , isolées et disséminées , ne sont ici que comme des pièces justificatives et comme quelques- uns des matériaux qui doivent concourir à un autre ouvrage mieux ordonné et plus im- portant objet depuis dix ans de mes médi- tations et de mes travaux , où , après avoir suivi les trois règnes, soumettant les facultés physiques et morales de l'homme à de nou- velles analyses, je crois parvenir à des ré- sultats absolument nouveaux. De légères répétitions, des incorrections, des fautes typographiques ont échappé dans le courant d'un Ouvrage ébauché au milieu des déserts, écrit et imprimé à la hâte, puisque je ne suis de retour que depuis quelques mois ! J*ai droit à cet égard à l'indulgence de mes Lecteurs: et, pour le reste, je ne demande que justice. œîj IlfTRODUCTIOIi. Quel que soit le ^ucq^ dç mes Travaux , guell^s <^ue soieitl; i]f)êa^e |^ ijtiu^ioa^ de la claire eii lepr fevemr, iU W pQi|Piioi^t me ren- dre çç qu'ils Vf^ofx\ co^tp. !|!ia fièiî^^e jaune a eq^evp ixioa !lf il^ dap^ ip^ br^. %ul m^iinte- p^^nt^uç ^teçrç, U* fle ips res^ç qqe iu.es Fia de Plntroduction. • VOYAGES •i^MMAoMaaMMMta VOYAGES DANS L'INTÉRIEUR DE LA LOUISIANE, DE LA FLORIDE OCCIDENTALE , DANS LES ISLES DE LA MARTINIQUE ET DE SAINT-DOMINGUE. CHAPITRE PREMIER. Départ de V Auteur pour Nantes. Obser^ nations durant son Voyage.. Observations sur cette ville. Des Négocians. Avis utile à ceux qui s^ embarquent. Mal de mer. Moyens d^en diminuer les effets. Régime pour conserver sa santé sur mer. J £ partis de Paris , dans le courant de Fautomoe , pour me rendre à Nantes , où je devais m'embarquer. Divers objets embar- I. A ♦ (2 ) rassans m'obligèrent de les faire conduire d'Orléans par la Loire. Je descendis.ee beau fleuve , qui étend son large lit à travers ces spacieuses et riches plaines , qu'une digue de plus de soixante lieues de long, ouvrage digne d'un grand peuple , défend des inondations. Bientôt je vis ce trop fameux château de Bloi3. y monument des arts renaissans , et où le faible Henri m y laissant les lois impuis- santes, aiguisa des poignards contre les Guises* Alors aussi les factions naissaient au nom de la religion, comme de nos jours, au nom de la philosophie. Je puis ensuite contempler, le long de ces hauts coteaux , ces immenses vi- gnobles , entremêlés pittoresquement de ces singuliers villages souterrains , ne montrant qu'une façade , et n'élevant au-dessus du sol qui les couvre que des cheminées ombragées d'humbles ceps^ Plus loin à ma gauche, je découvre de- bout k» ruines presque fumantes des ha-^ meaqx et des bourgs confins de la Vendée , cil des Français ont plus égorgé de Fran- çais, ont plus incendié 4^ campagnes, que ne firent jamais les féroces hordes du nord dans leurs plus grands débordemens. . Ëà descendant^ le paysage se déploie et se (5) varie : de charmantes iles planes, divisent la Loire plus étendue , en plus de canaux : et dç sinueux coteaux , qui les dominent, tantôt s'avancent et présentent des roches mena- çantes , tantôt slnclinent et se reculent pour montrer tout-à-coup des bois , des prés , des champs , des bourgs , des villes , des habi- tations , et toute la pompe d'une riche agri- culture. J'arrive à Nantes , à cette ville opulente n^:- guères , et maintenant semblant couverte en-r core des crêpes funèbres de t^nt de victime» immolées autour d^elle. |jà ', une multitude dç. malheureux^ copime daps presque toutes nos villes f nourris autrefois des besoins du luxé , d'un clergé fs^stueux, d'une noblesse dissipai* trice , et de l'opulente finance, rappellent aux sages que les plus utiles réformes doivent, comme les œuvres de la nature , pour être plus parfsdtes, être plus lentes à s'achever. Que sont devenus ces négocians dont lea spéculations liaient cette grande ville aux plus lointaioes parties du monde? La révolution ks a entraînés dans ses gou£Pres. L'armemenf d'un seul brique nécessite aujourd'hui le concours de plusieurs, sous l'appui de diffi:^ ciles crédits. Encore^ si des lumières sup^ A 2 (4) plédien t à leurs moyens ! elles sontsi nécessaires au négociant ! La géographie et la statistique ne sauraien t lui offrir assez de détails sur les contrées où se dirigent ses opérations; il doit en connaître 61 les productions , et les besoins , et les diverses relations. En garde contre la concurrence, il sait à temps être lent ou actif. Cette vaine science des oisifs , la politique est pour lui farcane où s'épurent tous ses travaux, n s'instruit des intérêts de toutes les puis- sauces f des ressorts qui les meuvent ; il pé- nètre jusque dans le mystère de leurs cabinets; il voit ourdir leurs projets de paix ou de guerre ; il saisit les causes qui les avancent ou les* retardent, et toujours, d'après ses at- tentives observations , ses expéditions sont , ou prêtes avant que d'autres les aient conçues, ou leurs retours effectués avant qu'on ait dit : Les hostilités sont commencées. Je ne me mêle pas de politique ; la lecture des papiers pu- blics est un temps perdu ; entendais-je dire, en mauvais français, à un de ces novices négocians. Us ignoraient même ce qui se passait à Paris-; je ne devais pas m'étonner que plusieurs d'eux prissent la ville de la Havane pour une Ile , et qu'ils ne sussent pas que la Loui- siane fait partie du continent Je demandais ( 5 ) lin jour, à un d'entre eux qui se plaignait des retards de ses retours de Saint-Domingue , qui lui avait donné Tidée d'expédier, dans les circonstances actuelles (i), pour cette île, de volumineux meubles enrichis de bronze et de marbre rares, des lits chargés d'amples somptueuses draperies ? C'est , me répondit- il, que j'ai retrouvé, sur les livres d'anciens négcicians , à-peu-près de pareils envois. Durant un séjour de plus de trois mois ^ que je fus contraint de faire dans cette yille , je n'eus que trop d'occasions de remarquer combien s'était étendue cette honteuse igno- rance qui nuit autant aux| intérêts des hommes qu'au bonheur de la vie privée. J'assistais un jour, entre autres, à une vente de livres considérable où se trouvaient beaucoup plus d'oisifs que d'acheteurs. Les meilleurs livres n'avaient pas d'enchère. On cria un Vojag^ de Montagne. Ah! dit très-haut un des spec- tateurs , ce Vojage de montagne a da être très-pénible , il doit être curieux î Personne ne paraît même étonné de la ridicule méprise , et le Voyage de MohUigne est alors enchéri (i) Cétait pendant^ l'expédilion du général L« Clerci <6) l>eaucoup , et beaucoup au-dessus de sa va- Jeur. ^ Le commerce, dans ses jours de splendeur , a élevé une salle de spectacle dont Torgueil- leuse colonnade le dispute au grands monu- tnens de la capitale: et les asiles du pamTC et de l'orphelin ont été négligés ! La salle, brûlée durant la révolution, laisse tristement ce fas- tueux portique attendre une nouvelle salle. Gomme ce pays est fevorisé de la nature pour tous les besoins de la vie ! en est-il un sur la terre qui puisse oferir une plus grande Tariété de productions dans toutes les saisons , |>our la santé et pour la sensualité même ! Leur abondance est telle, qu'elles ne sont pas le |>artage exclusif des riches. La modicité des gains de l'ouvrier lui permet même d'en jouir. Un de mes premiers soins, dans toutes les vilfes , est toujours d'en visîtcfr les marchés. Là , bien mieux que dans les cercles vaniteux des coteries , je juge des moyens de Tindus- trie , des succès du commerce , de la richesse ou de la détresse des villes ^ de Taisance ou de la misère des campa'^nës, de l'état de leur culture, de la diversité et de la fertilité de leur $ol. Là^ en contemplant les merveilles de U (7) nature^ et ceUes da génie de Thomme qui sah les multiplier et les ïperfectianper , j'en aime davantage mes sembkibles , et j'admire aussi de •plus en plus Jeur auteur. Dès Faube du jour^ je voyais à Nantes , dans les jours de marché , SUT le pompeux quai de la Fosse , de dili- gentes paysannes étaler , dans de larges pa- niers, les plu3 beaux fruits, la.porome et la poire aux couleurs vermeilles , qui ne le cèdent ni {>0]ar la beauté, ni pour le goût , à celles qi% paie si chèrement le parisiena : à côté , des cachées de marrons rembrunis m^étonnaient autant par leur grosseur que par la modicité du .prix ; et avec trois ou quatre ecua^ une famille fait, pour toutThiver, sa provision de ces divers fruits. Le bon marché des farines savoureuses de millet et du gruau , de ce gruau de Bretagne, recommandable même à la méde- cine ; ce bon marché en fait une économie pour le pain. .Sur d'autres places , la profu- sion de toutes les espèces de légumes 'les met à un aussi médiocre prix. Ce 'beurre de Bre- tagne, légèrement sa|uré de sel, ne coûte, dans Tété, pas plus de huit sous ^ et en hiver pas |ilus de douze. La volaille, noiirrie principalement de sarra- sin , est excellente, et son prix est proportionné (8) aux autres denrées. Mais ce qui est yraimeut surprenant , c'est la prodigieuse quantité de •toute espèce de gibier, et la modicité du prix. Un grand lièvre, en en vendant la peau , ne va- lait pas plus de vingt-quatre sols ; la perdrix grise de huit à dix sols ; et la rouge , si re- cherchée du sensuel , non pour ses brillantes couleurs, mais pour sa grosseur, et sa saveur exquise, ne coûtait pas plus de quinze sols. Je ne parlerai pas de ces multitudes d'oiseaux aquatiques, depuis le canard jusqu'à la poule- d'e^u , parfois presque à aussi bon marché que le pain. Ce qui est encore plus étonnant, c'est l'in- tarissable abondance de poissons de mer, de rivière , d'étang , de lacs. Chaque saison , et souvent chaque marché, en amènent de nou- velles diversités. Il faudrait un traité exprès pour les nommer et les décrire toutes , depuis les saumons jusqu'aux sardines , depuis le bro- chet jusqu'au poissons blancs, depuis le ho- mard jusqu'à la chevrette. La Loire est con- tinuellement couverte de bateaux chargés de diverses espèces : j'en ai vu qui ne portaient que des raies; et dans leurs prodigieuse abon- dance, il faut les donner presque pour rien. En voyant de si cosses tanches, des bro^ (9) chets monstrueux , des carpeaux aux écailles dorées, j'appris qu'un lac voisin de la ville fournissait ces magnifiques poissons : ils ne se vendaient ordinairement pas plus de vingt- cinq à quarante sols, comme les plus belles anguilles. Nantes devrait, en vérité, être la ca- pitale de la nation la plus étendue, la plus populeuse de la terre, celle des gourmands. Quant aux vins, ceux du pays j soat à vil prix; toutes les rives de la Loire lui en envoient* de toutes les espèces; la mer et la terre lui amènent ceux de Bordeaux, et Avec si peu de frais, que le prix en est à peine difiîé- rent. Je ne parle point des viandes de bouche- rie, n suffit de rappeler que cette ville est approvisionnée^ indépendamment des fécon- des contrées qui l'environnent , d'un côté , par la Bretagne, de ces petits, mais délicieux moutons; de l'autre, par les gras pâturages de la Vendée, sa voisine, qui lui fournissent les plus beaux bœufs du monde. Cette extrême abondance des denrées, et la modicité de leur prix, devraient faciliter dans ce pays l'établissement de diverses manufac- tures, de celles surtout nécessaires au com- merce maritimei en laipe^ en coton, particu- (lo) liërement en toiles peintes : elles y manquent tellement, que de toutes les câft^isons de nos ports, celles de Nantes sont les moins imppr* tantes. Les armateurs recherchent beaucoup les passagers ; cela doit être , puisqu'ils peuvent les nourrir à si peu de frais. Aussi leurs amis, ou eux-mêmes, ne manquent pasde se presser d Inviter les arrivans à traiter avec eux : tous vous font valoir la solidité de leur navire , sa marche supérieure et la commodité de se3 distributions , les talens du cuisiniefr , Tabon- dance et la diversité des vivres, Thonnéteté du capitaine, la proximité du départ; et trop souvent il faut être en garde contre ces sé- duisantes promesses. Je doiis , à ce sujet , quel- ques documens aux voyageurs que pressent leurs affaires, et à ces familles qui toujours Ont tant besoin d'économiser dans ces longs voyages. D'abord, ne croyez presque aucun d^eux pour le terme du dépatt; la plupart tous font attendre inhumainement un mois ou deux au- delà de l'époque annoncée duToyage; et , lors- que vous êtes embarqué à Nantes, ne vous imaginez pas être au terme de vos dépenses et de vos retards i il faut le plus souvent débarquer de nouveau à Pairibœuf , se re- mettre à Taubei^e , quelquefois pour huit , quinze jours , et plus : heureux si on ne vous débarque point encore plus bas ! Ne les croyez pas plus ijiir le nombre des passagers; ils en prendrODff tant qu*il s'en présentera ; ils dou-^ bleront où tripleront le nombre, n'importe là gène ou vous vous trouverez. A mon arrivée à Nantes , iin bâtiment avait été tellement cnr combréde malheureux passagers, et les provi- sions si pëfa prôpoi*tionnées à leur nombre , qu'audébàuque1nent,le plus grand nombre fut obligé de se faire débarquer ; et c'était déjà un mois après leur départ de Nantes. On ne saurait donc d'abord -trop prendre de renseignetnens , et sur la qualité du navire, et sur la moralité des armateurs, et sur le carûdtère du capitaine; il y a ordinairement ibeaucoup d^nconvéniens quand celui-ci est intéressé dans la cargaison. Le traité pour les eonditionis du passage ne sauriait être trop détaillé et trop dâir; ne vbus engagez qu'à payer un acompte , et tout au plus moitié avant le départ; faîtes y désigner la chambre ou lia cabane qtie vous devez occuper, et surtout faites y préciser le dernier tèrtne du dé- part ( »4) dantj lorsque la mer est trop grosse, je con- seille de rester- un peu plus couché; le lit di- minue considérablement l'effet des secousses. Cet air de la mer est extrêmement apéritif: dès qu'on a vomi ^ on sent l'appétit renaître ; on doit y céder , mais avec discrétion ; l'estomac , irrité et affaibli d'abord par ces grandes, vacuations , craint beaucoup d'être trop chargé. Alors il faut choisir les aljmens caïmans » légers , et cependant u^ peu. nou;r- rissans ; du bouillon gras et de la volaille. Le vin de Bordeaux est le mjeiUçijir 4e tous ; il soutient et n'échauffe pas trop.; c'est celui qu'on a ordinairement en mer : les liqueurs toujours dangereuses , le sont alors bien plus* De temps à autre y il est bon de faire usage , avec circonspection , de salaisons : de jambon , par exemple ; elles redonnent à l'estomac le ton que le bouillon gras et les viandes de volaille contribuent à lui ôter. Il faut ordi- nairement rester sur sa faim y et manger plu& souvent. Je conseille à ceux qui sont d'une faible santé de se munir pour leur compte ^ de tablettes de bouillon. On en trouve dans tous les ports : elles sont d'un grand secoure; sur la fin des voyages , où souvent les viande^ fraîches commencent è wanqyj^r. On a ima-. ( i5 ) giné depuis peu un sirop de lait dont je n'ai ipalheureusement pas la recette : c'est un lïioyen agréable pour remplacer le lait à ses déjeuners et à différentes choses que le» femmes et les valétudinaires aiment. On en. vend à Bordeaux 3 et je présume qu'il doit s'en trouver dan s les diiférens ports de France. Ne le connaissant pas^ je suppléais au lait par Ip jaune-4'œuf délayé dans le café ou leahé ; c'est un déjeûner léger , agréable et qui dis- pose très -bien pour le dîner. Mon témoi- gnage a d'autant plus de poids que personne au mondje n'a d'abord plus souffert du mal de. iper; j'ai donc dû être plus attentif a observer ce qui pourrait prémunir contre cette trop cruelle malajdie. , Je sais aussi, par ma propre expérience , l«s^ retards où sont exposés les vo}^ageurs , quand^ trop confians ^ ils s'en tiennent à des pro- messes verbales pour le ten^ps du départ, fe partis six semaines plus tard, qu'on ne met Favait promis^ Il fallut encore débarquer xj^s^ huitaine à PàiAbçeuf , cinq s^ six jouxs à un vil^-. lageplus bas. Da^s ce de^ni^r-d^arquement» où la j^^e^tf^gjs^rwe de rocli^s noires , qu4^ la mer ^u se c^kant laisse à sec, j'y retrout yai 11X119 es^ig^ix^e variété de plaut^^ maiweii.; ( i6) il y en avait dont le long et épais feuillage ressemble à de grandes lanières de cuir ; d'autres découpées et peu frisées, imitaient les lambrequins d'un casque ; d'autres, brancliues et fermes ont le port d'arbustes diversifiés par leur feuillage. Toutes ont , dans l'épaisseur de leurs feuilles , de ces bourses vides, pro- portionnées à leurs dimensions , afin que ces feuilles ne traînent pas dans la vase, ne se meurtrissent pas contre les rochers , et qu'elles puissent se soutenir , s'étendre au sein des eaux, comme le font nos plantes terrestres au milieu de l'air. Mais ce qui fixa singulière- ment mon attention, CjC fut de rencontrer parmi ces bourses, globuleuses, ou un peu planes, plusieurs d'entre elles dont la forme était précisément celle des grosses pattes d'écrevisses , l'un des doigts ou pinccsv plus gros et plus alongé que l'autre, la couleur étant noirâtre etichagrinée. Cette observation me fit présumer qu'il devait se trouver sur ces parages beaucoup de crustacées. Je m'en assurai par le témoignage des habitans, et par ceux que je voyais moi-même à demi-cachés dans les trous et sous ces touffes herbeuses. J'y rencontrai des chevrettes , dé petits homards, des crabes. A l'aide de ces fausses* piattes , ils échappent ( 17 ) échappent davantage à la vue des oiseaux et des animaux qui s'en nourissent, jusqu'à ce que la mer revenue les mette tout-à-fait hors de danger. Et, tandis que la nature fait errer sans cesse sur cesiieux diverses espèces d'ani- maux qui arrêtent leur trop grande multipli- cation , elle . donne à ces plantes , au milieu desquelles ces crustacées viennent paître , des formes trompeuses qui empêchent leur destruc- tion totale. Quelle admirable économie ! Dans les îles et sur le continent de l'Amérique , où le reflux de la mer, beaucoup moins grand, ne laisse pas ainsi à nu de grandes plages , je n'ai pas rencontré cette espèce singulière de plante marine. Au lieu de me rendre directement à la Louisiane , je préférai, passer par les îles. J'espérais y faire des observations qui répan- draient plus de lumières sur celles qui me conduisaient à la Louisiane. Je ne crois pas avoir été trompé dans mon attente. Ainsi J€ m'étais embarqué pour la Martinique^ où je présumais retrouver facilement dés occasions directes pour la Nouvelle^Orléans. I. r, ( ^8) CHAPITRE IL Traversée. Plantes yojageuses. Coquil- lages. Coucher du soleil. Baptême du Tropique. L E 22 avril nous armâmes sous le tropique^ qui, comme on sait, est par le 23/ deg. 20 m. de latitude-nord. Là , on commence à voir le soleil une fois l'année^ à midi, perpendicu- lairement sur la tête : là aussi ^ on commence à le Toir en se tournant du côté du nord. Ce terme est toujours, sur mer , une époque mé- morable et de réjouissance. Alors on a dépassé ces mers orageuses et inconstantes qui sou-^ yent suspendent la route de l'impatient navi« gateur, et le font parfois rétrograder jus- qu'aux côtes rocheuses du golfe de Gas- cogne. Biais ^ vers le tropique, TOcéan, gracieuse- ment azuré, n'est plus agité que par les vents constans de la partie de l'est, vents si justement l '" (i9) nommés alises p pour dire vents de Y Elisée. Le matelot ne craint plus que des tempêtes , des bourrasques , des grains , le contraignent sans cesse à courir sur ces hauts mâts , sur ces longues vergues , prendre des ris , carguer on descendre les voiles , renouer ou rassurer les agrès , pendant que les pluies, les vents > les flots, la foudre et Thorreur des ténèbres , conjurent à Tenvi contre ses audacieux efforts. Alors commencent pour lui ces journées oisives si chéries , ces joyeuses soirées , lon- guement prolongées dans les nuits, par des chants, des danses , des historiettes. Alors aussi le voyageur passager contemple avec sécurité ces mers transparentes, où tour-^à-tour se jouent près de lui des troupes de marsouins au corps rembruni, au dos arqué ; de vives do- rades éclatantes d'or et d'azur, poursuivant dés bandes de poissons volans qui fuient dans les airs et dans Tonde; de ces colossales baleines lançant dans les airs des trombes qui retombent en pluie et en vapeurs ; se faisant entendre au loin par de lents soufflemens^ par le bouil-* lonnement des flots ; s'élevant et se traînant 8ur la surface onduleuse de la mer , qui se courbe et se brise sous leur pesante masse. B 2 ( 20 ) Souvent aussi de larges plages, de jaunâtres goémons s'offrent à lui comme des îles ambu- lantes dans la saison automnale. Où vont ces plantes amoncelées et arrachées du sein des mers par le choc de flots ? Des troupes de poissons se nourrissent sous leurs ombres pro- tectrices. Leurs épaisses feuilles , leurs tiges rameuses, leurs bourses élastiques, sont cou- vertes d'une multitude d'espèces de frai de polypes, de gallinsèques , de reptiles , et sur- tout de coquillages des formes les plus variées : les uns ronds, pressés en anneaux autour des branches; d'autres en volutes , sont en spirales alongées en fu$eauK ; d'autres sont ou plus larges que longs ; d'autres sont aplatis. Avec quelle surprise j'y reconnus la famille de celles nommées corne d^^mmon; elles n'a- vaient pas encore une ligne de diamètre; plu* sieurs même n'étaient visibles qu^à la loupe. Quoi! me dis -je, l'analogie de ce coquil- lage , qui ne se montre au naturaliste que dans l'état de fossile , dont si long-temps il a présumé l'espèce perdue, la corne d'Am- mon n'a donc pas cessé de vivre au fond des mers , et ces frêles plantes voyageuses portent donc journellement les nouvelles nées du le- (21) vant au couchant., d'un hémisphère à Tau- tre? Campagnes de Nivernais , qui m'avez vu naître, sans cesse leurs débris pétrifiés s'y sont offerts sous mes pas et sur vos surfaces , et dans les plus profondes fouilles , et dans les flancs déchirés des collines ! Il fut donc un temps où ces lieux , que sillonne main- tenant la charrue , servaient de fondemens aux abîmes des mers ! Et vous, montagnes grani- teuses du Morvant, qui les bordez à l'est, alors peut-être vous étiez des écueils fameux par des naufrages î Quelles longues vicissi- tudes ont fait disparaître ces mers , les ont transportées si loin ? Ce soleil lui-même qui les échauffait alors a perdu maintenant de ses feux. La corne d'Ammon , vivante , ne se montre plus que sur les plantes et les plages des tropiques. Quel autre Buffon oserait en- core soumettre à ses calculs les innombrables siècles qui se sont écoulés dans ces lentes ré- volutions ? Ces mers, vers le déclin du jour, offrent au voyageur attentif d'autres merveilles. Le soleil , sur son penchant , paraît, pour se pré- cipiter dans l'Océan, se détacher véritable- ment de rhorizon : on croit voir un immense lointain au-delà de son disque. Souvent aussi, {sa ) amoncelant alors autour de lui d'épais nuages^ il semble entourer sa couche d'ombres mys- térieuses. Mais ses feux qui dardent au-delà , qui frangent d'or et d'argent les contours de ces noirâtres nues, quis'échappent en jets lu- mineux à travers leurs crevasses , qui, se projetant sur une pjartie du ciel en longue traînée de pourpre et de rouge ardent, dé- cèlent ]a présence du dieu du jour. Sous les tropiques, l'air plus dilaté, appelle avec plus de promptitude les vapeurs : elles s'y condensent proraptement en nues épaisses qui, sous un soleil plusardçnt, produisent ces admirables effets de lumière inconnus à nos contrées septentrionales. Souvent l'opacité des nuages est telle , qu'à midi on croit être dans les ténèbres; et alors ces nues se dis- solvent, non en pluies, mais en torrens. J'ai vu quelquefois, sur ces mers, durant le court crépuscule de ces latitudes , des nua- ges diversement colorés 'border tout le con- tour de l'horizon ; leurs bases semblaient assises sur le cristal des e^ux , et leurs som-» mités, dessinées pittoresquement , semblaient avoir été alignées par de savantes mains. L'azur des cieux , arrondi en dôme au-dessus , donnait l'idée d'une immense coupole dont le (?3) riche chapiteau était répété par le reflet des. mers. Le voyageur cependant qui n'a point en- core atteint la ligne du tropique est pour les marins un profane qui doit être purifié par des ablutions. On en fait les préparatifs avec mystère. Le pontife , le représentant du» père Tropique y du bonhomme Tropique y pa- raît alors » du haut de la grande hune^ affublé d'une longue robe, couronné de pampres tropicales, décoré d'une barbe vénérable. Il demande ce qu'il y a de nouveau ici bas. On l'instruit que des profanes vont souiller son empire , s'il ne 3e hâte de venir les purir fier. U descend aussitôt , se place sur un siège élevé: un nombreux cortège 'l'entoure pour exécuter ses ordres suprêmes. Le capitaine ^ les officiers paraissent eux-mêmes lui être soumis. On annonce les néophytes. Mais l'ar- gent , qui sur terre aplanit les routes du ciel et les couvre de fleurs y l'argent aussi étend sur la surface inhabitée des mers sa magique puissance. A la vue de ce séduisant métal, le pontife du tropique s'émeut ; sa voix retentis- sante faiblit ; son regard , ses traits , veulent paraître moins efirayans, et le riche néophyte qui a payé largement^ au lieu des abondantes \ (24) ablutions de Teau épuratoire, n'en reçoit que quelques gouttes. Cependant il faut au moins une vietime qui, chargée des impuretés de tous , paie pour tous. Cette victime expiatoire, néces- saire au salut de tous , est toujours le plus pauvre , que maintes et maintes libations éprouvent long-temps avant d'être purifié. Le baptême du tropique remonte au pre- mier temps de la navigation sur ces mers. Les voyageurs historiens en parlent comme d'un usage ancien. Si l'origine de ces voyages se perdait dans l'obscurité des temps , de savans mythologistes n'auraient pas manqué de trou- ver dans ces cérémonies des rapports avec celles qui se pratiquaient , et dans FInde , et en Egypte , et dans la Grèce , et chez les Ro- mains. "Le pontife^ le bonhomme Tropique^ aurait été sûrement pour eux Bacchus , Oziris y Hercule ^ Neptune^ etc., que sais-je ? Mais ce qui- est vrai, c'est que le génie de l'homme , borné sous tant de rapports, se ressemble et se copie , sans le savoir, à-peu-près comme un jeune animal imite tout ce que ses ancêtres ont fait, sans cependant l'avoir appris d'eux. Personnifier les abstractions de l'esprit est (35) une chose si commode pour le savant et pour Tignorant , pour le génie et pour l'esprit borné, qu^on ne doit pas s'élonner de relrou- Ter chez toutes les nations , dans toutes les sociétés, et jusque dans la vie privée , le sys- tème des allégories. L*art de matérialiser les idées les rend plus faciles à arranger, à saisir et à retenir. L'Amour, sous la figure d'un en- fant, à la physionomie lutine , au bandeau sur les yeux , à l'arc à la main , au carquois plein de flèches, instruit bien plus vite et bien mieux que les récits des poètes j des roman- ciers et de savantes dissertations de moralistes. Avant de chercher si telles divinités ou telles allégories viennent de telles autres , je voudrais que toujours on examinât d'avance si la simi- litude des objets chez diflerens peuples ne leur a pas donné les mêmes idées, sans ce- pendant se communiquer ; si elle n'a pas fait naître ensuite des allégories approchantes : alors que de recherches immenses inutiles ! que de faste d'érudition à ôtcr de nos biblio- thèques ! ''* (26) CHAPITRE III. Arrwée à la Martinique. De la "ville de Saint - Pierre. Défauts des ^villes des Colonies. Mœurs y usages. Commerce des gens de couleur. JN ous vîmes terre le trente-troisième jour de notre départ. Descourans rapides, déterminés par les intervalles que laissent entre elles les Antilles , nous avaient déjà averti de rap- proche de Tîle de la Martinique. Vers le midi ^ cette île s'offrit à nous, à Textrémité de l'ho- rizon , comme un nuage ^ mais plus opaque et plus constant dans sa forme. En approchant; la terre s'élevait et s'élargissait ] elle présent- tait l'aspect d'une montagne conique, dont les côtés, en s'abaissant, se festonnaient irré-» gulièrement. Nous devions, selon l'usage des navigateurs t entrer dans le canal de la Do-> minique , c'est-à-dire dans le détroit que forme le voisinage de ces deux îles; et alors ^ (37) pour arriver à la ville de St.-Pierre, nous n'aurions eu qu'environ un tiers de Tîle à côtoyer : mais le capitaine, qui n'était point assez sûr de lui , n'osa entrer vers la nuit dans ce canal, quoique les cartes et les officiers lui annonçassent qu'il n'y existait pas un seul haut fond; que les vents , toujours réguliers , ne laissaient aucune crainte, et que la lune en son plein dût éclairer, sous un ciel pur, la nuit presque aussi bien qu'en plein jour. Des bordées qu'il fit courir jusqu'au malin déter- minèrent notre route par le côté opposé. Nous eûmes alors au moins les deux tiers de l'île à tourner: je n'en fus pas fâché , car nous serrâmes la terre de si près , que je pus facile- mentdistinguer lesobjets à la simple vue. Nous reconnûmes le cap Ferré j nous doublâmes la pointe des Salines j nous nous approchâmes à moins d'un jet de pierre, du rocher le Diamant y qui s'élève au-dessus de la mer en pain de sucre mutilé. Nous pûmes distinguer l'étroit chenal formé entre lui et la terre, o\x passent seulement des bateaux. Bientôt nous TÎœes que la mer s'enfonçait profondément dans les terres, qu'elle y formait une spacieuse baie ; c'est ce qu'on appelait le cul-de-sac rojaL Dans l'intérieur de cette baie , une v^ (28) langue de terre étroite, qui s'avance du nord au midi, resserre une seconde entrée, et la défend contre les vagues et les vents. Sur cette langue est construit le fort nommé Fort-Rojal y que nous distinguâmes faci- lement. En continuant de côtoyer l'île, elle se mon- trait toujours escarpée de rochers sur lesquels sont entassées des montagnes à pic qui se perdent dans les nues. Toute la partie du sud que nous ayons longée présentait ses hautes sommités dégarnies de bois, ses pentes rapides couvertes de végétaux d'un vert pâle. Cet aspect est sauvage et triste. Vers les deux, heures après midi , nous nous trouvâmes par le travers de la ville de St.-Pierre. L'enfoncement de la mer^ évasé en anse de panier, ne forme, à proprement parler, ni port, ni rade, ni baie; ce n'est qu'une/«//e foraine , ou un mouillage assez bon , tant que les vents ne viennent que de terre : modérés alors par l'élévation des montagnes, ces vents de terre soufflent presque toute l'année , excepté la saison des tempêtes, appelée saison de Vhii^ernagey commençant vers juillet. On ne peut donc, durant la bonne saison , appro- cher de la ville, qu'en louvoyant; et si l'entrée ( 39 ) de cette baie n'était ainsi évasée , elle serait alors inabordable. Le pied des mornes ou montagnes s'avance , pour ainsi dire, jusqu'au rivage, et ne laisse le long de la côte qu'une étroite lisière. G'est-là que se déploie la ville dans une étendue de plus d'une demi - lieue. On n'a pu établir parallèlement à la mer que deux à trois rues, encore une seule, la plus proche du rivage, est sur un terrain égailles . autres sont impraticables aux voitures, tant elles sont monlueuses. Nos indolentes créoles les parcourent en chaises à porteur, ou, plus fastueusement, dans des hamacs que de ro- bustes esclaves portent sur leurs tètes. Les rues transversales, c'est-à-dire celles qui de la mer vont au pied des mornes, y sont néces- sairement courtes; elles finissent brusquement au pied de ces monts à pic. La ville paraît écrasée sous leurs masses effrayantes , et à mesure qu'on s'en approche , il faut pénible- ment élever la vue pour découvrir l'horizon. On croirait que ces hardies montagnes vont s^écrouler sur leurs toits; et véritablement on devrait le craindre , en apprenant que de fréquens tremblemens s'y font ressentir : ils annoncent les sulfureuses excavations de ces monts jadis volcanisés. Leurs flancs , hérissés (3o) de rochers inclinés vers le couchant, seraient autant de réverbères qui embraseraient la ville, s'ils n'étaient cà et là couverts de vé* gétaux et déchirés par de profondes ravines où coulent et tombent en cascades, à travers des rochers noirâtres , des eaux qni , se dé- robant aux feux du soleil, y sont toujours fraîches* Les pluies passagères, mais impé- tueuses, les transforment, par momens , ea torrens dévastateurs. On a su profiter de ces eaiix abondantes, pour les distribuer dans toutes les rues de la ville , où elles coulent avec une rapidité vivi- fiante : sur ces sites inclinés, elles s^épurent et rafraîchissent Tair. Leur fraîcheur contribue sans doute principalement à entretenir ces brises qui journellement descendent des mornes, et courent à travers leurs gorges sinueuses pour se répandre aux environs. Sans ce concours de circonstances, le site de la ville de St.-Pierre , enfoncé au pied de ces hautes montagnes, ne serait pas habitable sous une latitude de 34 deg. plus méridionale que Paris. L'air y est en efiet tel, qu'on y supporte des habits de drap léger : ce vête- ment est même le plus sain, attendu que, rencontrant; selon la position des lieux, des ( 3i ) courans d*air plus vifs, on s'y trouve hors d'atteinte de ces transpirations supprimées, presque toujours mortelles sous les zones torrides* Les rues de cette ville sont passablement alignées, assez larges pour nos climats tem- pérés , mais pas assez sous un soleil brûlant. Je les voudrais si spacieuses, qu'elles pus* sent être bordées d'avenues d'arbres qui rafraîchiraient et assainiraient l'air. Leur ombre déroberait les maisons à ces chaleurs étouffantes où naissent ces fièvres qui frap^ pent à mort l'Européen, avant même qu'il s*en croie attaqué. Le pavé des rues ne brûle- rait pas au point de n'y pouvoir tenir les pieds en repos ; et le piéton étranger , que ses affaires obligent d'aller et de venir sans cesse , ne sentirait pas son sang s'allumer sous l'aplomb d'un soleil embrasant. Aucune des nations européennes n'a , dans ses établissemens , fait attention à l'immense différence de ces climats d'avec . celui de leurs métropoles; toutes ont dessiné et construit leurs villes sur les plans et les distributions de leurs habitudes particulières; toutes ont économisé parcimonieusement les largeurs des rues et des places, les distri- \ \ (30 butions des maisons, de leurs cours et de leurs jardins, lors cependant qu'elles fon- daient ces établissemens au milieu des déserts, et sur d'inutiles terrains. La portion surtout des habitans commerçante et moins aisée s'y trouve chèrement entassée comme dans nos villes populeuses. Aucun règlement n'a pré- vu à cette calamité , qui , depuis trois siècles , dévore des millions d'hommes si précieux pour l'agriculture, le commerce, les arts et la défense de leur pays. Lps maisons sont, en cette ville, bâties en pierre , élevées d'un ou de deux étages. On ne doit pas s'attendre à trouver les distribu- tions recherchées de l'Europe moderne , de ces boudoirs mystérieux, de ces petites pièces compliquées où le riche, chez lui, à l'insu même de sa famille , dérobe ses plaisirs et ses soucis jusqu'à ses curieux valets, se rend in- visible au mérite nécessiteux, à la vertu per- sécutée , sans cesser d'en paraître le protec- teur. Là , du moins on dédaigne de se montrer autrement qu'on est ; le vicieux y parait avec tous ses vices , et le cupide avare avec son inflexible dureté. Les colons , tout entiers aux soins d'agran- dir leur fortune , ou à leurs sensuelles jouissances , ( 35 ) )Ooissances/iie connaissent pas ces^grémens qui se lient aux plaisirs de Fesprit et aux charmes de ^imagination. Leurs maisons à. la campagne y celles de la plupart des culti- vateurs^ et à la viDe , celles des marchands , des artisans > souvent même des négocians^ n'offrent, pour les boutiques^ les magasins et les» ateliers y que des espèces de celliers éclai- rés par des portes et des fenêtres à grossières fermeturesv Leurs logemens particuliers sont des galetas , ou même des greniers > qu'en France la médiocrité aurait honte d'habiter. Là cependatit se trouvant, dç ces hommes à fortunes - opulentes , qiii versent à pleines mains l'or parmi ces femmesf lubriques ^dans ces jeux ruineux^ ou qui i^^^ccumulent en faate> que dans Tespoir de venir un jour étaler au milieu de nos capitales le luxe et la mol- lesse asiatique. Les maisons de quelques rjiches, reculées sur les derrières de la ville • construites syr d^s sites plus aérés, sont un peu plus convenable^ ment entendues» Le sallon de compagnie est ordinairement la pièce d'entrée ; il tient lieu de vestibule pour coipmuniquer dans les autres parties de là niaison. Les esclaves }f vont et viennent \ mais ces hommes ont des I. c ( 34 ) yeux pour ne pas^ voir, des oreilles pour rie pas entendre. Les décorations en sont simples. Le pavé, ordinairethent de marbre, est ce qui m'a paru de plus ricLe. Les murs y sont seulement blanchis , quelquefois peints ou boisés, ou garnis de papiers. Des sièges en bois ou en paiDe , quelques tables couvertes de porcelaines, en forment à peu près tout lé mobilier. Grâce au climat, point de ces massives cheminées enfoncées dans d'épais murs, comme pour en dérober la flamme pétillante qui réjouit tant la vue , et en dimi- nuer la chaleur, si nécessaire chez nous à l'homme en repos ; et parconséqueût , point de magots et de lourds bronzes pour les décorer. Les glaces y sont rares : ce ne sont le plus souvent que ces miroirs à larges cadres , qu'on ne voit plus chez nous que dans les demeures délaissées de nos obscurs ayeux. Il faut de l'air; c'est le besoin renaissant de tous les momens de l'homme , surtout inactif. Tout, dans ces espèces de maisons, est ordî - nairement sacrifié pour l'obtenir : pièces, grandes, percées de larges ouvertures, ga- leries^ escaliers extérieurs pour rendre plus libre cette si nécessaire circulation de l'air, et défendre les appartemens de l'action du soleil } (35) les pièces particulières, toutes aussi simples dans leurs ameublemens , n'offrent que quel- ques chaises, une table, une armoire, une légère couchette sans rideaux, mais embrassée, comme dans un sac carré, d'un mousticaire destiné à défendre des attaques des insectes volans. Ces mousticaires sont de tissu clair, comme linon, marly , mousseline ou toile. . Si quelquefois le sailon est garni de portes vitrées, on n'en voit point aux autres pièces. On y connaît bien moins ces draperies riche- ment frangées, ces meubles somptueux où se déroule le lampas aux brillantes couleurs^ qu'étalent nos vaniteuses bourgeoises, moins pour s'y asseoir que pour les montrer. Pour tableaux , on ne rencontre que des portraits de famille, où de larges épaule ttes et le ruban ponceau de chevalier tranchent surtout vivement. La plus grossière caricature attache bien plus les regards, que le plus moelleux de nos burins. Dans le petit nombre de ces demeures particulières ) l'homme aisé y jouit vraiment d'un air plus frais et plus salubre. En France, la maison du riche ne se dis- tingue de cellç de la fortune modique que par les inutilités du luxe, dont la vanité fait le G 2 (56) prix bien plus que le besoin ; et sous de mo- destes toits , habitent plutôt le bonheur et la santé : mais dans les villes des colonies^ le charme de respirer un air pur et libre, de jouir d'une ombre fraîche , semble être le pri- vilège de l'opulence ; et le nécessiteux, obligé d'exister par son travail et son industrie , vit resserré , privé d'air , sous des toits embrasés. Tel est surtout le sort de l'Européen que l'infortune amène sous ces climats brûlans. C'est-là aussi où la mort frappe sans cesse ses innombrables et précoces victimes. O vous dont le génie est de changer les destinées des nations, bientôt vous étendrez une main ré- paratrice sur ces malheurs nés de Fignorance et de l'incurie ! Ce petit nombre de maisons consaci^ées aux fortunés riches, est encore loin de réunir les avantages qu'exigeât ces climats et qu'of- frent leurs sites. Point de jardins, quelques cours resserrées et mal tenues n'y sont pas rafraîchies par les ombrages de ces arbres d'une végétation si étonnamment rapide. Daas ces régions où la nature prend des formes si pittoresques ; où les végétaux se revêtent de feuillages si grands et si majestueux; où des lianes si vivaces montent et redescendent \ (57) des plus grands arbres ^ s'y enlacent en guir- landes, en épaisses draperies, en longues cplonnesj où , sous leur ombre, la terre aime tant à se tapisser de verdure , à s'émailler de fleurs ; où partout le baume des plantes lexhale de si suaves odeurs; où toujoqrs le printemps, leté, Tautomne^ prodiguent à r^nvi tous à-la-fois, sans se reposer, leurs plus riches dons : dans ces régions, l'homme partout , presque partout se montre insen- sible aux merveilles , aux trésors inépui- sables de la riche nature. Le gain, l'or , de grossiers plaisirs, enivrent seuls toute son ame , ferment tout-à-fait son cceur à ces si douces et si aimables jouissances! Plaines qu'entourent la capitale des Fran- çais ; rives qu'arrosent la Seine et la Marne tortueuses, vos habitans^ à l'envi, vous pa- rent des plus rares végétaux des deux mondes ; rassemblent à grands frais , acclimatent , par un art savant, ceux qui naissent, et vers les glaces des pôles , et sous le cercle équinoxiale. Us s'y complaisent sous ces longues avenues arrondies en berceaux, au milieu de ce^ mys- térieux bosquets où serpeoitent d'ingénieu;x sentiers. Dans tes murs mêmes, Paris, le faste des arts , le torrent des plaisirs , les tr%- (58) Taux ton jours actifs do pauvre oe sauraient affaiblir ce besoin , de frais ombrages , des fleurs et des gazons : si Fhabilant n'en a la realité , du moins il lui en faut Timage. Ohî que j'aime à me rappeler ces quais po- puleux bordés d'arbusles et de fleurs écla- tantes , où à côté de l'opulence la modeste ouvrière achète, des épargnes de ses si petits gains, ce pot de fleurs que sa gentiUe main va soigner si affectueusement, que ses regards Tont sans cesse caresser; et ce bouquet, don de l'amitié ou de l'amour, ne sera pas par elle , comme dans les mains des olivâtres beautés de ces régions-ci, aussitôt impitoya- blement brisé. Long-temps ravivé par des eaux renouvelées , il va parer son humble che- toinée , parfumer Vair qu'elle respire. Oui , dans ces lieux où la nature reçoit tant d'hom- mages, où de toutes parts des autels et des temples lui sont élevés, où des prêtres et des prétresses ne cessent de lui sacrifier ! dans ces lieux doit être placé le trône des nations ; et si le génie s'apprête à les orner de trophées et d'arcs de triomphe à la. gloire du héros qui commande^ ils ne seront dignes de lui (Ju'en- tourés de festons , de guirlandes et de hauts arbres où , sous leurs ombres vénérées, les s (59) races futures se rediront les prodiges qu'attes- teront ces monumeus ! Ce qui trappe singulièrement en arrivant à St.-Pierre , c'est celte multitude de nègres^ de mulâtres^ de quarterons, de métis de gé- nération y d'un sang mélangé de blanc et de noir. Le port , les places , les cabarets ^ les boutiques en sont occupés. Des quartiers en- tiers semblent exclusivement habités par eux. L^énorme disproportion de leur nombre avec celui des blancs remplirait d'elïroi, si on ne savait qu'une force militaire est dans cette île, toujours plus que suffisante pour réprimer les plus audacieuses insunections, quand son territoire , trop borné, peut encore- etfe faci- lement circonvenu au-dehors par des secours extérieurs. Cependant la seule vue de ce genre do population graduellement croissante rap* pelle toujours, indépendamment des mal- beurs de St.-Domihgue, à tout homme sensé, combien les Européens sont imprudens de faire multiplier des races qui , par leurs mœurs, leurs lois , leurs opinions , sont nécessaire- ment leurs ennemis; qu'une telle multiplica^ tion dans des iles de l'étendue de St.-Domingae et de Cuba devient de plus en plus dange- reuse ', mais que , si elle a lieu sur le territoire (4o) immense du continent coupé par de si grands fleuves , par des marais , des lacs ; des chaînes de montagnes et d'immenses déserts ^ le mal alors deviendrait irréparable, A la Martinique , ce sang mêlé n'est point seulement employé aux travaux de l'agricul- ture ; dans les boui^s et les villes , et spécia- lement à Saint-Pierre , ils exercent tous les arts utiles ^ toutes les professions lucratives y soit comme esclaves , sous la dépendance de leurs maîtres y soit comme locataires qui leur rendent des comptes, soit aussi souvent pour leur propre compte , et plus souvent encore pour eux-mêmes , comme libres et indépen- dans. Ils tiennent des ateliers et des boutiques de menuisiers , de tonneliers , de charpentiers , de forgerons , de tailleurs , de bijoutiers ; ils tiennent là un grand nombre de câJ>arets , et embrassent diverses branches de commerce, celles de détail,^ surtout des comestibles , jdus pénibles , si l'on veut , mais plus lucra** tives. Ils ont sur les blancs l'avantage inap- préciable de pouvoir toujours l'emporter par la concurrence. Plus simples dans leur habil- lement , plus -accoutumés à être mal logés et à se priver des commodités européennes, ' vivant surtout beaucoup plus frugalement , (4i) ils peuvent donc , av^çc de moindres gains , gagner beaucoup plus. Ainsi, il reste peu à faire pour les blancs qui n'ont pas de grands né- goces à entreprendre , ou des habitations agri- coles à régir. Chaque jour cet état de choses deviendra moins favorable à ceux-ci, parce que les gens de couleur, multipliant progressivement davantage y embrassent de plus en plus ces c'est que la femme esclave est souvent aussi isocoptueusement parée que la femme libre. Si < 44) cet air d'aisance et de faste , tant éloigne dte la simplicité de nos laborieux pays^ins, était dû au travail et à l'industrie, ce serait un ravissant spectacle qui annoncerait la prospé- rité et la félicité de ces contrées. Mais non > il n'est que le produit de la débauche. Des jeunes gens se perdent , des chefs de famille se ruinent pour subvenir à des dépenses d'au- tant plus désastreuses , que ces prodigues et vénales créatures ne sont avides de choses dont elles ne soupçonnent pas le prix, que pour les dissiper avec encore plus de prodigalité. L'amour, oui l'amour est dans l'homme la plus noble passion, quand ce qui peut l'en- flammer ne doit être que le prix des talens , de la sagesse et de la vertu. Mais quand, pour se rapprocher de l'objet dé ses feux , il lui faut se ravaler à l'abjection d'une malheureuse esclave , incapable de sentmiens affectueux , d'idées morales , de notions sociales ; qui ne connaît pas de milieu lentre la crainte et la licence ; l'homme alors est descendu au dernier degré de dégradation ; et Tctat qui nourrit dans sein beaucoup de parées hommes est lui- même dégradé. De-là, dans les colonies, des vices et des crimes encore inouis dans le& régions de l'ancien monde les plus dépra-- (45) ▼ées : le père y voit avec indifférence sa propre fille se prostituer ; il lui sait même gré dn grand nombre de ses amans passagers ; il en devient au besoin le confident. Faut-il dire ijue , dans mon court séjour à cette colonie , j'en ai vu des exemples ? Souvent le père laisse dans les fers de Fesclavage ceux des enfans qu'il a eus de ces liaison^ dégradantes : sou- vent encore il les vend; et ces exemples sont si fréquens^ que le remords ne vient pas Ten punir. Sensibles Européens, vous vous apitojet sur rinfortuûé Joseph vendu par ses frères ! et à vos côtés , peut-être , est un de ces hommes coupables d'un crime pareil , et plus atroceî Les lois de la nature , ces lois si saintes , qui rattachent tous les êtres à leurs semblables , qui surtout inspirent à la paternité une si tendre sollicitude , ont donc ici perdu leurs traces sacrées î Tesclavage qui souille la terre de crimes si affreux est-il donc fait pour la nature hutiiaine ! Les navires ne sauraient s'approcher, près du rivage , faute de fond ; presque partout ils sont obligés de mouiller au loin. Cet incon^ •vénient rend plus dispendieux les ohaigemens et les déchargemens ; mais il donne à la ville (46) plus d'air, plus de vue et plus d'agrément. Ce grand nombre de navires reculé» sur plu- sieurs lignes laisse un intervalle toujours couvert d'erabarcadaires , de chaloupés , de pirogues, de canots qui sans cesse vont et viennent et se croisent. Ce tableau mouvant, ces lignes de navires sur une belle mer , ce rivage plane, d'où s'élève une ville florissante; derrière elle ces si hautes montagnes. dont le sommet de l'une est presque toujours cou- ronné de nues, forme un spectacle des plus variés et des plus attrayans. L'air plus frais qu'on yespire sur cette plage caillouteuse, où viennent expirer les flots écumans de la mer , feraient de ces lieux une promenade dé- licieuse, si des arbres,. amis des eaux, les om- brageaient , et s'ils n'étaient le dépôt de toutes les immondices de la ville que les vagues re- jettent sans cesse sur ces bords impurs , comme pour accuser les habitans de leur coupable pro- fanation : on ne. ^ait où poser le pied, on n'y respire qu'un air infect; les regards ne ren- contrent que des objets dégoûtans ; il faut s'é- loigner avec chagrin des lieux qui devraient étre^ pour la promenack et les affaires, au matin et au déclin du jour, le rendez-vous de tous les âges et.de tous les états. Ainsi ^ (47 ) }es maisons voisines^ les plus agréables et les plas saiubresy sans cela , où résident ordinai- rement les étrangers^ sont les plus incom- modes et les plus mal-saines. L'emplacement de la viUç a d'abord été dé- terminé au nord , par la forteresse , ouvrage de peu de conséquence , mais dans une situa- tion élevée et salubre ; commandant en face à- la mer, et sur le flanc, protégée par une petite rivière dont le lit profond et semé de rochers forme une défense naturelle. Les pre- miers habitans s'établirent dans le voisinage de cette forteresse , et la ville semblait devoir continuer à se prolonger au nord, où le site est plus élevé, plus aéré, et par conséquent plus sain : mais l'accès des navires y eût été plus difficile et plus éloigné, par le peu de pro- fondeur de la mer; et d'ailleurs, dans ces premiers temps, le pouvoir étendu et redou- table des gouvernemens, cette hautaine ma- rine royale qui aimait tant à ravaler la ma- rine marchandé, nourricière du commerce,; déterminèrent les commerçans à s'éloigner et à s'étabhr vers le sud ; situation cependant si étouffée^ qu'on croit passer sous un autre climat y et dangereuse par cette raison. Dans les mois de juillet, d'août et de sep- X (48) tembre, où les vents de la partie daisud^ souf- flant avec impétuosité, amènent des orages toujours renaissans^ des chaleurs insoutena-- blés ; où les maladies mortelles se multi- plient ; où les y^étaux eux-mêmes paraissent soufirans; dans cette saison des tempêtes ^ nommées justement temps de V hivernage^ les vents impétueux de mer , roulant les flots vers la rive, tourmentent les vaisseaux et sou- vent les avarient ou les jettent sur la côte : pour lors , ils quittent ce mouiUage ouvert de St.-Pierre, pour aller chercher un asile dans le port resserré et abrité du Fort-Roysd. On se demandera y sans doute ^ pourquoi la rade et le port enfoncés du Fort-Royal, si sûrs contre les plus violens ouragans et conti^e les surprises de l'ennemi, placés d'ailleurs au centre de l'île, près d'un site plus découvert>- plus spacieux, où une grande ville pourrait s'accroître sans être obligée de resserrer •ses* rues et ses places, d^entasser ses édifices^,: jouirait en même temps au^dehors des agré*^ mens de la campagne et des commodités de la vie; on se demandera, dis-»je, pourquoi Saint-Pierre, avec tant de désavantages sur le Fort - Royal , est resté la ville de commerce ? Les mêmes raisons qui> fi Saint-Pierre , ont éloigné Soigné les commcrçans du voisinage de là forteresse, les éloignaient encore plus puis-^ samment du Fort-Rojal , et leur itaisaient prë-^ férer des dangers éventuels et passagers au malheur toujours constant d'être sous la maiu du pouvoir arbitraire , envitoniié d'agens si disposés à étendre encore Fabus de Tautoritié*^ Lecomnierce, semblable à* cçs grands arbres > Be sajurait prospérer que dans un air libre. Le Fort-Rojal, capitale de Tik , séjour de» gouverneurs, des états-majçrs, de la forc^ militaire, de la marine royal^.> éi^it, malgré ses avantages, tellement redouté des négo- cians, que le gouvernement , voulant en faire le siège principal du commerce j fut obligé d'accorder des lettres de noblesse aux pre- miers négociatis qui viendraient n'y établir; Ces distinctions honorifiques pour lesquelles les français d'alors, surtout, avaient tant de prédilection , ne purent les fixer au Fort^ Rojal seulement pendant les trois mois de l'hivernage î il fallut des exemples de sévérité ; on alla jusqu^à couler à fond ceux des vais- seaux qui refusaient d'obéir. Les preuves qije les avantages d'une heureuse situation, que des immunités , des distinctions , et même des réglemens les plus sages, ne sauraient ( oo ) compenser les abus irréparables du pouvoir absolu , se retrouvent partout sur les vastes régions du nouveau monde. Ses plus belles contrées y les plus favorisées de la nature , sont restées sous la main desséchante du gouverne- ment arbitraire des solitudes incultes, tandis que plusieurs autres de ses régions , enfoncées dans d'immenses déserts » éloignées des com- munications y ^lis un âpre climat , sur un sol pénible à cultiver, ont, sous Teinpire d'une sage liberté, enfanté miraculeusement de po- puleuses générations et d'immenses richesses. (5i ) CHAPITRE IV. Fdrt-Koyah Des marais. De tart de les assainir f fonde sur la nature ^ plus sûr et ihoins dispendieux. Environs du Fort- ^ . Màhgles. Crabes. Bourg du La-^ rriantih^ et autres parties de Tîle. Histoire naturelle. La ville dû Fpri-Royal au Vent de Saint- Pierre , à sept liéùes ^ùd-ést de cellé-ci, est srlnée sot le rivage de ïa rade, tentre le Fort- Royal et ia rivière dé rHôpital. Son terraiii plat et bas est formé dés débris des mornes qui lé cônima'hdehi, et mêlé avec les alvusiôns de la mer qui le rendent plus élevé le long du rivage, tiès derrières abaissés sont noyés de, grands ôiaràis entrelenùs par lés torrens qui descendéàl ^des môrne's. La protection d^u fort détërAiina , côAime a Sc-rièrfe , ïâ positiorf de cette ville. Le danger des marais , les éta- blisseniens tl lés èèsoîris du commercé rap- D 2 r (6, ) prochèrent davantage de la côte, et firent même prolonger des levées assez avant dans la mer. Ces mar^i^ , sur les derrières dte la ville, n^ont cessé d'être funestes à cette partie de l'île ; ils ont répandu des épidémies qui ont fait de ces lieux le tombeau des habitans et de nos troupes. En 1762, 'les Anglais, qui s'étaient emparés de c tle île, perdirent au Fort-Rojal plus de deux mille hommes. On a cherché à réparer ces calamités, en creu- sant un canal qui, traver3ant ces marais, sef dégorge d'un côté dans le port, et de l'autre , à l'embouchure de la rivière de l'Hôpital. Ce canal isole la presqu'île de la terre; mais, trop étroit , il ne peut remplir quen partie le but qu'oa s'était proposé; les nialadies épidémie ques ont diminué, et n'ont pas cessé. L*art d*àasaibir les marais , si simple et si peu dispendieux, est encore inconnu. Il se réduit à èmpêchjBr Inaction du soleil sur les eaux stagnantes, à les ombrager d'arbres qui entre- tiennèntleur fraîcheur, qui^ parleurs racines fraicarites'^ïeur' chevelu épais , leurs boi& poreux, leiir feuillage touffu , recréent sans cesse uji ajr vital qui circule autour d'elles, ' ■■II'.*'-' ' • î ' * couvre leur surface , les péAètre jusque dan* (53 ) leur iîîtérieur, et jusque dans les pores de cai terres limoneuses. Cette vérité, dont j'aurai des preuves multipliées en parlantdela Louisiane, est restée jusqu'à ce momentinconnuc; tandis cependant qu'elle se présente, pour ainsi -dire, d'elle-même sous différentes formes. N'est-ce pas dans la saison des chaleurs, que les marais sont dangereux? JN'est-ce pas surtout quand il règne des vents chauds qui excitent la fer- mentation et accélèrent la putréfaction ? Ne Tojons-nous pas les eaux stagnantes, exposées aux ardeurs du soleil, se troubler, se couvrir de limon, exhaler une odijui^ putride, se charger de productions immondes? et dans le même temps, ces mômes eaux stagnantes, et qui sont abritées,' conservent leur limpidité, ne se méphitisent pas, si le sol où elles sont ne contient pas des qualités malfaisantes. Les vé- gétaux, par leurs pores, leurs canaux secrets, n'ont- ils pas des correspondances depuis les racines les plus ténues jusqu'aux feuilles les plus éloignées , et n'établisse ut-ils pas une cir- culatioil salutaire, de la cime des arbres jusqu'au fond des eaux ? N'y portent-ils pas ces huiles, ces sels,'cesespf its vivîfîaris? La chimie ^ enfin, ne nous a*t-elle pas révélé que les vé- gétaux étaient les principaux fabricati^urs^ de r (54 ) Tair vital (i)? Touties ce.3 choses maintenant si connues ne nous disent-elles pas ? Défendez vos marais et toutes vos eaux stagnantes des eftets de la chaleur solaire; appelez autour d'elles, et jusque dans leur sein , ces végétaux épuratoires de l'air, agens des communica- tions souterraines avec l'atmosphère. Ne remarquez-vous pas, surtout parmi les amen-- Lacées , les nombreuses espèces de saules toutes si traçantes; celles des pçu/jJlerSj mul- tipliant, pour ainsi dire, autant en exsudaqt toujours une substance ^ommeuse fortement aromatisée ? î^e la retrouvez-vous pas surtout en bro^yant légèrement daas vos do,igts leurs, tendres bourgeons , leurs feuilles naissantes , leprs jeunes éçprces ? Dive^f'ses espèces à! aune n'opt-elles psjs aussi des qU(|lités fpftepent astringentes , et par çoiiséqj:(çn| antiputrides ? CjBS lauriers çt ces. magrioli^trs , qui , dans les clipiats chauds , couvi^'ç^t ](e3 eaux de leurs QP^bres, ne répa^dent-il^ pa$ $urtout leurs vqlsttUs aromates, ps^r leurs fleurs, ^çyrs fruits çt Içurs feuilles per&istai^tes , et leur^ ipcorces et leyrbois, j^sqi^e dans l'ç^t de^e$siçcatioj^? P^rjpîû Içs p^fl^6^]fçtf(éfiçure|;^ les nombrei|ses (i) ir<^jexXhimie. de Id« Foureroy. (55) espèces de labiées ^ qui, sous tous lesclimals, tracent dans les eaux dormantes, ne sont-elles pas, par leurs huiles évaporables , dés moyens employés par la nature pour assainir les ma- rais ? Et ces plantes mêmes qui nous appa- raissent sous les attributs de dangereux poi- sons , telles que les renonculacées et les ombelliferes aquatiques, n*ont sur Tair que de salutaires effets , par leurs émanations ex- trêmement atténuées. Une d'elles surtout, la ciguë j n'est-elle pas employée par la médecine comme un des plus puissans fond^ns.^ resti- tuant au sang sa fluidité virginale, et repous- sant hors des vaisseaux tout ce qu'ils peuvent contenir d'impur? Ainsi les végétaux qui environnent les marais qui s'élèvent à leur surface, doivent être protégés avec une religieuse surveillance. Leur profanation est toujours punie par mille fléaux , par des épizooties , des pestes qui at^ taqueni les hommes et Les aniamux, et qui se propagent de générations e» générations. C'est pour avoir porté sur eux la hache sacrilège; c'est pour les avoir abandonnés- à la dent encore plus meurtrière des-hcrbivore»^. que vous en êtes, près de Rome, le trop véridiquo témoignage ! Et sous le climat plus teaipéré de rindustrieuse France, il n'est presque pas un seul de ses cantons où des marais décou- verts ne répandent autour d'eux, dans la saison des chaleurs, des miasmes morbifères^ Ces dispendieuses tentatives pour leurs desséchemens , faites sans respect pour les végétaux qui les couvrent , les rendent encore plus meurtriers , et il faut qu'ils dévorent long-temps ceux qui les comblent ou les dessèchent , avant qu'ils puissent épargner les races futures, «Mais au lieu de ces entreprises longues dans l'exécution , onéreuses aux peuples, pres- que toujours délaissées^ et alors rendant ces marais plus contagieux, qu'on se borne sim- plement à multiplier à pçu de frais les es- pèces d'arbres, d'arbrisseaux et d'herbacées que la nature leur destine , qu'à cet' effet elle ^ rendus si traçantes . si vivaces et si touffues^ J^es napitçs fçaîcheurs , les émanations s^liir^ (57) taires de ces plantes épureront les lieux cîiv cou voisins , deviendront encore utiles par rimmense produit de leur bois nécessaire au chauffage et aux arts. Leurs dépôts accumulés, les épaisses vapeurs qu'ils appellent et qu'ils fixent, les propres eaux de ces marais trans- muées en substances solides par leurs filtra- tions chimiques dans les canaux compliqués de ces végétaux (i) , élevant graduellement ces sites enfoncés, hâteront leurs déssécheraens naturels ; tandis que des canaux creusés par la main des- hommes, sujets à s'obstruer et à s'encombrer, ramènent sur ces lieux dessé- chés facticement des stas^nations d'eaux de plus en plus dangereuses. Entraînant d'ailleurs ces dépôts limoneux , ils creusent ces marais, et les empêchent de se combler. n V (i) Nous devons, de nos jours, à la chimie la mémo- raLlo découverte que l'eau n'est point un élément primitif simple; qu'une portion du ilnide aqucu:s: se condense en substance solide. Cette expérienèe, avouce de tous les savans, mène à prouver que la nature opère encore plus efficacement ce que l'homme fait avec ses grossiers justrumens. Les principaux agens de la naturel sont les végéuux ; leurs diffërentes races, eonime autant de laboratoires divers, opèrent' des décompositions €tdes recompositions-sur le fluide aqueux , si variées et ^Tec des propriétés si difOireutes; que l'homme ne pourra ( 58) Enfin , si la nature des Ikux , si de pressa n$ besoins exigent impérieusement ces desséche- mens , au moins , en les exécutant , Q'al;>attez que successivement les végétaux qui les cou- vent ; ne les détruisez qu'à proportion que vos travaux avancent, et gardez-vous de livrer, sans nécessité, à Taclion solaire, ces terres détrempées, mélangées de substances si op- posées , dont l'active fermentation est toujours funeste! Ménagez avec le même soin ces om- bres conservatrices pourle* hommes que vous employé?, à ces périlleux travaux, La chaleur, en ipéphitisantles exhalaisons qu'ils respirent, ri^réûe. en même-temps leur sang^, et le raréfie a un tel degré, que la circulation an Revient cxtrêmepaent pénible , et la tension des mus^ clés, pendant le travail, coo^primant encore les vaisseaux , ajoute «n même temps aux jama,i8 les iqaUer ni raeGqe les. coojïallre toutes ; et c« qui est surtout renpkar^uable, c'est que dea avbres léievés Aaiiis des caîssfi^, dont on s^v^it pesé la lerye qu'elles eonteuAieat, sp «w^ tronv^fs, ^près,plusîeaTS années, avoir >(sqws m^ peids oonsidjéraU», indëpendammettl de Içi^^ feiMÎlle^ , Sjbus ^ue la feriteoii ib avaietU Wgétfi eiU peird^ 4^ ^oij^ p^ds. L'eau qui les ayavl/ nounrit u'avs^it pvi ^voir çQQt^iui assez do particules terreuses pour snfÇçe jjQurPi^lemfiffi à i^eur accroissemejoii , ia- dcpendammont de lears àttaaatûws coos'ulévaUes* (%) obstacles de cette circulation, dans les ins- tans même où elle a plus besoin d'être libre. De-là ces épouy^intables maladies connues, dans les régions chaudes et humides, sous les noms de peste j de maladie de Siam ^ àe^èi^re jaune , etc. ,- toutes , comme je le prouverai ailleurs, avec plu^ de développemens^ ayant levjr siège dans le sang, qui se corrompt parce défaut de circulation, et non dans les humeurs, n'agi§sent jamais ici que secondairement, A^ travers ces mines souterraines et pro- fppde^, où vivent des hpmmes , où leurs fa- milles se perpétuent , où des villages se pro- pagent , Fatraosphère resserrée s'y recharge cepend2|i)tt continuellçment,parde pquvelles fouilles, des poisons les plus subtils qu'en- faate la nature; des vapeurs aptimoniales et arsenicales s'y combinent ayçç les ^ubsîtance^ mercurielles, cuivrées, nitrçuses, etc.; et sur terrç, où Tair se renouvelle ïiveç tai^t de- faci- lité , ^cs homiiips sor^t dévorés çn^ quelques mois^ en quelques jov^rs mêiçe, Yî-rs. ÇÇ^ m«- r^s S9^mis à Taçtion di^ ^leiL Faut - il d'2^^tres preuves quç la c]ia|lçiir , p^us que Tévaporation des terres , est le véritahlç prin^. cipe de cette ç^es,^ruc^:^on ; qu^ le i^j4 lûQy^»^ de la prçvea^, e^t de protégé i^ niaurai; et (6o) les hommes par les ombres mystérieuses des végétaux? Vérité si simple et si naturelle, méconnue moins par le défaut de lumières , que par l'inattention , et que je n'ai moi-même saisie que pourFavoir trouvée écrite partout en caractères énergiques , sur la surface de la marécageuse Louisiane. Oh î si ma voix est assez puissante pour être entendue de ma patrie , que de lieux dangereusement décou- verts vont se couronner de salubres végé- taux ! que de nouvelles richesses vont croître dans son sein et dans ses colonies ! que de générations vont prospérer où siégaient les maladies et la mort ! Les mornes , qui s'élèvent derrière la ville du Fort-Royal, sont plus reculés qu'à Saint- Pierre , moins élevés et plus bnduleux. Ce site paraît prendre la physionomie de nos sites agrestes de France. L'éloignement et la découpure des mornes laisse alors plus de' liberté aux vents frais de se répandre sur la plaine, et ils rendraient le séjour de la ville plus sain, si l'assainissement des niarais, la coupé des rues et leur laro^eur avaient été mieux entendus. Le Fort-Royal bcctipe une langue étroite de terre , composée d'une roche tendre qui ' ' ( 61 ) s^avance dans la baie, da nord au sud. Cettd pointe est opposée à une autre pointe moins longue, appelée Vlsle aux Moines : toutes les deux forment Tenlrée de la baie. Des batteries de Pune et de Tautre établissent un feu croisé, défendent Tentrée de la rade , protègent la baie , couvrent la ville et le port. Cette langue de terre qu^occupe le Forl- Royal est tellement resserrée du côté de U terre, qu'elle n*a pas plus de dix-huit à vingt toises de large ; et dans toute sa longueur , elle s^élève de quinze à dix-huit toises au-dessus de la mer. Le derrière , marécageux comme la partie de la ville , est séparé de la terre par le prolongement du canal de la ville , destiné à verser les eaux stagnantes dans le port. Le morne Garnier est le plus haut de tous , et le plus escarpé. C'est sur son sommet qu'on a établi le Fort-Bourbon, dont lestroi^ fronts protègent la ville en face , et sur les côtes , le port et la rivière deTHôpital. Sans la possession de ce fort^ l'ennemi se rendrait inutilement maître du port de la ville et de rembouchurê de la rivière ; il y serait fou- droyé par l'artillerie dominante de ce fort. ( 6^) tetrible feu de leur caaon chargé à càrtoli* ehes, sur ces ivrognes, qui tombaient à (chaque pas qu'ils voulaient faire pour aller àl'assaut , qu'ils en tuèrent plus deneuf cents^» Le feu des vaisseaux ayant été secondé par celui que faisaient les habitans qui défendaient les palissades , obligea enfin Tofficier qui suc-^ céda au comte de Stirum, qui avait été tué, de faire battre la retraite et de faire un épau- lement avec des barriques qu'il trouva sous sa main , pour mettre à couvert le reste de son monde, et lui donna le temps de se désen* ivrer. » Ruîtier, qui vint à terre sur le soir , après avoir passé toute la. journée à canonner jÇft rocher, fut étonné de voir plus de , quinze cents de ses gens morts ou blessés : il résolut de quitter cette funeste entreprise, et de faire, embarquer le reste de ses hjommes pendant la: nuit. » Dans ce même temps , M. de Saint-Mar- the , qui était gouverneur de Fîlç sous M. d^ Baas, qui était général, assembla sou conseil,, et résolut d'abandonner le fort après ayoir. enlevé le canon , attendu que cejlui des ea^ tiemis ayant brisé la plupart .des palissades , , et abattu une grande partie des retranqhe.^ mens; (66) mens. U était à craindre que les habitans ne fussent forcés, si les ennemis venaient à Tassaut quand ils auraientcuvé leur vin. Cette résolu tion ne put être exécutée avec tant de silence^ que les Hollandais n'entendbsent le bruit qui se faisait dans le fort , soit en enclouant le canon , soit en transportant les munitions et autres choses dans les canots , par le moyen desquels on devait passer de l'autre côté du port. Ils prirent ce bruit pour le prélude d'une sortie qui leur aurait été funeste dans l'état où ils se trouvaient ; une partie s'étant déjà rembarquée; de sorte que Tépou vante se mit parmi eux. Us s'empressèrent de s'em- barquer , et le firent avec tant de précipita- tion et de désordre 9 qu'ils abandonnèrent leurs blessés , tous les attirails mis à terre , et une partie de leurs armes ; pendant que les Français, épouvantés aussi par le bruit qu'ils entendaient, et qu'ils prenaient pour la mar- che des ennemis qui venaient à l'assaut , se pressaient d'une manière extraordinaire pour s'embarquer dans leurs canots ; de sorte que cette terreur panique fit fuir les assiégés et les assiégeans , chacun de leur côté , et laissa le fort en la possession d'un suisse , qui , s'é* tant enivré le soir , dormit tranquillement^ et (66) ji'eatenditrien de tout ce tintamarre. Il fut fort étonné quand , à son réveil sur les dix heures du matin , il se vit possesseur de la forte- r^se, sans amis et sans ennemis. « M. le marquis d'Amblimont n'étant pas averti de cette double retraite , recommença à faire jouer son canon dès le point du jour. Mais ne voyant personne sur le fort , et n'y entendant aucun bruit , non plus que dans le camp des ennemis , dont les roseaux lui cachaient la vue , il fit mettre à terre un ser- gent et quelques soldats pour savoir des nou- velles. Ce sergent ne trouva que des morts , des blessés , et quelques ivrognes qui dor- maient dans les magasins. Il en avertit aussi- tôt son capitaine , qui envoya un officier et des soldats reprendre possession du forl. On rappela ensuite le gouverneur et les habitans ; et on commença , dès la mSme année ^ une partie des travaux que l'on voit encore à pré- si^nt, qui consistent principalement en des batteries y partie en barbette, etpartiie à mer- lane , qui environnent toute la pointe et qui battent sur la rade, sur la passe et sur la baie ^^\ En doublant la pointe du Fort- Royal, et en avançant au fond de la rade , on trouve ( 67 ) à gauche une espèce de caoal <ïui mène au bourg nommé le Lamcntin. Cette espèce de canal; long d'environ une lieue^ paraît avoir été percç^dans une forêt de mangles , qui, le bordant de chaque côté , forment ^ par leurs liges lisses , cendrées et serrées* , par leurs feuilles touffues, glacées et d'un vert foncé, un rideau charmant, qu'on dirait avoir été taillé au. ciseau. L'ombre et la fraîcheur de ces lieux silencieux, les contours du canal à tra- vers cette sombre forêt élevée sur la surface des eaux, font naître des idées romantiques , et inspirent une certaine mélancolie* Le mangle , en effet , a un caractère diffé- rent des autres végétaux ; il croît sur les ri- vages marécageux de la mer sous la zone torride , principalement à l'embouchure des rivières , ne s'élève guère à plus de vingt- cinq pieds , et dans son diamètre n'a pas plus de quinzç pouces. Son tronc, droit et cylindri- que , se charge d'un grand nombre de bran- ches longues , souples et pendantes. Celles du bas du tronc, plus nombreuses, retombant d'abord dans les eaux , s'y changent en ra- cines , qui s'étendent et se croisent avec celles des troncs voisins. Ainsi croisées et entre- lacées, elles forment à la surface des e^ux fi a (68) trti '^pèce de plancher sur lequel on marche avec sécurité , et non commodément , les branches du sommet s'alongeant aussi extrê- imement, se recourbent en arc jusqu'au niveau des eaux pour y prendre racine , et former de proche en proche de nouveaux troncs. Il suffit d'un seul arbre pour créer bientôt une épaissse forêt de toute l'étendue que le com- portent les eaux dormantes, ou du moins peu animées. La nature, qui déploie tant d'activité dans ces eaux croupies , ne se contente pas de les encombrer hâtivement par ces longues et fortes racines , par les couches de ces feuilles renaissantes sans cesse, par les dé- bris des troncs de si longue durée dans les ' eaux; elle y appelle encore des légions innom- brables de crustacées , de coquillages et de reptiles. J'y ai vu des crabes en si grande quan- lité , qu'on pouvait les ramasser à pleins pa- niers (i). Les huîtres se multiplient aussi ra- {%) A Saint-Domingue, dans les commencemens de • rétablissement de Jérëmie, où le sol , moins soigné et ^ plus coavcrt , était plus humide , ot couvert, près de la mer, de mangles, les crabes j multipliaient avec une profusion incroyable. <( Aux premières pluies du prin- temps, dit' M. Moreau de Sainl-Méry , description de i* (69) pîde^ent que les racines, et les couvrent d'un bout à l'autre. La cousommation prodigieuse qu'eu faisaient les Caraïbes, et ensuite les co- la partie française de Saini-^Domingue , t. 2;p. 801 , ils quittent leurs rivages, pour regagner les terres ; c'est alors que des milliards de ce» animaux: se répandent . notamment sur toute l'anse de Jërémie et dans la vilie> Lorsque celle-ci n'avait encore que peu d'habitans , c'était un soin pénible que de défendre l'entrée des maisons à ces nouveaux botes. Malgré des précautions sans nombre, ils y pénétraient; on en avait partout jusque dans son lit ; l'extérieur des murs ou des mai-^ sons en était tapissé , les toits en étaient couverts , les rues jonchées. Ils formaient quelquefois un tas de plu« sieurs pieds d'épaisseur, en se mettant les uns sur les antres. C'était une espèce de mur mobile et animé, armé de tenailles qui menaçaient de toutes parts m Le la mars 1774, le juge de police rendit une or- donnance , oh. je lis ce préambule. « Sur ce gui nous a été remontré par le procureur du roi de ce siège , que la situation de cette ville expose seê habitons à souffrir beaucoup d* incommodités delà quan- tité innombrable de crabes qui ont coutume d^y passer pour se rendre au bord de la mer y que la nécessité où se trouvent les habitans de les tuer pour s*en garantir , et leur empêcher l'entrée de leur maison , pourrait donner lieu à des maladies dangereuses , par le mau- vais air qui résulte nécessairement de la putréfac^ lion ; etc. »... En conséquence^ le juge ordonne : ( 70 ; lôns , n'ont pu diminuer sensiblement leurs produits. Ainsi , bientôt ces" amas de végétaux er d^animaux , se consolidant entre eux , élè- vent de solides terres, qui vont résister aux chocs des flots y arrétçr leurs empiétemens , et se couvrir, à leur surface, de terres végétales, pour produire de nouvelles plantes et nourrir d'autres animaux. Arrivé au bourg du Lamentin , on y re- connaît, au teint plombé de ses habitans, les effets des miasmes des marais. Les mangles abattus dans ses environs , sousprétexte d'aérer le pays, et des desséchemens imparfaits , lais**^ sent à découvert des parties d'eaux stagnante», qui se corrompent. L'exemple de celles qui, sous l'ombre, conservent leur pureté , n'ins- truit-il pas suffisamment que, pour prévenir cette contagion deTair, il aurait (allu, d'aprè* ce que j'ai déjà observé, toujours dessécher le terrain avant d'en abattre tes arbres? Le bourg , cependant, est situé sur un tertre dominant d'antres monticules qui l'environ- nent. Ce paysage très -boisé est agreste, sans être sauvage , et plait surtout dans ces lieux où l'œil est fatigué de rencontrer à chaque pas des montagnes escarpées , déchirées , s'élevant sur d'affreux précipices. (70 hes dimanches , on y tient une foire ou marché considérable. Un grand nombre de marchands des villes de Saint Pierrre et du Fort-Rojal, de la Trinité, avec les marchands ambulans , le garnissent abondamment de toi- les , d'étolTes , de quincailleries , de bijouteries , et autres denrées à Tusage du pays. Les habi- tans cultivateurs s j rendent de toutes paris pour assister à une courte messe , faire leurs emplettes et se voir : c'est le rendez-vous du canton pour les affaires et les plaisirs. On j rencontre surtout un grand nombre de nè- gres des habitations voisines , venus aussi, datfô ce jour de liberté, pour leurs emplettes ou leur amusement. Ce qui est surtout rematr quable , c'est la courtoisie des marchands en- vers eux, lorsqu'ils se présentent pour ache*- ter : ce n'est plus ce regard hautain , cettç voix menaçante ; tous pleins de complaisances et de cajoleries, ils déploient et bouleversent leurs boutiques, selon la fantaisie du nègre malin, qui jouit secrètement de se faire servir par ces maîtres altiers , et souvent finit par promettre seulement de revenir une autre fois* Ainsi, l'espoir du plus chétif gain fait à l'ins- tant évanouir ces hautes distinctions que , selon le colon , la nature et l'intérêt public ■^ ( 70 commandent aux lois. Que sera-ce donc lots* que^dans d'autres temps ^ les hommes de cou- leurs auront acquis de grandes richesses ^ et qu'un grand nombre de blancs seront dans la pauvreté î Ces nègres etieurs femmes sont très-éloignlés du luxe qu'étalent ceux qu'on voit à Saint- Pierre. Il faut cependant convenir qu'ils sont tous proprement vêtus ; qu'on n'en voit point de couverts de ces haillons dégoûtans que trop souvent la misère , à face exténuée ^ offre dans les villes et dans les campagnes de l'Europe. Ce n'est point la faute de la liberté , mais des abus qu'on en fait. Comment l'es- clave pourrail-il présenter le spectacle dou- loureux d'une pareille misère? Les lieux qu'il habite ont encore beaucoup plus de denrées qu'il n'en saurait consommer^ et celui qui peut être nu six jours de la semaine , peut moins difficilement avoir pour le septième une chemise blanche et un pantalon propre. Les itaomens que lui accorde la loi pour se re- poser et travailler à son compte^ dans ces ré- gions où la main d'œuvre est si chère , seraient bien autrement productifs pour nos ouvriers européens. _ « Cette île , la plus considérable des Antilles (75-) françaises , le centre de leur commerce , est située par le quatorzième degré quarante- trois minutes de latitude au nord de Téqua- teur; sa longitude diffère occidentalement de soixante - trois degrés dix - huit minutes quarante-cinq secondes du méridien de l'ob- servatoire de Paris ; ce qui fait quatre heures treize minutes quinze secondes de différence. Cette île peut avoir soixante lieues de circuit, sur une longueur d'environ vingt-cinq ; sa lar- geur est inégale. La Martinique 9 hérissée de montagnes ro- cheuses , prolonge , en s'abaissan.t , ses ramifica- tions irrégulières vers la mer, y forme des anses, des baies , des rades, que les colons nomment culs-de-sac ^ pouvant la plupart offrir d'assez ]>on$ ports , ou du moins des mouillages. Mais leur situation trop isolée ,, trop peu commu- nicative avec l'intérieur , a empêché d'y faire des établissemens considérables; tel est surtout le cul-de-sac de la Trinité, formant, un profond enfoncement couvert au sud- est par une longue pointe de plus de deux lieues, une autre pointe se dirigeant à l'est, dans une longueur d'environ quatre cents pas , resserre l'entrée de ce port , offre des moyens faciles de défense contre l'ennemi , tandis que les t (74) mornes qui rentourent le protègent tellement contre les coups de vents , que, pendant la sai- son des ouragans, les vaisseaux y sont hors de tous dangers. Ce port offre encore Tavantage de se trouver beaucoup plus au vent, et d'a- bréger considérablement la route pour re- tourner en Europe. Mais , placé à une des ex- trémités de Tîle, et d'un accès difficile pour, l'intérieur, il n'est pas possible de profiter entièrement de ces avantages. L'île de la Martinique n'est véritablement qu'un noyau de rocher volcanisé, mélangé des dépôts maritimes , fluviatiles ., et du règne vé- gétal et animal. Ce mélange de substances si différentes j produit diverses espèces de terres, toutes très-végétales , et propres aux diverse* productions de ces régions chaudes et hu* mides. Il s'en faut bien qu'on ait su tirer parti de la fécondité de ce sol, et qu'on le puisse même d'après les principes sur lesquels les Européens ont fondé leurs colonies. (75) CHAPITRE V. Causes particulières qui concourent à là prospérité de là Martinique. Renseigne- mens de commerce et dHndustrie pour les Européens qui passent dans cette colonie. Lb prétendu motif de la chaleur du ciimaÊ empêche les blancs de travailler à la terre \ ce premier devoir de Thomme, cette base des mœurs I source des talens, des lumières^ des richesses , est réservée aux esclaves noirs , ou races mêlées. Ainsi le plus fécond moyen de multiplier les blancs dans les colonies» de les y acclimater véritablement, et de conser-^ ver dans leurs mains toutes les richesses y leur est ôlé; il faut qu'ils se restreignent, con- curremment avec les gens de couleur, aux arts usuels , au commerce en gros et en détail, aux fonctions d'habitans propriétaires, ou d'économes* On a déjà vu combien la con- currence avec les gens de couleur leur est dés- avantageuse dans les arts usuels; elle ne le leur est pas moins, parles mêmes raisons , dans les différentes branches de commerce en détail. Depuis long-temps des nègres des deux sexes , esclaves et libres parcouraient Tinté- rieur de l'île, pour vendre en détail aux ha- bitans, des pacotilles particulières (i), des restes de cargaisons de magasins. Ces espèces de marchands, connus sous le nom de col- porteurs^ capables de braver les chaleurs du . climat, de faire des marches journalières à pied et chargés de fardeaux considérables , à travers File montagneuse et coupée da rochers et de précipices; vivant de peu , de maïs, de bananes, decassave et de fruits da pays; habitués à être presque nus, se Con- tentaient de peu de bénéfice , et le pou- vaient en effet. Ils vendaient au comptant , et accordaient même quelques délais. Ainsi ib se rcAdaient déplus en ()|us utiles auxhabitans cultivateurs, qui se procuraient par eux, et sans se déranger , les denrées* nécessaires à — i— — 111 !■■■ I 11 M il 1——^^ I I ■ " " t (i) On appelle pacotilles , des denrées chargée? sur des navires au compte dc5 particuliers, et qui ne font pas partie de la cargaison de l'armateur. (77) leurs ^besoins ou à leur fantaisie, et à bien meilleur compte qu'ils ne les obtenaient de leurs commissionnaires 9 dont Tavidité ne sa contentait pas des droits de commission , mais ajoutait encore aux prix des factures. Cet état de choses tendait nécessairement à accélérer la prospérité de la colonie ; car les habitanS; qui n'auraient pas eu autant d'oc- casions de venir à la ville y dépenser au jeu et en frivolités ; qui auraient suivi plus assidûment les travaux de leurs habitations , et qui en même-temps auraient acheté des denrées à plus bas prix , auraient donc eu plus pour eux. Ce surplus aurait tourné en amélioration de leurs habitations , car cha- cun aime à améliorer la chose dont il s'oc- cupe principalement ; et on peut dire que c'est surtout la passion dominante descultiva* leurs de tous les pays du monde. Plus de productions auraient augmenté les débouchés de la métropole ; en même-temps aussi , les commissionnaires 9 ayant à lutter contre une telle concurrence , auraient été obligés de I revenir plus religieusement au taux des fac- tures, et peut-être même de baisser leurs droits de commission ; ce qui aurait encore am^né de nouveaux bénéfices pour les ha- \ f (78) bitans-cultivateurs. Mais Tintrigue > toujours puissante quand la vérité ne peut élever la *»^oix , détruisit cette source naissante de pros- périté publique. En 1772, les riches commissionnaires (1) parurent persuader au gouvernement que, pour rintérét de la colonie et celui de la mé- tropole , il fallait interdire ce genre de col- portage . etc. Le gouvernement Tinterdit On devine les puissantes considérations qui influencèrent ses agens. Ce qui est non moins remarquable , ce furent des écrivains qui pré- tendirent aussi prouver que ce genre de col- portage était nuisible au commerce , en ce (1) Tel commissionnaire fera à Saint- Pierre six à sept cent mille livres argent de la colonie , de revenu annuel ^ et tons frais faits des dépenses exorbitantes de sa maison y il perçoit cinq pour cent de commission sur les sucres, cafés, etc. Il a encore en sa faveur les déchets, les frais d'emmagasinage. Quant aux denrées européennes , d'intelligence avec quelque autre com- missionnaire , il règle les taux de la place ; et les ha* l>itans, toujours arriérés avec eux, qu'ils provoquent par ces crédits ouverts à augmenter leurs dépenses , n'osent pas faire de réclamations : il leur faut souvent recevoir ce dont ils ont peu de besoin , pour obtenir «e dont ils ne sauraient se passer. • ( 79 ) que c'était un tiers entre le vendeur et l'a- cheteur , inutile et nuisible à Tuti et à l'autre : idée née de Fignorânee , ou plus sûrement de la séduction. Ce succès des commissionaires sur les col- porteurs laissa dans le cœur des habitans- Gultivateurs 9 un profond ressentiment^ ils ne virent , dans leurs commissionnaires , que d'ayides monopoleurs qui^aspiraient à l'exclu- sion du commerce, pour les pressurer plus impitoyablement. Et en effet , depuis ^ette époque surtout , les commissionnaires sont, par leurs créances grossies , presque les seuls propriétaires des richesses de la colo- nie , et les habitans n'ont été , pour ainsi dire, que leurs gérans. Mais ceux-là ont failli payer chèrement leurs richesses usu^ raires. A l'époque de la révolution , un grand nombre d'habitans des plus endettés avaient, assure-t-on , formé l'épouvantable projet d'in- cendier la ville de Saint-Pierre, pour con- sumer par les flammes les titres de leurs énormes créances. Il serait sans doute digne d'un observateur staticien de soumettre aux calculs les effets nuisibles d'une loi protectrice du monopole (jui a pesé long-temps sur cette colonie. Ces V, r (78) bîtans-cultivateurs. Mais Finlrigue , toujours puissante quand la vérité ne peut élever la 'i^oix, détruisit cette source naissante de pros- périté publique. En 1772, les riches commissionnaires (1) parurent persuader au gouvernement que, pour rintérét de la colonie et celui de la mé- tropole, il fallait interdire ce genre de col- portage . etc. Le gouvernement Tinterdit On devine les puissantes considérations qui influencèrent ses agens. Ce qui est non moins remarquable , ce furent des écrivains qui pré- tendirent aussi prouver que ce genre de col- portage était nuisible au commerce , en ce (1) Tel commissionnaire fera à Saint- Pierre six à sept cent mille livres argent de la colonie , de revenu annuel ^ et tons frais faits des dépenses exorbitantes de sa maison y il perçoit cinq pour cent de commissioa sur les sucres, cafés, etc. Il a encore en sa faveur les déchets, les frais d'emmagasinage. Quant aux denrée» européennes , d'intelligence avec quelque autre com^ missionnaire , il règle les taux de la place ; et les ha-^ Bitans , toujours arriérés avec eux , qu'ils provoquent^ par ces crédits ouverts à augmenter leurs dépenses ^ n'osent pas faire de réclamations : il leur faut souvent recevoir ce dont ils ont peu de besoin , pour obtenic «e dont ils ne sauraient se passer. • ( 79 ) que c'était un tiers entre le vendeur et l'a- cheteur , inutile et nuisible à Tun et à l'autre : idée née de Tignorance , ou plus sûrement de la séduction. Ce succès des commissionaires sur les col- porteurs laissa dans le cœur des habitans- Gultivateurs 9 un profond ressentiment-; ils ne virent y dans leurs commissionnaires , que d'avides monopoleurs qui^aspiraient à Texclu- sioa du commerce , pour les pressurer plus impitoyablement. Et en effet , depuis ^ette époque surtout, les commissionnaires sont, par leurs créances grossies , presque les seuls propriétaires des richesses de la colo- nie , et les habitans n'ont été , pour ainsi dire y que leurs gérans. Mais ceux-là ont failli payer chèrement leurs richesses usu- raires. A Tépoque de la révolution , un grand nombre d'habitans des plus endettés avaient, assure-t-on , formé l'épouvantable projet d'in- cendier la ville de Saint-Pierre, pour con- sumer par les flammes les titres de leurs énormes créances. n serait sans doute digne d'un observateur staticien de soumettre aux calculs les effets nuisibles d'une loi protectrice du monopole cpii a pesé long-temps sur cette colonie. Ces Vs ( 8o ) . fortunes gigantesques des commissionnaires; qui n'ont pu se faire qu'aux dépens des pro- priétaires de la métropole , et surtout des cultivateurs des colonies , puisque ces com- missionnaires ne sont que des intermédiaires qui ne produisent rien , le cultivateur, étant, dans la vérité, le seul producteur, ces fortunes sont donc, sous ce rapport, nuisibles à Tinlérêt de Tétat. Mais quels moyens coactifs à opposer à leurs progrès ? Le seul remède est dans la concurrence , et par conséquent , dans l'ex- tension de la liberté du commerce. Plus les agens de la circulation se mul- tiplient, plus la concurrence et l'activité aug- mentent; c'est ce qui tourne toujours à l'avan- tage du producteur, dont les intérêts doivent marcher avant tout ; auquel les autres doi- vent toujours être subordonnés, parce qu'ils sont faits pour lui : il peut , à la rigueur , se passer d'eux , mais eux jamais ne sauraient se passer de lui ( x ). (i) On dira que les agens du commerce u'ëtant que des intermédiaires , leur trop grande luultiplicatioii devient plus à charge au commerce, et par conséquent nuisible aux producteurs. Je réponds que toujours la concurrence les oblige de restreindre leurs bénéfices , Ce / ( 83 ) baissées que soient ces dépenses , il faut gagner beaucoup pour y suffire. Les branches les plus sûres du commerce de détail sont les comestibles y et dans ce genre ^ ce sont ceux qui se consomment le plus. Le marehand de vin y dont la boutique ne désemplit pas de de nègres , gagne beaucoup plus que la plus riche boutique de bijoux et de porcelaine. Des bouôauts de morue puante dout tous l^s nègres n^angent^ avec leurs ignames» leurs bananes , leur cassave » sont d'un débit plus prompt et plus lucratif que les plus belles soieries. Ce genre de commerce n'est pas convenable pour ceux des Européens dont Téducation a été un peu soignée : ce qui doit mieux leur convenir 9 est principalement celui des toiles^ dés étoffes , et de ce qu'on appelle plojaos et marchandise sèche , moins pénible ^ moins minutieux y mais exigeant plus de fonds et courant pbis. de hasards. La variation des prix de toutes les denrées est , 4an$ les co- lonies, tràs-consîdérable et journalière. Pen- dant quelque tenifiis une déniée double ^t triple de ^a vi^nr ordinaire» éi subitement dtte iMiise ausdeaious iisiéo^e de <2e qu'^lk a coûté ^u ËuroiN^i JTai *?« vt^dre à Ja M^- V 3 ( 84 ) nique des boisseaux de bijoux à peine le prix de Tor qu'ils contenaient; la main-d'œuvre ^t les ornemens étaient perdus. J'ai vu tonàbep le vin à dix et huit piastres le baril, qui , peu de temp*^ auparavant, en valait quarante. Une marchandise est-ell« négHgée par les arma- teurs, le prix augmente rapidement; quel- que, navires ca apportent-ils à-la-fois plus que les besoins de la colonie ne Texigent , elle se vend aussitôt à perte. Il faut donc que le marchand détailliste soit eil état de gar- der pour l'avenir ce qu'il ne peut vendre qu'à perte; ou s'il yeut perdre pour se remplacer plus avantageusement d'une autre manière , il faut alors qu'il puisse supporter ce déficit. Ainsi, ceux qui passent dans les colonies avec des pacotilles à leur compte , ont à craindre que les denrées dont ils ont fait choix ne soient dans ce cas de rabais ; et comme ils sont pressés par leurs besoins , ils sont contrains de vendre à perte. C'est trop^ souvent ce qiii arrive. Un des états de Ce genre , que je présume le plus sûr et le moins hasardeux, est celui de chapelier, parce qu'il est tout à*la-fois fabricant et marchand ; il achète des armateurs ces chapeaux non appa- reillés , et il les apprête. CetartLcle, d'un usage (85.) constant , devient d'autant plus lucratif pour le marchand, qu'il sait mieux, en les ap-* prêtant, saisir le goût de ses acheteurs. Les faïences sont d'une consommation d'autant plus grande , que les nègres domestiques sont à cet égard encore bien moins attentifs que nos domestiques européens. Les porcelaines y sont d'un médiocre débit , principalement par leur cherté ; on ne sait guère établir la diflPérence d'un vase de porcelaine avec un vase de faïence : il en est de même des ver- reries, dont les plus communes sont confon- dues avec nos cristaux. Les toiles , surtout celles qui conviennent au linge de corps , si elles sont fines , sont toujours d'une grande consommation , et par conséquent recherchées : leur prix baisse quelquefois , mais jamais considérablement ni long-temps. Le linge de corps est un des premiers besoins; on change sous ce climat plusieurs fois de chemise, dans la nuit et dans le jour. Ce vêtement est de parure aussi bien que de nécessité , et c'est dans les colq- nies; pour l'entretien, le plus grand objet de dépense. Les étoffes légères peuvent seules avoir , pour la parure des femmes , quelque débit. L'empire des modes bizarres fait quel- (86) quefois exception à cette règle, mais jamais, gé- néralement ni long-temps. Les femmes vivant retirées dans leurs habitations y et celles même de la ville , ne se parent pas habituellement ; le climat s y oppose : des bains , de la fraî- cheur , du repos , voilà leur luxe. La quincaillerie ne peut jamais être y dans les colonies, une branche lucrative ; Tair cor- rosif de ces climats altère et ronge bien tîte les fers et les plus beaux aciers. D'ailleurs , la simplicité des ameublemens des maisons. Vin- différence pour tout ce qui tient aux beaux- arts, n'y fait pas estimer ce que la ferrure pourrait produire de fini et d'agréable dans ses formes. ^ L'orfèvfie est d'autant plus limitée , que les gens de couleur qui s'y livrent la fou* imparfaite si Ton veut , maison n'y regarde pas de si près, et à un prix tel que les Uancs ne pourraient le faire. La bijouterie vient avec une telle profusion dTkirope , et d'aiUeurs ne peut être encore , par le climat, d'un usage aussi diversifié que dans l'Ancien Monde. Des jeunes gens dont récriture est belle , au fait de la tenue des 'livres, parviennentMà se placer avantageusement dans les comptoirs des négociant; mais ces plac^ sont rares (87) et ne s'obtiennent guère que par les pres- santes recommandations de leurs correspon- dans d'Europe. Ce qu'il es]t plus facile d^phtenir pour ceux qui arrivent d'Europe, et ce qui ouvre une ciifrièrfB jiM$ sjàj?^ eJt pl\î«^ awolggewae , ç^sX de &e placer ^^tns )e$ babit^tioi^s , pour parve- pir k devenir écanome qd gérant. On y jouit de toutes le^ commodités d# la vifi ; on »'a de dépense pour son compte , que celle d'un entretien beaucoup moins considérable que dans les villes. Des économes gagnent annuel- l^.ent juf qu> 4» P» A>ïi?e »}lte frm<^ ; Içf gérans .enppre daywtjige. 4Yec ^nfi .cmànUfi sgi^teniie; 4e Tasçiduité d^qsUsurv<^44uac^d^ travaux , de l'io^Uigç^çe d(ms 1^ fîiapière 4$ 1^ diriger , un j,euae hpwme oe Haa^que gmt» 4^ ^^^rier «^y^t^ei^semept » op di^ moiji$ de 4evenir propriétaire. L^^ jl:i^it^y,Qns ^ ^'çndant toujours ^ crédit , le prix ;ç'ep p^ysml «Hr les produite , le vendeur, qm ç§jt prps^? jk^u jours lui*mêine débiteur, sx^ cr^Lii^ p^ d^ jtrmter , de h «cianière iWnt il a tr^ Imt aième , avec celui qui $i di^ué d^3 piiejutye^ ^e 4a capacité et dç «» iVQildwite, (78) bitans-cultivateurs. Mais Tinlrigue , toujours puissante quand la vérité ne peut élever la 'Toix , détruisit cette source naissante de pros- périté publique. En 1772, les riches commissionnaires (1) parurent persuader au gouvernement que, pour rintérêt de la colonie et celui de lamé- . tropole , il fallait interdire ce genre de col- portage . etc. Le gouvernement l'interdit On devine les puissantes considérations qui influencèrent ses agens. Ce qui est non moins remarquable , ce furent des écrivains qui pré- tendirent aussi prouver que ce genre de col- portage était nuisible au commerce , en ce (1) Tel commissioDnaire fera à Saînt- Pierre six à • sept cent mille livres argent de la colonie, de revenu annuel , et tons frais faits des dépenses exorbitantes de sa maison, il perçoit cinq pour cent de commission sur les sucres, cafés, etc. Il a encore en sa faveur let déchets , les frais d'emmagasinage. Quant aux denrées européennes , d'intelligence avec quelque autre com- missionnaire , il règle les taux de la place ; et les ht-' bitans, toujours arriérés avec eux, qu'ils provoqueat par ces crédits ouverts à augmenter leurs dépenses p n'osent pas faire de réclamations : il leur faut soaven't recevoir ce dont ils ont peu de besoin , pour obtenir ce dont ils ne sauraient se passer. • ( 79 ) que c'était un tiers entre le Tendeur et l'a- cheteur , inutile et nuisible à Tun et à l'autre : idée née de Fignorance , ou plus sûrement de la séduction. Ce succès des comroissionaires sur les col- porteurs laissa dans le cœur des habitans- cultiyateurs 9 un profond ressentiment^ ils ne virient ^ dans leurs commissionnaires ^ que d'avides monopoleurs qui^aspiraient à Texclu- sion du commerce , pour les pressurer plus impitoyablement. Et en effet , depuis ^ette époque surtout ^ les commissionnaires sont^ par leurs créances grossies , presque les seuls propriétaires des richesses de la colo- nie , et les habitans n'ont été , pour ainsi dire 9 que leurs gérans. Mais ceux-là ont faiHi payer chèrement leurs richesses usu- raires. A Fépoque de la révolution , un grand nombre d'habitans des plus endettés avaient^ assure-t-on , formé l'épouvantable projet d'in- cendier la ville de Saint-Pierre, pour con- sumer par les flammes les titres de leurs énormes créances. Il serait sans doute digne d'un observateur staticien de soumettre aux calculs les effets nuisibles d'une loi protectrice du monopole cjui a pesé long-temps sur cette colonie. Ces V ( 8o ) . fortunes gigantesques des commissionnaires ; qui n'ont pu se faire qu'aux dépens des pro- priétaires de la métropole , et surtout des cultivateurs des colonies , puisque ces com- missionnaires ne sont que des intermédiaires qui ne produisent rien , le cultivateur, étant, dans la vérité, le seul producteur, ces fortunes sont donc, sous ce rapport, nuisibles à l'intérêt de l'état. Mais quels moyens coactifs à opposer à leurs progrès ? Le seul remède est dans la concurrence , et par conséquent , dans l'ex- tension de la liberté du commerce. Plus les agens de la circulation se mul- tiplient, plus la concurrence et l'activité aug- mentent; c'est ce qui tourne toujours à l'avan- tage du producteur, dont les intérêts doivent marcher avant tout ; auquel les autres doi- vent toujours être subordonnés, parce qu'ils sont faits pour lui : il peut , à la rigueur , se passer d'eux, mais eux jamais ne sauraient se passer de lui ( x ). (i) On dira que les agens da commerce u'ëtant que des intermédiaires , leur trop grande notultiplication devient plus à charge au commerce, et par conséquent nuisible aux producteurs. Je réponds que toujours la concurrence les oblige de restreindre leurs bénéfices , Ce (8i) Ce commerce de colportage , resté aux seuls blancs^ ne saurait leur être aussi lucratif > par la différence des proportions de leurs avances y de leurs dépenses ; ne pouvant > comme les noirs, vivre si frugalement , porter leurs marchandises eux-mêmes , il leur faut des chevaux ou des mulets, et même des nègres pour les aider à charger et décharger sans cesse leurs bêtes de somme , à voyager à travers ces lieux âpres où les chaleurs excessives ra- lentissent continuellement leur course, les exposent à des maîladiess graves > et le grand nombre des Ëui^opéens nouvellement arrivés , qui se livrent à ce genre de commerce, y périt. Uétat de marchand domicilié est , pour les blancs , moins pénible , mais il est plus hasar^ deux. La cherté des loyers dans les villes et bourgs , à Saint-Pierre surtout ; la plus grande chèreté encore des vivres et de tout ce qui est et par conséquent de se rendre moins onéreux au com- merce*, et que, lorsque d« trop petits bénéfices ne sau- raient plus suffire à leurs besoins , il leur faut alori abandonner la profession commerçante pour se jeter dans celle des producteurs, qui ne saurait jamais être trop nombreuse. I. F (90 nies. Je voyais fréquemment à Saint-Pierre une quarantaine d'esclaves porter d'un air morne , sur leurs têtes , de petits paniers de fumier, qu'ik venaient prendre au bord de la mer , pour se rendre à une habitation voisine. Quelle différence, me disais-je, de charge et de pas , d'avec nos Bourguignons grimpant leurs roides coteaux , courbés sous le poids de leurs hottes remplies d'une terre humide et compacte ! et d'avec nos robustes paysannes égayant encore leur course pénible par des chants villageois ! sept à huit sols paient la journée vigilante de celles - ci , et quatre à cinq fois autant ne paieraient -pas la lente esclave , qui ne presse un peu ses pas que sous la douleur du fouet. Ces esclaves ne font donc pas produire à Tagriculture autant que nos paysans libres; de-là, les denrées, fruits de leur travail , sont nécessairement plus chères. Il faut donc aussi que l'Européen les paie plus que si elles venaient de mains libres. Cette excessive chertç de main-d?œuvre fait qu'on néglige les détails de l'économie agricole, d'où se compose particulièrement la richesse des états. Les terres, moins soi- gnées, n'y produisent point, indépendamment des récoltes principales , cette grande abon- (9Ô) dance de fruits, de légumes et d'anîmaux si nécessaires au besoin de la vie ; et il n'est pas une seule habitation dans les colonies , qui , sous leurs climats féconds , nourrissent autant d^hommes et d'animaux utiles qu'ils pourraient le faire. On n'y connaît point sur- tout ces travaux préparatoires qui prévien- nent , et l'épuisement des sols , et les fléaux inévitables sur les plantes , que l'ignorance ou la paresse s'obstine à faire renaître sur les mêmes terres. Les maladies étonnantes dont j'ai parlé , qui, dans trois jours , font jaunir et périr des récoltes entières d'indigo , communes dans toutes les colonies, aussi bien« qu'à la Lousiane , n'ont pas d'autres causes. La multiplication effrayante des chenilles^ qui , dans deux fois vingt- quatre heures , dé- vorent des centaines d'arpens de coton , et se propagent subitement sur des contrées entières , sont encore dues à la trop grande continuité des mêmes productions sur le même sol. Les fourmis, qui font languir et jau- nir ces champs de vieilles cannes , qui éten- dent leurs ravages au loin , poursuivent le colon jusque sous son toit, y dévorent jus- qu'à ses enfans ; ces fourmis ne se propagent ainsi que sur les lieux où la terre depuis trop (94) long-temps n*a pas été remuée, où les plante^ épuisées et malades les excitent à s'en nour- rir, comme les viandes corix)mpues appellent les vers* Les vergers de cacao , qu'on a vu ^ à la Martinique , se détruire subitement , et pa- reillement dans diverses autres îles, et aussi dans le continent , sur les bords de TOré- noque , où le jésuite espf^nol Guimilla , prê- chait que c'était en punition de nç pas pajer la dime ; ces destructions subites du cacao* tier venaient aussi de ce que la terre , épuisée par le fruit huileux et substantiel de cet ar* bre, ne pouvait continuer à l'alimenter. Les Européens trouvèrent dans les colonies de l'Amérique l'arbre connu sous le nom de; rocou y bixa orellanay rocou teignant y et nommé par les Espagnols^ achiote^ dont on tire de dessus la pellicule une teinture rouge foncé i emplo^rée dans les arts pour le petit teint Cet arbre y d'une grandeur moyenne , poussant de son pied plusieurs tiges droites^ raniieuses, couvertes d'une écorce mince , unie, brutie, portant des feuilles alteriMes , grandes, éparses , cordiformes , pointues , lisses , pé^ tiolées , ayant en dessous plusieurs nervnres roussâbces; imitant œllesdu tiUeul, mais plus (95) allongées ; cet arbre , dis-»- je], est ^•angé par les boia&istes dans Tordi^e des tilliacées. Les sauvages de FAftiérique , dè$. îles , aussi bien qtie cêtit dû cokitiilent, faisaient déjà tiSfûge de la téintote dti roeôu , mêlée avec l'huile dé campât > eu pitlfria Chris ti : ils s'en firottent le corps ; ic^iest la patut-e qu'ils re- cherchent le pins ; en leù)? cdutrant la peau » elle empêche que lé Soleil et leS vents ne la ger- cetit, etstittôàt les gataùtit des incommodes piqûres déS ftibii^tiq^eS , dont ils sont obsédés' dans leurs cfaasses et dàhs feurs cabanes peW aérées. Ils se arèr valent attssi et t^ Servent eti- coi* de son écbrcë lisse et flèîiîbie pout en faire des cordes , de ^s bout*gêOns pour as- ssiisôhtrei^ leurs mets. Plusieurs d'euk don- ôettt t[ùéhi!léi sbins à cet arbre si utile ; ils en ombrageât le devant de leurs cabanes , lé èôntour dfe leurs jardins ou plantations. Cet fcrbrt, cotoittè presque tontes les autres plan- tés , pMdàit ahnifdfteïtfent detix récoltes. L'u^ s^ dansteè M*ts-dê cette teinture iroùge, tjtii *èrt ^ussi à \AtAie en bleu , fâUtle-vért , t\ en diverses àntïts icoiiletrrs , ^ fexéité teà pre- iiâiëH ciolémls à -étL Mît Ufa dès ptiiidpàùX: ëbjtts'de léttr ieuUAi^e. G'tet pat ta maSêéi^lioh dâto l'èau qa'ils (96; recueillent s) substance rouge et colorante* Les colons se livrèrent en même temps à la culture de Tindigo, encore plus lucrative , mais plus pénible , et» comme on l'a vu» plus hasardeuse. L indigotier est de j|a famille des papillonacées. L'espèce nommée indigotier franc est un arbuste d'un peu plus de deux pieds » dont la tige est droite » rameuse » b^ui- châtre; les feuilles sont ailées» à neuf ou onze folioles ov(iles d'un vert plus pâle en-dessous. Ses fleurs axillaires» en grappes courtes» sont rougeâtres. Le calice est ouvert et a cinq dents; les gousses sont oblongues» linéaires » presque cjlindriques»arquées e^.poljspermes. / L'espèce nommée indigotier bâtard » qui parait être la, même que l'indigotier marron ou l'indigotier de Guatimal» n'a pas ses gousses arquées » et s'élève à six pu sept pieds. L'indigo , cette teinture précieuse par sa beauté et sa solidité » qui sert de base à un grand nombre de couleurs» est une fécule qui se trouve disséminée dans de petits réser- voirs sur ^toute la plante , mais plus dans ses feuilles. On parvient à l'extraire en faisant macérer et fermenter dans de grandes cuves toute la plante » que l'on coupe avant qu'elle soit en maturité. Oh emploie ordinairement a ( 97 ) ' à cet effet trois cuves de forme carrée , pla- cées comme en gradins , de manière que 1^ liqueur de la plus haute puisse tomber dans la seconde, et celle de la seconde dans la troisième. Ces trois cuves sont successivement plus petites ; la première , nommée le trente 'pair , est destinée à mettre tremper la plante dans l'eau où elle s «chauffe ^ fermente et pourrit. Dans cet état de fermentation et de dissolution Teau se charge de la fécule bleue que contenait la plante. A Taide de robinets, on fait tomber cette eau dans la seconde cuve, nommée la iatteri-e, où on la bat effec- tivement avec des seaux , percés, attachés à «n balancier, jusqu'à ce que les particules bleues se rapprochant s^agglomèrent en grains et se précipitent au fond de la cuve. Pour accélérercelteopération,on se sert, àla Loui- siane de substances mucilagineuses , et l'on y -emploie particulièrement uoe malvacée de l'espèce des sidas dont la lige se forme en jolis arbustes. Cette opération est dans la fabrique de Tindigo , des plus importantes. Si le fabricant ne la prolonge pas assez, toutes les particules de l'indigo , qui ne sont pas €ncore agglomérées restent suspendues dans ' (98) Teau y sont par conséquent perdues ; et si on la prolonge trop, l'indigo se dissout de nou- veau , et ce qui est en dissolution est alors aussi perdu. On reconnaît que l'opération est à son vrai degré de perfection , quand , en prenant dans une tasse d'argent de cette eau, on voit la fécule se précipiter au fond. Alors on cesse de battre ; l'eau tranquille laisse la fécule se précipiter au fond de la cuve, où elle forme une matière épaisse et boueuse. Dans cet état , on tire d'abord l'eau par des robinets supérieurs , puis par les robinets inférieurs ; on fait tomber toute la fécule dans la troisième cuve, appelée le re- jwsoir ou le diablotin. Là ou laisse encore l'indigo se rasseoir ; ensuite on le met dans des sachets de toiJe d'environ dix-huit pouces, ou on le pend à l'ombre pour qu'il achève de s'égoutter. Ensuite on l'étend, dans des caissons de trois à quatre pieds de long sur deux pieds de large, et d'environ trois pouces de profondeur : c'est dans cet état que l'in^ digo passe dans le commerce. S'il est mal fabriqué ou falsifié, il est noi- râtre , terré , pesant. Lorsque la plante est trop battue dans le trempoir , les feuilles et (99) Técorce se décomposent, s€ méleat et se Kenf avec riocUgo , et ajoutent ainsi à son poids* La mauvaise foi a fait imaginer d'j mêler dm l'ardoise pilée , des cendres et de la te rr6% Avec de l'attention , on découvre aisément ces fraudes ^ surtout en le cassant. On reconnaît (Ju'il n'est point mélangé , qu'il est d'une bonne qualité , lorsqu'il sur- nage sur l'eau , lorsque sa couleur est bleu foncé tirant sur le violet brillant. Au lieu d'être terne, en le cassant, il parait intérieure- ment d'un brillant plus vif , il semble miné- ralisé. Si on le met dans l'eau , il se dissout eu- tièrement , il ne fait point de dépôt. En le faisant brûler , il se consume aussi tout-à-fait sans laisser de résidu , ce qui n'arrive pas à celui qui est mélangé. Le père Labat, qui dans son voyage , est entré à ce sujet dans de grands détails , où l'Encyclopédie et divers autres ouvrages ont puisé, dît que, de son temps, en 16949 l'indigo se vendant aux îles trois livres dix sols à quatre francs la livre, et qu'il l'avait vu encore à meilleur marché : il ajoute que, quand même il ne se vendrait que quarante sols , il y aurait encore pouir 2 ( loo ) rhabitant un profit très-considérable , attendu que ce genre de fabrique exige beaucoup moins d'attirail et de dépenses qu'une sucrerie; et lorsque je suis parti de la Louisiane, en 1 806 , il valait dix francs la livre. « ; I ■ « j ( lox ) "* CHAPITRE VIL Du Tabac, Histoire de sa Culture et de ses Succès. Causes qui Vont rendu si universellement usuel. De son Influence pour nos Colonies ^ pour notre ComT merce y notre Marine. Malheurs incal- culables d^en avoir établi et. laissé pen-^ dant un siècle la Vente exclusii^e. L/E tabac est la production qui a le plus contribué à multiplier les établissemens des colonies et à les faire prospérer. Le tabac ^ mis en ferme sous le règne de Louis xiv , et par conséquent cessant alors d'être commerr cial y a privé nos colonies de ses principaux moyens de richesses et de population : de-là notre marine s'est aflPaiblie et est tombée^ nos manufactures ont perdu leurs plus grands moyens de débouchés ; nous sommes devenus, à l'égard du tabac ^ tributaires des étrangers, tandis qu'ils l'auraient été de nous \ et enfin < ( 103 ) nos colonies ont plusieurs fois été envahies par l'ennemi , ce qui n'aurait pas été ; et Saint-Domingue , la superbe Saint-Domin- gue , serait maintenant populeuse , riche , puis- sante , seule suffirait aux besoins de la France pour les denrées coloniales et pour les échan- ges , et ne serait pas aujourd'hui un aflPreux cfésert couvert de ruines et teint de toutes parts du sang de ses colons. Que de douloureuses réflexions sur les maux qu'a faits h la France cet édit fiscal qui y pendant cent ans , a rendu le tabac un ' objet purement financier ! Ah ! Louis xiv , que n'as-tu éco u té la voix du petit nombre d'hommes de bien qui ont osé dire la vérité ! tes vic- toires , tes arts ont-ils balancé tant de maux? J'entre dans ces grands détails ; puis-je trop tt'^étcndre sur la cause qui a ouvert cette fatale koîte de Pandore , et sur les moyens de la re- fermer pour jamais ? Le tabac est parmi les solanées une des plan* tes ammoniacales , acres, caustiques, narcoti- ques , vénéneuses que produit cette famille redoutable par ses poisons si divers. Cepen- dant les différentes préparations que l'homme a su donner au tabac, les divers usages auxquels il l'emploie, en ont fait pour lui un objet (io3) d^utilité et d'aonréraent. H n'est donc rien dans la nature d'absolument mauvais pour Fhomme ; il n'y a donc aucune production qui ne soit digne de son admiration ; je n? dis pas assez : de sa reconnaissance ! Connu seulement depuis la découverte de rAmériqu€(, le tabac paraît être venu de Tabaco, proviqçc du Mexique. Il passa d'Espagne en Portugal, d'où l'ambassadeur de France à cette cour, nommé Nicot y l'apporta en France, en i56a La plante du tabac prit son nom latin de cet ambassadeur; on ne la désigne pas autrement en cette langue^ que nicotiana. Le pèreLabat dit qu'elle fut une pomme de discorde qui alluma une guerre très-vive entre les savant, oùlesignorans, les femmes, prirent que part non moins activé. Les médecins surtout %f^ distinguèrent dans cette querelle ; ils se di-^ visèrent sur sa nature, ses vertus et ses proi priétés , sur la manière d'en faire usage-: s'ap? puyant, les uns d'Hippocrate , les autres de Galien ; les uns le faisaient froid, les autres chaud , ceux-ci le tempéraient parjdes dro- gues réfrigérantes ; les autres corrigeaient sa froideur avec des aromates ; tous avaient des recettes particulières pour le combiner , le préparer et en prescrire l'usage selon l'âge, j les forces et le tempérament. Tel le devait prendre à jeun ; un autre ne devait s'en servir qu^après avoir mangé ; celui-ci ne devait eu user que le soir, cet autre dans le jour. Dans ces multitudes de préparations, il opé- tût les cures les plus merveilleuses , où la charlatanerie , aidée de l'imagination exaltée des malades, avait comme on jugé la princi- pale part j et on se taisait sur les victimes qu'il faisait L'enthousiasme alla si loin, qu'on fut sur le point d'abandonner tous les autres médica- mens, pour ne plus se servir que du tabac« Ainsi nous avons vu, de nos jours, des sels, des poudres, des pilules prendre tour-à-tour fa-^ veur > puis être laissés pour le mesmérismè , et ensuite le galvanisme. Les hommes se res- semblent doric toujours dans leurs faiblesses et dans leurs erreurs ! Ne nous lassons cepen- dant pas de les leur rappeler ; si on ne sau- rait prévenir tout le mal, du moins on le diminue* La chimie s^en empara avec empressement- On en tira, dit Pomet (i) , par le moyen de m * ■ ■ . , ■ ■■ I » .... I , ■ t, (i) Hîstoirc générale des drogues , première partie , eap. XV > pag. 160, imprimé en 1694. ( i?5 ) la distillation et du phlegme de vitriol , tiné liqueur qui est fort vqmitive et propre pour guérir les dartres et la gale , en s^en frottant légèrement. Mis dans une cornue , on en relire une huile noire et puante qui a à-peu- près les mêmes qualités. On tire ausài du tabac un sel qui est fort sudorifique*, pris depuis quatre grains jusqu'à dix dans une liqueur convenable. Pris en poudre, il guérissait les rhumatis- mes , les fluxions sur les. yeux , les maux de tète ; il corrigeait Tâcreté des humeurs, ren- dait au sang sa fluidité, rétablissait sa circu- lation , était un infaillible sternutatoire pour rappeler à la vie ceux qui étaient frappés, d'apoplexie ou tombés en léthargie. Il était ^ également efficace pour les femmes dans les^^ douleurs de l'icnfantement , contre les vapeurs, la mélancolie, les passions hystériques : il chassait le mauvais air et était le meilleur préservatif contre toutes les maladies con- tagieuses , et même la peste : il fortifiait la mémoire, fécondait l'imagination, rendait les savans plus dispos à se livrer aux études les plus abstraites. Le tabac mâché opérait bien d'autres mer- veilles. Il ôtait le sentiment de la soif et de (io6) la faim^ il empêchait la diminution des forces, conserrait la santé, entretenait Tembonpoint- On prétendait que , d'après des expériences , une demi-once avait suffi pour soutenir des soldats pendant vingt-quatre heures sans rien prendre , en suivant ce régime pendant des se- maines entières. En outre, il purgeait la bile, guérissait les maux de dents, etc. Sa simple vapeur opérait des eflPets aussi admirables contre les fièvres, les rhumatismes, Fhydro- pisie , etc. Avec tant de propriétés, sa réputation s'é- tendit rapidement chez tous les peuples con- nus , civilisés, barbares , sauvages. Son usage s'établit en Allemagne, en Hongrie, en Pologne, danstoutle nord jusqu'en Moscovie, parmi les Tartares , en Turquie, en Grèce, en Afrique. Il fallut que les souverains aiJrê tassent par des réglemens sévères cet épidémique en- thousiasme. Le Czar en défendit Tentrée dans ses états, sous peine du fouet, d'avoir la seconde fois le nez coupé, et la troisième d'être con- damné à mort. , L'empereur des Turcs et celui des Perses ordonnèrent aussi la peine de mort. ( 107 ) Le pontife des Chrétiens, le pape Ur- bain VIII , d'accord en cela avec les vrais Groyans , prononça par une bulle Texcommu- nication, ipso facto ^ contre tous <îeux qui prendraient du tabac dans les églises. Clé- ment XI en restreignit dans la suite la défense à l'église de Saint-Pierre de Rome. Les princes chrétiens, plus tolérans , mais plus attentifs à grossir leurs fiscs ^ se conten- tèrent de soumettre l'entrée d«ï éette denrée à des droits exorbitans^ qu'ils accrurent à me- sure que rhabk||rie en fit un besoin plus im* pératif. ^^ Les nations qui constamment , depuis cette époque, ont conservé et étendu l'usage du tabac , sont -elles proportionnément plus pauvres que celles qui l'ont interdit? La pau- vreté paresseuse est toujours pauvre, avec la plus parcimonieuse économie : le travail n'aug- mente nos besoins de dépenses qu'en agran- dissant nos moyens d'y satisfaire; il attache ea même temps les hommes aux hommes , les nations aux nations : où il y a plus de mul- tiplicité de travail , il y a plus de multiplicité de liens sociaux. Ainsi, dans un état, la dimi- nution des mains travaillantes serait la dimi- nution des liens de sociabilité. ( io8 ) On se demande quelle cause a pu propager le tabac si subitement , aussi bien, parmi les nations ignorantes que parmi les policées ; aussi vite parmi celles qui ne lisent pas de livres , qui ne connaissent pas de journaux , que parmi celles qui en font leur principal moyen de communication ; et comment , de- puis deux siècles et demi, la passion du tabac s'est fortifiée à le prendre et en poudre et en fumée , et i> fetmâcher. Ce tabac cependant n'offre rien que de dégoûtant, de repoussant à la vue , à Todorat, et aiujflpût principale-; ment. Voici, ce me semble, ce qu'on peut répondre : l'homme , dans tous les pays , celui surtout qui est le plus rapproché de la na- ture se nourrit généralement d'alimens doux, comme de farineux , de viande et de poissons rôtis ou grillés. Ces alimens uniformes pro-^ duisent en lui un relâchement et une détona- tion qui diérangent son économie animale, jiuisent aux sécrétions, opèrent des engorge? znens^ lui font éprouver un mal -aise conti-* nuel, le jettent dans l'abattement et l'affais- sement, source de cette mélancolie, de cette indolence , de cette passion pour l'inaction, qu'on retrouve dans tous les pays et sous tous les climats où les hommes vivent ainsi ( 109 ) d'alimens doux(i), s'abreuvent d'eawx d'au- tant plus relâchantes , qu'elles sont plus Au- viatiles. L'homme, quoi qu'en disent des moralistes , n'est point né pour cette uniformité d'ali- mens : étant tout-à-la-fois herbivore , fructi- vore, Carnivore, il est, par la nature , appelé à (i) La pituite, dit le chevalier de Jaucourt, article Uri" cyclopédie , est produite : i .^ par des alimens muqueux , «glntineux , farineux , qui n'ont point été assez divisés , par le défaut de soporacité dans les humeurs , et la faiblesse des fonctions vitales^ 2.^ par la itecositë des .premières voies; 3.? parcelles qui sont gélatineuses, mucilagiiieuses , albumineuses, et par la graisse elle* même dont le caractère a dégénéré par le défaut d'exer- cice du corps ^ etc Retenue trop long-temps , elW est acrimonieuse , devient catarrheuse , et ensuite ac- quiert une concrescibilité vitreuse , gjpseuse , et de- vient écrouelleuse. . . Elle diminue la circulation , en- gendre des tumeurs , produit la lassitude , le ralentis* sèment du pouls , la laxité, la faiblesse, etc. « Il faut contre elle faire usage d'alimens fermentes et assaisonnés ; habiter des lieux secs , exposés au so- leil, élevés et sablonneux ) exercer son cqrps par de fré- quentes promenades à pied , à cheval, en voitures rudes, et se faire des frictions. Il convient de faire usage de remèdes échauffans , aromatiques , stimulans, cxcitans , résineux , soporacés, alkalins, fixes et .volatils ». (iio) mettre plus de variété dans ses alimens qu'au* cune autre espèce d^animaL Et la nature, cette mère commune, ne prescrit - elle pas cette variété d'alimens aux herbivores mêmes, qui paraissent dévoir se nourrir plus uniforme* ment ? N^a-t«elle pas répandu sur la surface des prairies, au milieu des nombreuses es- pèces de graminées sucrées , les chicorées amè- res , les crucifères , les renouées , les patiences , les labiées acidulées, astringentes , stimulantes^ délersives ou aromatisées ? N^a-t-elle pas sur- tout placé près des eaux les cochléaria > les cressons 4cres et antiputrides, et ces notn- breuses espèces de persicaires, de renoïWîu- làcées, eticore plus acres etptus éminemment détersives ? L'herbivore , par un instinct que lui suggère la nature , en donnant la préfé- rence aux plantes douces et sucrées , ne pâ- ture- t-il pas aussi , mais avec réserve , celles-là , et ne corrige-t-il pas , par de sages mélan* ges , leurs mauvais eflPels respectifs ? Ainsi rhoïnme qui se twtirrit trop uniformément d'alimens adoucissans est excité par ses ap- pétits à désirer des stimulans : de-là cette pro- pension universelle pour le sel , le piment , les herbes acides , les fruits acerbes , les vi- naigres^ les liqueurs fermeotées et spiritueux r (m) ses; propension d'autant plus forte dans les hommes , qu'ils sont plus privés de ces stimu- lans. Parmi nous , les gens de campagne , vivant oï*diuairement de végétaux douceâtres ^ ayant pour boisson journalière Teau , salent da-^ vantage leurs alimens^ les assaisonnent plus fortement de vinaigre , préfèrent les vins ru- des chargés d'acides ; tandis que ceux de nos villes y les plus aisés, qui font usagf^;réguliè« rement du vin; qui, par des mélanges, ren- dent leurs alimens plus actifs, préfèrent des ¥ins plus moelleux y des mets moins piquans , et ne se livrent pas autant aux excès de l'in- tempérance. De même , les paysans du nord , qui ne relèvent pas leur pain par la fermen- tation , qui font plus rarement usage de bois- sons fermentées , qui , en un mot-, sont plus rapprochés de la vie sauvage , éprouvent une propension plus forte pour les stimulans^ et sont aussi plus portés aux excès de l'in^tem- pérance. Les sauvages, plus que tous ces hommes, vivant de viandes et de racines presque tou- jours sans apprêts, buvant constammentde l'eau , respirant sous leurs épaisses forêts un air plus épais, plus humide ^ ainsi plus relâ- û ( 1^2 ) chant , doivent donc, dis-je, pins que toutes ces autres espèces d'hommes, sentir plus vi- vement ce besoin qui les porte aux stimu- lans; aussi éprouvent-ils pour eux une ex- trême passion. Et qui ne connaît pas les mal- . heureux excès où les précipitent surtout les liqueurs spiritueuses ? La plante de tabac , qui , par sa forte âcreté , agit si puissamment sur le genre nerveux, comprime et débarrasse les glandes engor- gées , accélère le mouvement des esprits , rend les sensations plus vives , l'imagination plus active , augmente^le besoin de se comnyi- niquer à ses semblables ; la plante du tabac, qui fait passer subitement le sauvage de l'Amé- rique, de cet état d'affaissement à celui où tout s'anime , où la seule vapeur produit en lui un heureux délire ; cette plante, qui naît sous ses pas , qu'il retrouve fréquemment dans ses courses , doit donc lui devenir d'un usage fréquent, et lui être chère : aussi est-elle pour lui remblême de l'union , de la paix , de Ta- «litié. C'est par le calumet que l'étranger est admis à fumer, qu'il reçoit le premier gage de l'hospitalité , et même de l'adoption : c^est par le calumet que les guerriers se promet- tent secours pour aller attaquer l'ennemi com- mun: ( 1x5) luun : c'est par lai que comiDencent , dans les conseils, lesdclibérationsles plusimportantes ; qu'on décide de la paix on de la guerre : c'est par lui qu'on prélude pour entreprenrde des chasses, exécuter de grands voyages : c'est lui qui préside aux fêtes, aux danses, aux banquets : et ei^fin , le sauvage dans l'afflîc-r tion, errant seul dans ses solitaires forêts, a recours à son calumet. Tant de prérogatives attachées au tabac , parmi les nations de l'Amérique , frappèrent les Européens, qui, pour plaire à leurs hôttea, ^D firent d'ûbord usage.. Mais dès que les marins eurent éprouvé ses propriétés , d'ani- mer «t de réjouir les esprits, de les faire sortir de cette stupeur où la vie inactive les amène ordinairement ; dès qu'ils eurent senti que par ces émotions salutaires, ils devenaient plus gais et plus dispos pour leurs occupations^, etsurtout qu'ils prévenaient le scorbut , el ces dangereuses maladies nées d'engorgemens et d'humeurs trop stagnantes , alors ils le recher- chèrent par inclination el par régime ; il leur ^ devint nécessaire. Leur exemple répandu dank les ports de l'Europe , eut promptement 4e nombreux imitateurs parmilaclasse du peuplo^ H qui> comme je Tai montré^ était pias que le café, qui agit sur les esprits d'une naanière bien plus surprenante ^ bien plus lucide et bien idus agréable, n'était pas encore conmi. - ' Le tabac a résistera l'empire de l'incons-^ tante mode , parce qu'il donne à l'homme des iiabitodes qu^il'oe saurait quittet* sans danger ^ «omprimaot et dégorgeant les glandes pitui^ ^taifes j, maxiliairts , etc. Il ^établit -ainsi un ( "5 ) écoulement journalier ; il fait les Tônctions àb cûiitères', qai^ fermés subitement , opéretaieni des engorgemFend et des épaticfaemeïis d'hti^ meurs , toujours funestes à ceux qui osent les quitter sans précaution. > On peut donc regarder le tabac ; dans Tordre social, contme un des .t)bfets tle pre^ mière nécestH^té > cidAtribuaftt à la santé d'utt grand it, sous te double rapport , s'occuper des mojetis de l'obteiiîr aux conditions les moins dispen- dieuses. Il n'en est pas de meilleure , que de favoriser les colonies où il peut croître , et d'ea encourager Inculture. La consommation uni^ verselle en afefeure d'ailleurs le débit à l'exté-^ rieur. * L'édîtfistal de Louis xiv, qui le mit eii ferme exclusive , arrêta , ainsi que je l'ai ob- servé, les progrès de cette culture impor- tante ; et depuis ce temps on n'a pas cessé de le tirer du dehors > jafrineipalement de 1« H 2 ( ii6 ) Virginie. Ce n'est sûrement pas assez dire que d'avancer que cet édit fiscal a coûté à la France au moins deux milliards ( i ). ■ Il ■>! f ( i) « Les achats de tabac ^ dit M. Necker ( de Vadmi- » nUtration des finances j tom. 2 ^ pag. 106 ) , pendant M le cours de la dernière paix y se sont montés à environ ■» six millions par année; lôfti» cos achats représentent m sealement les approvisionneraens de la fermé-géiié- m raie; il faut y joindre encore ceux des provinces M aiFranohies du prîvilége exclusif ( qui étaient la i) Flandre , V Artois , le ^ainaut j le Cambresis , VAl- j> 9aee y la Franche-'Comtâ et le pays de Gex j le terri" » toirede Bayonne, et quelques lieux particuliers delà D généralité de Metz y et les versemens (urtifs des cou- » trebandiers ». ) Ce, qui , selon cet adpiinistrateur, doit élever annuellement le prix des tabacs importés envi* ron à dix millions^ Voy. p. liy , tom, idem. Ce fut en 1674 que la vente du tabac devint exclusive. Il faut la considérer à-peu-près de même dans ses effets ^ jusqu'à ce jour i8o7,ipui$que; par suite de celte exclu- tion^nons continuons d'être obligés' de nous appro- Tisionner de tabacs chez l'étranger. 11 y a donc cent trente-deux ans que durent ces achats. Ainsi ^ d'après le calcul de M. Necker, la France en aurait acheté^ jusqu'à ce jour^ pour un milliard trois cent vingt millions délivres tournois. On dira ^ les prix des tabacs n'étaient pas aussi élevéâ dans les premiers temps, qu'ils l'ont été sous l'administration de M. Necker. Cela est vrai; mais l'argent n'est que représentatif des dcn-« Qui osera calculer ce que ces deux mil- liards dispersés dans Tintérieur de la France auraient prpduLt ? Combien de fabriques se rees.Si^ par exemple, aujourd'hui jen'ai^ pour cent soli^ pas plus de pain^ de viande^ que je n'en araisaulrefols pour vingt sols, il s'ensuit que je ne suis pas plus richo aujourd'hui avec cent sols , que je l'étais autrefois avec Tingt sols , et que ces vingt sols d'alors étaient pour moi comme les cent sols d'aujourd'hui; qu'en les perdant , ma fortune serait aujourd'hui diminuée de la valeur de cent sols. Ainsi^quelle que aitétë la modicité des prix du tabac, dès qu'ils étaient en proportion avec les autres denrées^ ils représentent donc la même somme qu'au temps de M. Necker ^ 'celle de dix millions : car la quan* ti(e des consommations a ëtë à»peu-près la mème^ le peuple alors en faisait usage universellement^ comme aujourd'hui. Mais indépendamment de cetie somme d'un milliard trois cent vingt millions qu'ont coûté a la France les achats de tabacs, il faut encore compter ce qu'ont coûté ces armées de, gardes de contre- bande , qui , au lieu de travailler à des choses produc--' tives, n'étaient occupés qu'à empêcher les contre- bandes; il faut compter les commis de bureaux, et encore les traitans et leurs valets , qdi ^ tous , par una suite de la ferme du tabac, vivaient dans l'inutilité, et coûtaient beaucoup. Ce serait eertaincmeut être très- modéré, que d'élever cette masse de dépenses. à, deux, milliards. \ ( "8 ) raient soutenues! combien de familles ali- mentées par elles se seraient multipliées , et quelles autres richesses lea consommations de ces mêmes familles auraient fait naître !- mais ce n'est encore rien. C'est le change- ixient déplorable qui çn est résulté dans le sjslême de nos colonies^ dont il est impos- sible de calculer les pertes immenses. Ici ce n'est pas moi qui vais parler , c'est un au- teur presque contemporain. C'est un domi- nicain , c'est un enfant soumis de ceux qui ont .fondé la redoutable inquisition ; c'est un protecteur s^ve^gle de toutt ce q«e font les puissaus de la teere i c'est un moine crédule^ superstitieux^ q«é foit donner à un nègreirois cents coups de fouet pour être sorcier. Ce dominicain est le père Labat. Voici ses pa- roles (i): « Si on veut se remettee à la culture du ta}>î|C| et lui redonner la réputation qu'il avaiit autrefois , il fout le euliliver dans des terrains neufs, qui sont enc&re en très- grande quantité dans nos îles, sans comp- ter ce que nous possédons en terre ferme , (i) Nouveau Voyage aux îles de V Amérique , etc. , parte R*. P. Labat de l'ordre des Frères - Prêcheurs , tom. 6 , pag. 3a8, (^19) et défendre absohimeiit le tabac de rejeioû ; et pour cela ordooiier mve les plantes se- rottt apraebées, aa lie» df'être coupées à deux pou6€fs de ferre , comme on fait jus- qu'à présent. Pour tors, Mb ^jêit» du tabaë qui ira de paiir avec celui an Brésil et dé la Nouvelle -E$pagQe> et cjpii s sur pied eetè0 marchandises, cm il ne f pas s^imûp- . ^ • ( 120 ) giner qiâon puisse les mettre en ^valeur autrement que par la culture du tabac. Tout le monde n'est pas en état de comment cer un établissementpar la construction d'une sucrerie. On peut voir par ce que j'ai dit du sucre , qu'il en coûte infiniment pour de pa- reils établissemens ^ et que, quaiidil se trou- verait des gens assez riches pour fournir à cette dépense , il faudrait toujours ua nombre considérable d'atinées pour dégriaisser le ter- rain qu'ils auraient défriché, et le rendre propre à produire des cannes , dont on peut tirer de bon sucre, et surtout du sucre blanc. « Cest donc à la culture du tabac qu^il faut penser sur toutes choses ^ et se sou- penir que &est à la culture de cette plante qu^on est redevable de rétablissement de nos colonies. C^ était le commerce libre du tabac qui attirait cette multitude de vais- seaux de toutes sortes de nations , et un si prodieux nombre d'habitans^ qu^on comp- toit plks de dix mille hommes capables de, porter les armes dans la seule partie française, de Vile de Saint- Christophe j au lieu que depuis que ce commerce a été détruit , parce que le tabac a été mis en partie, pn a été obligé de s'attacher près- ( 121 ) que uniquemeat à la fabrique #du sucre; ce qui a tellemeut diminué le nombre des habitans, qu'on n'a jamais rassemblé depuis ce temps-là deux mille hommes dans celte même île. La Martinique, la Guadeloupe et les autres colonies françaises sont dans le même cas; et ceux qui les ont connues il y a . quarante ou cinquante ans , ne peuvent voir sans gémir Tétat où elles sont à présent : Dé- peuplées d'habitans blancs, peuplées seule- ment de nègres que leur grand nombre met en état de faire des soulèvemens et des ré- • Toltes auxquels on n'a résisté jusqu'à pré- sent que par une espèce de miracle. C'est le nombre des habitans blancs qui est l'ame et qui fait la forée des colonies ; la multitude des esclaves est utile pour le travail, mais très-inutile pour la défense du pays ; elle lui est même pernicieuse lorsqu'il est attaqué. Mais la multitude des habitans ne peut être composée que de petits habitans , et ces petits habitans ne peuvent subsister que par la culture et le commerce hbre du tabac. « J'avoue que le commerce et la maaufacture dessucresspnt très-considérables; mais ilfàut avouer que c'est ce qui a dépeuplé nos îles et les a affilies au point où nou^ les voyons ( 122 ) aujourd'hui, parce que le iestdln nécessabe pour une sucrerie sur }a<|ixeU€ il ny a qc»e quatre ou cinq blancs ^ et souvent bien moins ^ était occupé par cinquante^ soîxaûte hafaitaiis portan l les armes , par conséquent» plus en état de défendre le pays, et qui faisaient que con- sommation de denréeset de marcbandisesd'Ëui- rope inimimeitt plus, considérable que ne le peuvent faire les maîtres et les esclaves d'vse SQCverie , en tel nombre qu'on* les veuille sup- poser. Tout le monde sait que quatre ou eim^f aunes de grosse toile avec uapea de hos^S salé suffit pour Fentretien et la nourrituire d'un esclave 3 on ne lui doiine ni chemise», ni ckapeaux , ni souËers , étofiSe^^ eraFvattes»» peir- puques, gants , et mille autres choses dont les blancs ont besoin pour s'hâ^iller et se mettre sek>a k mode de FEurope. Les esclaves ne eofi^somment ni vin , ni eau- de- vie , ni liqueurs^ ni fruits secs, ni huile, nifaviae, ui froment y ni épiées y ni ameublement^ argenterie, di?aps«, dentelles, étoffies d'or, d^ soie, armes ^ m«H nitiofis, et une infiu'ité ct'aulres choses dûn< les blancs se font toujouT» une nécessité d'être très^abondamment pourvus^ Or, ce sont ees denrées et ces: marchandises qui font le faïKl di'un commerce immeuse que la France peu^ ( 1^5 ) avoir a\ee les colomes, qui, en \\àh procurant ' le déhouchemeut de ce q.ue son terraia et son industrie produisent^ lui donnent des aïojens sÙFS^ et infaillibles de s'enrichir, en faisait: iK>uler $^ manufactures, et en. employant une infiiûté d'ou^ievs qui crou{>issent, à l'heure qu'il e&t,. dans l'oisiveté, et de matelots qui , faute d'occupation., sont obligés d'aller servir Qqs^ voisins , et souvent nos enuemis »* Que de réflesûon^ iait naître ce précieux morceau entière«ie«>t prophélique la France seraiJ^ ànjpKrd'hui dauiS. ces colonies, la pre- miëre puissance dis la terre, coniime elle l'est «nr l'ancien continent. La poi^kÂon qui s'y sers^ accrue, d'une maniève difiiej^i^ àr calcur- IciV , ea abtneotaat les &briqu^s de la naé^fo- pôle , en leur échasiàgcant d'inumen^es r^ chasses , aurait i^ndu^ sa^ mariué formidabte e^ ii^^tructible. Outre Saint-Domingue , qui aMOfaU conservé et accru sasplendeup ,e4i d'au- i très îles qui seraient populeuses , le vaste con- tinent de la Louisiane aurait seul produit , parmi ses diverses denrées ^ des tabacs, dont la qualité supérieure aurait fait oublier ceus^ de Vipgînie; cette cokmie, devenue de plH^ett plus importante, de plus en plus productive ( 12/0 et plus peuplée , n'aurait pu être délaissée et livrée par le faible Louis xv ; en versant une immense quantité de denrées coloniales dans la métropole , elle aurait en même temps approvisionné les autres colonies, de bois , de goudron , de cordages , de riz , de farine, de viande, etc. Quelle situation res- plendissante se présente à Timagination! qu a-t-il manqué pour qu'elle se réalisât? Que quelques hommes avides n'aient pas, au nom du bien public, obtenu pour la modique somme de 5oo,ooo livres (i), par de sourdes intrigues, le privilège exclusif de la vente du. tabac ! Où sont-ils ces hommes calamité uIl qui onf; fait plus de mal à la patrie, qiie des grêles, que la peste et les intempéries des sai- saisons, que des batailles perdues, et une longue suite de désastres? Où sont-ils, et où est-il ce pusillanime ou ignorant ministre qui a transigé avec eux? que leurs noms soient (i) Les premiers traitans qui obtiiireut la traite ex- clusive du tabac ne donnèrent d'abord que 5oo,ooo livres -, on ne sait pas , il est vrai, ce qu'il y eut pour les entremetteurs. ( 125 ) exhumés de l'oubli! qu'ils soient livrés à la vindicte publique de tous les siècles, qu'ils en soient à jamais l'exécration ; qu'ils soient, s'il est possible, TefFroi de ces ténébreux intri- gans qui sèment l'or poui> se nourrir du sang des peuples! \ ( »26 ) — ^- — ■ ' — -- - -- ' -- - • ' ■ JLi^, .,,fli!'nlfa ni t ^ * I ■■i« l ii«i<. fc. .. i i i«i ^ *1M ' M €HAPiTftE VIIL /5) Céifé. Son histoire. Ses éjfà^lités. Dis sûn usage général. De son influence sur le physique et le moral des hommes. Est-il ai^antageux d'en étendre Vusage au peuple ? JL'arere à café y qui ne croît que vers les ré- gions tropicales , est indigène dans la haute Ethiopie , où il se plait particulièrement sur ses coteaux rocailleux. Plus ramassé dans ses ^ proportions , que dans les régions où on Ta ensuite naturalisé , il ressemble au myrte par son port et par ses feuilles, mais plus larges et plus frisées. Le caféier est, d'après la méthode de Jussieu , de la famille des rw^ hiacées (classe xi, ordre 2 ) , corolle épigine, anthères distinctes. Le calice monophille , supère , à quatre dents ; la corolle tubuléc , oblongue , presque infondibuliforme , à cinq divisions, à limbe plane , cinq étamines insé- ( 127 ) rées sur la corolle et saillantes , on style ^ dtut. 5tîgmates , les fleurs par paquets ,, jusqu'au noDsbre de cinq, blauches, imitant celle du jasmin , d'une odeur douce, mais légère, à courts pédoncules axillai^es , naissant aux aisselle des feuilles précédenles, sur la partie nue des rameaux^ et dans les aisselles des feuilles existantes; i'embrjon ou jeune fruit devient à peu près de la grosseur et de la .figure d'un bigarreau , se termine en ombilic , d'abord vert clair ^ puis rougeâtre, ensuite d'un beau rouge, et d'un rouge obscur dans sa parfaite matuiité > . sa chair est glaireuse, ' d'un goût désagréable, se nde en desséchant; cette chair sert d'enveloppe à deux coques minces, ovales, étroitement unies , arrondies sur leur dos , aplaties par l'endroit où elleè se joignent, couleur d'un blanc jaunâtre, et contenant càacune une semence calleuse, presque ovale, plane d'un côté , avec un sillen longitudinal et convexe de l'aulre coté. Cet arbre , ou plutôt cet arbrisseau , s'élève, selon les'diâPénens lieux, de Imit à quinze leur nombre est si petit, qu'ils font plutôt exception que preuve contre le café. Le désordre et l'irrita- tion de leurs nerfs tenaient à des causes exté* rieures ou indépendantes du café (i)i L'es- (i) La raaoîëre de torréfier le café contribue à k'endre cette boisson salutaire ou malfaisanle : de- là les préventions de quelques personnes , contre le café. £coutons, à ce sujet) l'auteur d'une dissertation ca- rieuse sur le café ( M. Gentil, docteur-régent), im- primée en 1 87 , et approtivée par la Faculté do Paris , pag. 66 et suivantes, (c Comme les bonnes et les mauvaises qualités du café en Boisson dépen- dent l'une et l'autre de la manière de le préparer ^ on ne doit espérer aucun effet salutaire de celui dont la préparation sera vicieuse y on doit « par cette raison, éviter toute torréfaction portée au-delà du degré qu'il convient lui donner, car, dès qu'il se trouve poussé trop loin , il n'est plus propre qu'à détruire les qua-* lités douces et salutaires des principes de ce fruits et t 2 ( i52 ) I tomac digérant mieux pour le présent, à Taide de cette boisson , se fortifie en même temps pour Tavcnir, et le café ne fait jamais éprouver à Testomac des contractions irri- tantes qu'opèrent sur lui les cordiaux, et bien plus encore les acides qui ne lui donnent momentanément une plus grande action, qu'aux dépens de l'avenir. Le café, en même à lui imprimer, au conlraîre ,'un caractère d'empireume ou d'huile brûlée, capable de pointer Firritatioa et le désordre dans les fonctions du corps. » En efiFet , le degré de torréfaction peu mé- thodique que l'on donne communément à ce fruit , le réduit souvent dans un état charbonneux, en dissipe par 'là les parties volatiles, et conséquemment en al- tère les principes constitutifs. Le principe huileux , naturellement doux et balsamique , contracte , par l'ac- tion du feu , un caractère d'empireume désagréable , qui peut devenir très-nuisible. Ainsi , parmi les per- sonnes qui se livrent à l'usage de la boisson dans laquelle entre ce principe yicieux , il et^ est beaucoup qui ne tardent pas à ressentir des effets capables , non- seulement de causer de fréquensmaux de gorge, des hémorragies , des hémorroïdes; en un mot de répandre l'agitation et le trouble dans les fonctions des diffé- rentes parties du corps , notamment au cerveau , prin- cipe de tous les nerfs ^ oili cette cause incendiaire peut donner naissance à des maux de tête rebelles; à l'iu<* ( i55 ) teirips , imprime au sang un salutaire mouvez ment qui, facilitant les sécrétions, préparé les élémens de la santé. Ce qu'il y a de bien remarquable , c'est qu'en animant le mouvement du sang , il- ne réchauflPe pas, comme le vin et les liqueurs, dont les excès sont si funestes ; il n'opère , par ce mouvement activé , aucun dérangement somnie, et causer d'autres ravages qui se commani- quent bientôt à toute Féconomie animale. )> Par ce détail préliminaire, on peut, d'un coup^ d'ceil , apercevoir le grand nombre d'inconvénîens qui résultent de Pusage du café mal préparé , et combien îl peut être à redmiler pour les personnes de com-* plexion maigre, bilieuse , irritable, et pour celles dont le sang et les bumeurs sont viciés par un degré qnel- conque de dissolution ou d'acrimonie. On comprend sans doute que ces effets pernicieux ne regardent point celuiquiest préparé méthodiquement. Onreconnaîtqne le café est à s et sur-^ tout par l'expectoration qu'il provoque » et qu'il rend beaucoup pins facile ». Ce fruit est encore regardé comme propre h pué-» venir et même à guérir les iu&rmité» causées par l'épais* sissement de la lymphe; il est encore utile dans celle qui procède de l'épaississement du saqg même , etc. Il raporte uq grand nombre de cures qu'il. a du^s à la boi&- . sonducafé non torréfié, des maux d'estomac, de poitrine^ de léte , des engourdissemens , des gouttes^ des catarres^ des darires, des tumeurs , guéris parfaitement par l'u- •age prolongé de la boison du café cru. ^ (C La manière de préparer la décoction du café cru consiale à faijre bouillir un gros de ce fruit pilé bien fin , dans une livre ou chopine d'eau, pendant un quart* d'heure. On la laisse sur le marc ; et lorsqu'on veut en faire usage , on la verse encore chaude, pour la boire à |eûn par lassées, avec du sucre, de demi-heure en de- mi-heure : on peut en boire par jour trois ou quatre au moins n. ( i35 ) toi après en déjeunant. II m'est arrivé que ; pendant un de mes voyages dans l'intérieur de la Louisiane, où traversant des déserts , je m'étais approvisionné de café en poudre, je n'ai pas eu d'autre boisson pendant environ quatre mois : j'en buvais à tous mes repas au lieu de vin. Cependant j'avais eu, peu au- paravant , quinze ou seize accès de fièvre qui, ^ avec le kina que j'avais pris en grande quari- ' tité , m'avait extrêmement échauffé et affaibli. Malgré cet état, je me trouvai parfaitement bieil ; je le prenais , il est vrai, plus léger qu'à l'ordinaire ; ma santé et mes forces revin- rent mieux qu'auparavant. C'était au milieu des plus grandes fatigues et des plus grandes privations ; je couchais sur la terre. Je n'avais pour nourriture ordinaire , au lieu de pain , que de la farine froide (c'est du mais qui, avant d'être pilé , a été torréfié ) , de la viande boucanée ; et dans les lieux habités , je ne trouvais que des bouillies et du pain de maïs , des patates douces, du chevreuil ou des viandes salées. Mais ce qui l'emporte sur ces divers avan- tages , c'est son étonnante influence sur le moral des hommes ; il anime les esprits , fé-^ çunde l'imagination , rend la raison plus. . '.^ ( i36 ) >k lucide 9 comme un vent pur, il dissipe les Târ.ijjf^ peurs de la mélancolie ^ inspire la gaîté et les;- ig; sentimens généreux; il attache à la vie, en ^ faisant savourer, avec plus de délices , les bien- . 'J faits de Texistence ; il fait éprouver plus vive- ment le besoin de s'épancher ; il contribue à resserrer les liens de Tamitié et ceux de Ta- mour , tout-à-la-fois ; il nous rend plus expan- sifs , plus aimables* Qui, dans le cours de la vie , n'a pas souvent éprouvé de ses heureux effets '^ n'a pas goûté dans le cercle de ses amis, plus de plaisir et de jouissance du cœur? n'a pas trouvés a maî- tresse , sa femme même, parée de plus d'at- traits? Combien de beaux vers échappés à la verve du poète où le café a eu part ! Que de mouvemens éloquens il a contribué à pro- duire sur l'orateur ! et dans ces chefs - d'œuvre divers des beaux-arts, ses esprits vivifians n'ont-ils pas le plus souvent aidé, dans leurs savantes compositions, les génies qui les ont produites ? Ce qui est non moins précieux, c'est qu'il contribue à rendre les hommes plus tempé- rans. Les riches et les grands de nos jours n'offrent point au monde le spectacle dégra- dant de l'ivresse et de la dissolution qui souiU f 1?^ A- r ^^piient Tancienne Rome ^ et parmi les nations J^niôdernes , celles qui montrent le plus de so- briété ne sont-elles pas celles qui font plus : habituellement usage du café ? Ne peut-on pas jijouter que la tempérance s^est propagée •parmi le peuple avec l'habitude du café. La . France offre surtout ces exemples remarqua- bles ^ et à mesure que Tusage du café a passé de ses grandes yiUes aux inférieures , des grandes fortunes aux moindres ^ les excès du vin et des liqueurs spiritueuses qui enlevaient précocement tant de chefs de famille, ont di- minué. Je pourrais ajouter que les atrocités qui ont souillé la révolution , qui ont fait croire que Paris n'était pas ce bon peuple tant vanté ; ces atrocités n'ont été exercées que par des malheureux , étrangers aux habi* tu des du café. Si le café est utile à la santé, s^il ajoute au bonheur de l'existence , s'il excite l'homme à des sentimens magnanimes , s'il féconde le génie et les talens, s'il contribue à adoucir les mœurs , à ramener vers la tempérance ; l'usage qu'on en fait est donc un bienfait pour les fa- milles et pour tous les peuples , et quels que soient leurs gouvernemens, tous doivent donc concourir à étendre cet usage ^ à faire multi* ( i38) plier Farbre précieux qui le produit. Oh ! que mes regards se complaisent à voir ces plaines et ces coteaux ombragés de cet arbrisseau, aligné symétriquement par Tindustrieux Eu- ropéen ! Ces sombres forêts changées par lui en rians vergers, seraient ses plus glorieux trophées , seraient Thommage le plus digne de TEternel , si Içs mains qu'il formée à ces travaux n'étaient par lui chargées de fers , et si ces corps cicatrisés ne Taccusaient de-? vaut le père des hommes ! Mais étendre Tusage du café , s'écrie Tavicle financier sous le masque du bien public, etld misanthrope haineux sous le manteau de la philosophie , c'est donner aux hommes de nouveaux besoins, c'est les corrompre, c'est augmenter la masse des importations ; ainsi c'est appauvrir l'état. Ecoutez, faux patriotes, faux sages : ce qui corrompt Thomme, ce sont des besoins qui ne sont utiles, ni à sa santé, ni à son bien-être, ni à ses facultés morales : ce sont ces futilités du luxe, dont le caprice et la vanité font tout le prix ; qui, toujours re- naissantes , se multipliant sans fin , occupent tout entier l'esprit et le cœur, corrompent alors le goût, aveuglent la raison : ce sont ces futilités consommées par des êtres qui ne pro- ( ï59) tloisant plus rien , et qui s'accroissant de jour en jour, accroissent les char^-es de Tétat; mais celui dont le talent est productif sait toujours rendre à Tétat plus qu'il ne dépense; et si ce qu'il tire du dehors contribue à le fortifier, a prolonger son existence , à le rendre plus actif, plus industrieux, ce sera alors une augmentation de richesses pour l'état : écou* ■lez encore ; le café, qui contribue à la tempé- rance , contribue donc à l'économie ; et si cette salutaire boisson remplace en partie le ▼in , si elle en diminue journellement la con- sommation , l'élat y gagnera encore , car le café ne coûte proportionnémentpasautantque le vin à cultiver ^ à récolter , à conserver et à transporter. Le cafier se plante de six à neuf pieds de distance ; ainsi l'arpent commun peut en con- tenir six à neuf cents pieds. Il porte dans les colonies deux fois l'année. Chaque récolte, par arbre , s'élève de deux à cinq livres ; le terme moyen , au plus bas , serait de trois livres par récolte , ce qui serait six livres par an; et en supposant que l'arpent ne fût planté que de six cents pieds de caflers , la récolte to- tale de six cents pieds s'élèverait donc , en les multipliant par six livres , à trois mille six r (i4o) cents livres pesant (i). Je réduis ici ce pro- duit au-dessous de ce qu'il est ordinairement Ces trois mille six cents livres de poids , à vingt sols seulement la livre , donneraient une somme totale de trois mille six cents francs. Les frais de ce produit se réduisent à peu de choses , seulement à labourer légèrement la terre une ou deux fois Tannée autour de cha- que arbre , environ quatre pieds carrés ; et • si on laboure la totalité de la terre, alors on peut y planter entre les arbres des patates et d'autres vivres qui indemnisent de ce surcroît de façon. L'arbre ne demande plus d'autres soins que d'être étêté un peu, pour le tenir plus bas et cueillir plus commodément son fruit. Après larécoltjB , qui, comme on voit, n'est point em- barrassante , on porte le café à un moulin ^ ou d'une tramoire il passe entre deux rouleaux mobiles pour lé dépouiller de ses premières peUicules ; de-là être criblé , lavé ; puis il re- passe sous une meule de bois tournant, pour ————— Il ■ I ■■ I I ip ■ I II ■ I ■■ « ■III 1—1^1 II ■!■■ Il ■ (i) Sur les bonnes terres on plante le cafier à neaf pieds de. distance au Heu do six ; mais alors il s'étend davanla^e et produit plus. Â.insl, en ne calculant que sur sis. cents pieds par arpent, j'aurais dû porter leurs produits à plus de 6 livres pour chacun. (i4i) enlever sa dernière pellicule et être lavé de nouveau ^ et après être trié , il entre dans le commerce. Voilà succinctement , mais sans omission , les soins peu dispendieux qu'exi- gent la culture de cet arbre et ses récoltes. .Maintenant comparons-les avec celles du vin. La vigne plantée sur des coteaux exige trois et quatre labours soignés et pénibles , parfois des transports de terre; les plants doivent être taillés avec une scrupuleuse at- tention : il faut des échalas^ et dans plusieurs lieux ; des perchettes pour les soutenir et les diriger. Chaque époque de Tannée appelle de nouveaux soins et de nouvelles dépenses, et jusqu'au moment de la récolte , la vigne ne cesse d'avoir besoin de l'œil du maître et des travaux du vigneron. Encore trop sou- -vent les contre-temps font-ils manquer ces dispendieuses récoltes : ce sont les gelées , les frimas, les vers, la sécheresse ou les pluies qui gèlent les bourgeons , font couler les fleurs , font tomber les graines , ou les font pourrir avant d'être mûres ; et au milieu de toutes ces chances, le propriétaire se trouverait heureux si la récolte dans ses vignobles allait , par arpent l'un portant l'autre , à dix ou douze feuillettes , et qu'il vendit chacune d'elles ^ V ( i44 ) traits de la douceur ! On le voit , les inven- tions se tiennent ; Fart de préparer le sucré a amené Fart de préparer le café , et a. pro- pagé son usage. Et nous ne devons donc pas non plus négliger aucune vérité ; quelque indifférente qu'elle soit en apparence , elle touche peut-être de très-près à une décou- verte d'une extrême importance. CHAPITRE lî- ( i45 ) CHAPITRE IX. Maladies des Colonies^ Fièi>re jaune ^ md^ ladie de Siàm > des Européens ^ etù. Dé leut Cause ^ de leur siège} des ntajehs préseruabifs ^ de leurs traitemehs. Faits et anecdotes à ce sujet. Des moyens géné-^ Taux de les extirper* fièvre jàUhe n^esl |)oitit une maladie ïiciu-^ .j dans les colonies, comme on l^a dit et Comme on le Croit; c^est la même que celle qui, dès les commenceraens de leurs établis- semens, s'est fait connaître sou« le liom de maladie de Siam , que tout aussi fausse"* ment on suppose avoir été apportée par uo ?aisseau venant de Siam. Ce qtie dans nos îles on nomme maladie européenne est .encore la même chose* Ecoutons ce qu'eu a dit le père Labat, scrupuleux et bon observateur, à ses sortilèges près > et qui habitait les colonies non loin de leur commencemenlé (i) tt Les symptômes de cette maladie étaient aussi difiérens que Tétaient les tempérament ■ — ■ — 1 * * (i). Tome premier ^ p. 7a. 1 ( i46 ) de ceux qui eu étaient attaqués , ou les causes qui pouvaient la produire. Ordinairement elle commençait par un grand mal de tête et de reins, qui était suivi tantôt d'une grosse fièvre, et tantôt d'une fièvre interne qui ne se mani- festait point au-dehprs. » Soutient il survenait un débordement de sang par tous les conduits du corps , même par les pores j quelquefois on rendait des paquets de vers de différentes grandeurs , et coulant par haut et par bas; il paraissait à quelques-uns des bubons sous les aisselles et aux aines , les uns pleins de sang caillé, noir et puant , les autres pleins de vers. Ce que cette maladie avait de commode , c'est qu'elle emportait les gens en fort peu de temps, et six ou sept jours tout au plus terminaient l'affaire » Il est arrivé à quelques personnes qui ne se sentaient qu'un peu du mal de tête de tomber mortes dans les rues , où elle se pro- menaient pour prendre l'air, et presque tous aidaient la chair aussi noire et aussi pour- rie ^ un quart-d' heure après qu^ils étaient expirés p que s'ils eussent été morts depuis quatre ou cinq jours J'en ai été attaqué deux fois. J'^n fus quitte là première (47) fois, après quatre jours de fièvre et de 'poinis'^ sèment de sangj mais la seconde fois, je fu8 €D danger pendant six ou sept jours ». . . Il décrit ainsi la seconde de ces maladies : « Je me sentis attaqué d'une vio- lente douleur de tête et de reins , accom-» pagnée d'une grosse fièvre , symptômes assurés du mal de .Siam. Je fus d'abord saigné au pied , et puis au bras. Cette dernière saignée fil désespérer de ma vie , parce que je m'éva- nouis; et malgré tout ce qu'on put faire, je demeurai près d'une heure sans connaissance. Je revins enfin comme d'un profond sommeiL Quelques heures après. Urne prit un crache-- ment^ ou plu té t un vomissement de sang très-fort ^ %t ,qui me faisait tomber dans des espèces de convulsions ^ quand au lieu de sang pur et liquide p fêtais oMigé de jeter des grumeaux d^un sang épais et recuit. Celu dura près de vingt-quatre heures. Pen- dant ce temps-là, mon corps se couvrir de pourpre, depuis la' tête jusqu'aux pieds; les taches , qui étaient de la grandeur de la main , et de différentes couleurs , s'élevaient insensi- blement au-dessus de la peau. Je souffris de grandes douleurs le troisième et le quatrième jour. Le cinquième ^ je fus surpris d'une }é- K a (i48) thargie ou sommeil involontaire qu'on ne pou- rvoit vaincre. » Jç dormis près de vingt heures sans intervalle , et pendant ce temps-là , j*eus une crise, ou sueur^i abondante , qu'elle perça plusieurs matelas les uns après les autres. Je me réveillai ensuite , fort surpris Je demandai d'abord à manger. On voulut me porter dans un autre lit; mais j'assurai que je me sentais assez de force pour y aller. En eflPet; je me levai; on me changea de linge, et je me couchai dans l'autre lit, me trou- vant sans autre incommodité , qu'une faim caninequi mç dévorait On nr^apporta un bouil- lon , que j'avalai comme si c'eût été une goutte d'eau; mais il fallut, pour avoir R paix,'mé donner du pain et de la viande , sans quoi je voulais me lever pour en aller chercher. Je in'endormis après que j'eus mangé, et ne me réveillai que six ou sept heures après, avec lj| même faim, sans la moindre apparence dé fièvre ni mal de tête. Il ne me restait de ma nuiladie , que les marques du* pourpre , qui m'avaient rendu. le corps marqué comme celui d'un tigre, etc, ». o iLîk première maladie de cet atfteur offre 4|>eDrprès^ les^ méni^s symptômes : des maut de i î49 ) têie et de reins , des vomissèmensd'tinôgfàtide quantité de sang. Sd gûérisèA s'effeictue aussi par des saignées et des transpirâtiôtis abon* daâtes* Ce qui^ passe de uos joui^s, relative- mei^t à ce qu'on nomme Jiei^rt jaune ^ OÙ maladie des Européens y et ce que j'ai iboi- tnéme observé , prouve que ce sont les même» maladies que celle décrite, il y a près d*un siècle par le père Labat. Elles commencent aussi ordinairement. par des maux de tête et de reins , suivis d'utte grosse fièvre tellement interne y qu^elle n^'cst bientôt plus sensible ati pouls. J'ai vu des malades y aux approches de la mort, et daii^ le tpâùsport , sans la moindre indication de fièvre. Il survient aussi pi*esquè toujours des vomis$emeiis répétés de sang^ noir, et c'est ub dë^srjrmptôqaès les- plu i carac- téristiques de la fièvre jaunie. Souvent encore^ 'comme le raconte le pèrô Labat, des per- sfonneisqui ne se sentent qu'un peu de mal de tête , tombent subitement mortes. A la Nou^- vdle-Orléans , dans l'été de i8ô5 , plusieurs Anglais ou Anglo- Américains sont morts ain^ subitement. Un entre autres ,. attaqué de cette lualadie, a expiré tout-à-coup sur la levée ^ tenant à sa main une tranche de melon qu'il mangeait. Son teint était coloré et animé. Ufi ( i5o ) » médecin qu'ua particulier pria de passer chez lui pour voir $a fempie dangereusement ma* lade^ demanda à ce particulier^ en le fixant : Et vous , Monsieur , comment vous portez^- vous ? — Fort bien. — lEort bien , répéta le médecin j voyons votre, pouls : vous êtes aus$i malade , et gravement jinalade \ allez , sans perdre de temps , vous mettre au lit , et je vous suis : et peu de jours après ce particulier mourut. : Les vomisseipens je sang noir qui surviens ttcnt presque toujours^ et ;qpi continuent juçr qu'à la mort, annonceot; la coagulation et la putréfaction du sang» et! par conséquent, que la maladie est alors incurable ; on en jt^e ainsi ordinairement .Cependant ces vomisse^ mens, comme au père Labat, sont quelquefois purgatifs. J'ai Vu en arrivant à Pensacôle un homme déjà âgé, qu'oa venait de débarquer d'un navire venu de la Havane \ il était parli atteint de la maladie ; son épuisement et le .sang noir qu'il vomissait, dont j'ai été ter ynoin , ne laissaient plus d'espoir. CependaDt ce vomissement étant devenu , comme au père Labat, extrêmement abondant, ilgué^ rit, et son rétablissement fut étonnamment prompt». < i5i ) Cette msdâdie se manifeste avec des.symptô- mes également variés selon les mœurs , les tempéramens ^ les climats et les saisons ; on en verra la preuve. Il né faut donc pas c&uter de Tidentité de ces maladies de nos jours avec celles qui ont existé dès les premiers temps des colonies. Examinons quelle est la cause générale qui la réproduit si constam- ment. En me livrant à ces examens , on verra comment la différence des tempéramens, des mœurs , des climat^ et des saisons , la repré- sente sous des formas aussi variées ; les moyens de la guériD, ou plutôt de la prévenir , seront plus faciles à saisir. Quand un seul homme devrait, aux réflexions où je vais me livrer , la conservation de ses. jours ;. quand une seule mère leur serait redevable de lui avoir sauvé un fils , est-il un seul lecteur qui puisse accuser ces réflexions d'être trop longues ? Si elles allaient devenir utiles au plus grand nombre de ceux qui vont habiter ces régions lointaines ; si elles allaient sauver la plus grande partie de ces valeureux guerriers que l'état j envoie à si grands frais , qu^il serait glojrieux, qu'il serait consolant pour moi d'avenir répandu un jour conservateur sur ce trop important objet î Je parle, de . consola- ( l53l tibn ! en est-il pour ^moî , après là perte que cette cruelle maladie m'a fait éprouver ? La plaie doat mou ame est atteinte ne saurait plus *se fermer ! je descendrai avec elle ao tombeau , et la gloire , ô hommes! dont voua pourriez m'ei^vironner , ne pourra la guérir^ et il me faut des motifs plus g?ands que tout ce que les hommes pourraient me dqiiner poup revenir sur des objets qui rouvrent mes plaies,, raniment mes douleurs ! La nature se montre plus active dans les pays chauds , aussi bien dans le règne animal que dans le règne végétal. Si les plantes multi^ plient davantage , croissent plus vite et pluf ^andes , les espèces 4'animaux y sont aussi plus nombreuses y plus fécondes y plus hâti^ ves, et avec de plus grandes proportions. On doit ajouter que la destruction j est toujours plus accélérée : la nature , plus pressée d^^agir^ détruit avec plus de célérité , afin de repro* duire plus en hâte. L'homme > le seul être capable de vivre et de multiplier sous tous les climats > est encore soumis à ces lois généra*^ les. A quelques exceptions près qui dérivent de mœurs particulières^ son accroissement est plus prompt sous les climats chaudis ; les deux sGxes , les femmes surtout y sont nubiles ( i55 ) bien plu» jeunes , et les traces de la yieiHesscn anssi également précoces. Ce. qai est* surtout remarquable , c'est que les maladies aiguës y sont pour lui et pour les autres ^animaux plus fréquentes et plus meurtrières; et que les tempéramens les plus robustes en sont plus particulièrement victi^ mes. U n'est que trop ordinaire d'apprendre que telle ou telle personne qui était pleine de santé y il j a peu de jours, est dans la tombes c'est vers les époques surtout des plus grandes chaleurs. Mais les Européens , passant subitement de leurs climais tempéréa sous la zone torride, éprouvent encore plus cruellement les effets de ces maladies aiguës ; ils ne semblent arri-* ver en foule de leurs régions lointaines , que pour être moissonnés en foule : le très-petit nombre échappe comme miraculeusement à la destruction générale. Si no^is faisoQs attention à la nature dti sang l]ui circule dans nos veines, nous ob^ servons «rtout qu'il . est susceptible d'une grande dilatation. Lorsque nous nous livrons à des exercices violens qui l'agitent , et pas conséquent réchauffent , sa dilatation est sdî grande , que tous les vaisseaux se gonflent^ ( i54 ) le teint s'allume , la peau se tend, et la res^ piratîon est plus pénible. Les femînes d'un tempérament plus sanguin rendent cette- ob- servation encore plus sensible. Nous trouvons- nous aussi auprès d'un grand feu , ou dans un lieu très -jéchauffé , à un soleil du midi d'été , cette dilatation du* sang deviçnt telle , que bientôt nous- sommes couverts de sueur f et «'est par ce mécanisme admirable de la dilatation du sang. que la nature entretient en nous une transpiration continuelle^ pour opérer ses grandes sécrétions, puisque la très- grande partie de nos alimens et de nos bms- sons y qui n'entre pas dans ta composition du corps ^ se dissipe par les pores de» la peau ; et lorsque cette évaporation est suspendue-; alors les plus grandes maladies nous assaillis* itent. Afin que cette transpiration s'entretienne) et s'augmente selon les circonstances, il a donc fallu que la constitution de notre safng fût coordonnée au ôlimat sous leqwt n^ôus vivons; c'est-à-dire que, sous iln jolimat;froid^ il fût susceptible deseraréfierJpliisfiircHemeni avec un moindre degré de chaleoir:; tandis que, sous un climat toujours chaud /il se raréfie plus difficilement avec un plus grand degi^ de chaleur. -.; « • . ( i56 ) Sous la zone tempérée , à Paris , par eitem- pie, où la chaleur ne s'élève que de quinze àvingt degrés , et rarement justju'à vingt-cinq i encore seulement quelques instans , peu de degrçs au-dessus suffiront pour opérer une dilatation du sang qui produira des sueurs; tandis que sous les tropiques y où la chaleur est ordinairement de trente à quarante degrés y si la. dilatation du sang était la méme^ c'est- à-dire , si la sueur se manifestait sensible- ment vers vingt-cinq degrés de chaleur, elle serait, et trop continueUe , et trop abondante ; sous trente à quarante degrés; les vaisseaux, trop gonflés , ne laisseraient plus la liberté au sang de circuler; le sang ne circulant plus librement et étant dans un plus grand état d'effervescence , se coagulerait > se décom- poserait el tomberait bient6t en putridité. On reconnidt donc que là ^constitution du sang ' des peuples équinoxiaUx doit être plus légère, moins dilatable que ceUé des peupleb des zones tempérées , et qu'en se rapprochant -vers les pôles , le sang doit avoir un degré de densité plus grand et être plus dilatable.; • Cette théorie explique pourquoi les hom^ mes, en s'avançant du midi au nord , éprou^ Tent une compression, du sang plu^- grande r \ I , ( i56 ) qui laisse beaucoup de vide dans leurs vais- seaux , qui les rend moins tendus , plus flas- ques^ prive alors ces hommes de la chaleur nécessaire à leur conservation , les fait soûl* frir davantage des effets du froid. Les pores de la peau', moins ouverts ^ et comme fermés par cette trop grande compression du sang y font qu'ils perdent alors l'usage d'une transpi* ration toujours nécessaire pour les sécrétions » dont les suites funestes sont des rhumatismes , des catarrhes^ des rhumes, et toutes les ma-^ ladies d'humeurs répercutées^ ou plutôt non^ exhalées. GeuX; au contraire, qui du nord s'ayancent au midi, ayant un sang plus dense , plus subs- tantiel , éprouvent , à mesure qu'ils passent sous des degrés de chaleur plus grands , une dilatation de sang plus considérable; et alors , comme je viens de le dire , les vais- teaux se gonflent extraordinairement , tONQtes les parties du corps sont dans «une grande tension , et l'embarras croît avec l'efferves^- cence ; s'il est enfin tel , que le sang soit arrêté ou seulement suspendu dans sa circu^ lation y il se coagule bientôt , et cette €0>dgu- lation doit avoir surtout lieu au centre "do mouvement au cœur, où la chaleur est plus (»57) grande par Faction de la réaction , et parce qu'il y est en plus grand volume. Ce premier effet de la coagulation du sang y dans le prin- cipe de son mouvement , opère promptement le désordre dans toute l'économie animale , puisque là est le principe de vie. Mais il est des tempéramens plus sanguins les uns que les autres ; la médecine , dans tous les temps , a reconnu ces différences» Ici les tempéramens les plus sanguins doi- vent être plus exposés aux effets de ce chan- gement de climat du nord au midi ; cela est vrai ; et tandis que des physionomies pâles , chétivés en apparence , n'éprouvent point , ou du moins très-peu de révolution de ce chan- gement de climat , les constitutions athléti* quesy ces hommes charnus, au teint frais , aux couleurs animées , sont aussitôt mois- sonnés. Tous les renseignemens que j'ai re- cueillis à ce sujet dans les différentes colonies que j'ai parcourues ont confirmé mes idées. On voit déjà comment les hommes , sous les climats chauds , sont plus ou moiûs exposésr aux effets mortels des chaleurs. C'est bien autre chose, quand de nos ré- gions tempérées ou froides ils sont subi- tement transportés sous les climats bdUans et r ( i6o ) est chargé d'évapora lions , contenant dm sels et des minéraux corrosifs ou astringens , d'es eaux vives ^ crues , froides , contracte aussi le tissu nerveux de la peau, resserre lespores« Mais toutes les passions qui affectent l^homme^ agissent avec une activité encore plus mer- veilleuse sur tout le système nervetix : les soucis, les chagrins, la colère, les trop fortes et les trop longues tensions de Tesprit^ les désirs trop ardens , ceux de Tamour , «t ses €xcès particulièrement, ébranlent vivement et à la continue , les nerfs , entretiennent leur irritabilité , et prolongent leur tension* Si ces différentes causes, d'irritabilité agish sent lorsque le sang est extrêmement raréfié, la tension des nerfs , alors contractant les vais- seaux sanguins, vient embarrasser et même arrêter la circulation , du sang, qui, en effer- vescence et bouillonnant, opère subitement des irruptions , des hémorragies, des coups- de-sang, et la mort même. Souvent il est re- foulé vers le cœur; la portion arrêtée, qui ne peut retrouver de passage dans les^ vaisseaux artériels, s'y coagule à Tinstant. Tel est le principe de ces fièvres internes , de la fièvre jaune. Cet état de tension des nerfs, en s'op- posant à la circulation du sang , s'oppose en mémd ( »6i ) itïhvû^ tetaipS aux ëinanaVîôàV « ta sueur/ parce ^ue la péau^ elle-même 'contractée, a resserré ses |>ôreâ et a fermé ses issues. Dans ceà circtiDstances , la peau devient aride ef sèche. La •roidetor des nerfs, rendant les mdu-' veinens difficiles et pénibles , fait éprouver des lassitudes, des débilités , avàût-ctoùreurà^ prochains dés maladies. Ces différentes causes agissent sur toutesr Ï6S espèciôs dilemmes qui virent datis les' idimats chauds; elles agissent sui* les naturels / éur les créoles et lés Européens ; et là où îà^ nature a plus fait poiir les hotnchës, elle est^ plus intolérante , elle f pardonne moins les' Àcès. Le^ missionnaire jésuite espagnol «/b-- seph Giàmillày dans son histoire de TOré-' ûoque (i), offre une obsemtiôn de la plus grande importance , qui prouve que les' natu*'' tA% ont éùx-mémes : i/ à redouter beaucoup , à cet égard , dés suites des moindres excès ; ^? que ces excès agissent toujours spéciale- ment âîir lé sang, ce C'est, dit-il, dans' la plus grande dé leurs^ cabanes ( des Indiens ) qu'ils bbiveutet danseîiten même temps à-la-fois. .... Ceux qui sont épris de leurs liqueurs enivrantes 0^ eoitinpise.l^ bière et le cidre > de ces vins eofpâtqtix ^t mé-* langés > de leurs .farineux, et -4^ leul^s painf aon-levés , et par conséquent; nçn assez divisé^^ concourt à leur, donner un sang trop nourri ou trop riche.» plus sùsceptibie de s'allumer et de se dilater » et de sq décomposer > par leurs excès kal^ituds de rhum , de tafia de Whiskej ( 1 ) y par leur vie trop sédentaire -dans le séjour de tes villes, encaissées dans des vallées » au milieu desquelles s'élèvent des « ■ files de kaiitea maisons qui arrêtent l'air , coar: centrent, et ibéflêchissent les chaleurs. On dçmandera sans doute pourquoi la fièvre jaune « qui fait tant de ravages parmi les créoles Anglo- Américains ^ n'atteint pas; ou du moiœ très-peu de créoles dans nos îles. La raison f ce me semble , est que les Ânglo* Américains ont régulièrement un hiver long et rude , saison où , tandis que les appétits portent à des alimens plus substantieb , ojn évapore cependant moins par les poret^ 1 - (i) £au-ds-Yie bite avec le seigle. Xi a ( 164 ) Lecp^- sang" V d«ria»it ces hÎTers '/ ^st donc de- tsnti plus siibs£antiel /et par conséquent pins susceptible d effervescence et de ' dilatation pour le temps des chalettrs ; tandis que les câréoles des' tles ; ayant des chaleurs cons- tantes y se nourrissant plus uniFôrmêment , ont une transpiration* toiqôurs 'ènlTeténue et un éang uniformément' fluide. Indépendamment ices cause» 'qui * sauvent les • créoles dé nos tles des ravages de la fièvre jaune , il faut aussi ajouter celles qui naissent de leur régime de vie plus sain et pltis sobie' que celui des Anglo-Américains, et aussi de èe que leurs «villes sont moiùs vàstei et ùioins populeuses. Cette dernièi^ c^use est si ' prépbdderànte ; que dès que la fièvre jaune se manifeste 'dans l6s villes des Anglo-Américàitis'/ils fuient ea hlite dans fes campagnes ; non jpàé^ comme on le croit généralement , que cette maladie soit épidémique^ et queTair de létir ville ait contracté l'épidémie ; c'est iseulément parce 'que là chaleur y est trop grande et trop per- manente. Aussi 9 dès qu'ils sont arrivée à leurs campagnes y où ils respirent un air plus libre et plqs fpais > où les rayons du soleil ne dar- dent pas sur des pavés et des murs qui les répercutent , mais' sur àts pelouses qui les absorbai, .OÙ ils scml; ^ijj^i ^n ^ixijiUeu chçf yçgétaux qui les ombragent , où ils se iiTrent moins aux excès de rintempéraace , où' il| soûtmoins occupés. dWaires qui les exaltent^ pu tout y ep i^Q xofitp est plus calme au phjT siq:ue comme afi moral : alors ûs sont hors de$ ^t€;ia,tes de la fièvre jaune ; et si cette maladie avait été véritablement épidémique ,. XqH^ l^ayant reçue daps leur sein avant de fuir à leurs campagnes ., Vj . auraiept tous portée et r>^uraiem;.pr(^agée de.toutes pwts* {iajèfvi!« î^une , la mf^me maladie :quQ_4>^ appelé^ dans nos colonies la maladie. des Européens^ n'^t donc pas.plus épidémique que celleroi^ qui, comme je l'ai observé , moissonne lef Européens ^t.n^esure qaUls atrii^ent^ tândi| que les créoles des îles vivent au nâlie^ d'eux sans la craindre* Ces observations reih* dçntir^soadepia que rapporte JULMi^^hau («) sur cette maladie , qu>l a trouvée à Gharr AvSt^WIU t.- • . r 'i « La. fièvre <: jaune I dit œ yoyàgeur, van| d'intentsité cbaqm9. année» :et FobseJts^iP^ » • . '.> ' ...-,■ i .\t\ ■ ■ Il I I I ■ I — — i— i (i) Voyage à l'oaest 4ar KîôntflkAIleghanj en iSod, page 9 et fuivantea» i V66 ) ii^a pas cncbte pû'détermîner les signes ca* ractéristiquès. auxquek on peut reconnaître qu'elle sera plus dû moins maligne daxis Tété. £jes habitans de la ville n^ sont pas si su jets que les étrangers , dônl les hiirt dixièmes inourùFeiit rannée de mon an^iTée; et lorsque les premiers en sont attaqués ,, e'est toujours^, dans une proportion beaucoup mpiniiire. » L'on a observé que, pendant les mois de juillet, août, septembre et octobre , où règne Ordinaireméiit cétt^ makdie; les personnes qiii sf absentent :de Gharleston ^ seulement pour quelques jours , sont, à leur retour dans la ville, bëauebnt>pkrs susceptibles' d'<çQ étrie atteintes qne' cetix qui n'en sont pas sortis. Lés habitans de la Oaute-Garoline,' éloignés de deux à trois cents milles ; qui y viennent pendant cette saison, j sont aussi sujets que les éfrangersv et ceux des environs n*en sont pas toujours exempts. » L'on croit assez généralement à Ghar-> JKH^ton que U fiè^è jaune, i{ùr j règne' ainsi qu^à Savanah, tou^ les étés, est analogue à celle qui se manifeste dans les çoloniçs ». ,-' » ,s.î -:';: y}"- ' '•'!* ■. i ' I Ci67>' rmm '"^ "'t' ' " " *'*"' I '■* M ■■ ■■H'tj'iii m ■■iiMi^iY CHAPITRE X. CbAtihuatwn du mêfht 'sujets. .T 1 I . < IM^b S in'^làfres éréôfes^ et ceux qui, par unît longue résidence/ se sont naturalisés au climat dés lies, exémptsgénéralëitietal, par les causes que j'ai indiquées , des effets rapides de cette inàladie redoutable ^ sont cependant victiinesf de fièi^es^infiàinniatoiTes, qui se rapprochent de la fièvre jamiè, qui ont le ibékne principe, et qui «ttson^ à proprement parler , dès modi^ fieatiôns. (Ses fièvres - se- manifestent surtout dans là saison -de rhivernàge, ieâops ctes plus grandes chaleurs , où l'aile est pltis étouffant y et elles attaquent surtout ceux qui habitent les villes ; qui Vâbreuvcnt de Tins recherchés, de viandes marinées^ saléès^aromatisées^y que la cuisine -irançaise> dianb sôÉhartiaiisitàbleV revêt toujours de gotos nouveaux , pour re- donner- à la'-sensualilé d^s joliissaDGes nou* veHes; Letir «ttDg ^ alors ^àmwàt^krp sitbstàii^^ ( i68 > tiel, trop nourri^ et particulièrement trop ioflammahie, cause sur le genre nerveux une iflitabilité qui s'oppose aux transpirations, devenues cependant plus nécessaires : de-là ces espèces de fièvre jaune, atténuées et différenciées p^r la diflPérence des tempéra- mens et des qualités de leur sang. Lés divers raisonnemens où je me suis livré sur ce redoutable fléau des colonies , les faits çt les citatioi^s don^t je^les ai appuyés, prouveol ^'elle est, non épidémique,. xxiais constanta ^t périodique; qu'^Ue se modifie.. selon léif lieux, les saison^., les. tempér4n)^jQ3 ^ et que ^n siège est uniA^qiément dans 1^ sang ; quiç 'f^ cpaséquent les moyens curatifs et présef^^ yatifs doivent avoir toujours pQurbutle.sjSuag; qufL s'ils agissent sur d autres partie^ ^ ç'es^ ^ulement parce que ces parties ont des rela* i^^ intii^i^^î ^vec le sang, ont unç.influenq^ préppndér^^t^; syr Iqi. I Lorsque de mauvais levaips d!huxiieur& obstruent l'estom^ et les au^ef yisç^j^,, il €3> évident qu^ leur volume , que Teffil^arra^ qu'ils OQçasipni)^!^ pour les digestions e( 1^ autres fonctions ».efiibfu:rasseot la. ci^ulatioii 41uû sang trpp. al^^dap^ et t^rop ^ié^^ et CQPlfjhyentj9i{pore.4A'^ ( i6d > de ces humeurs devient donc ^impérieusement urgente ; des vomitifs , de3 remè^des {xar Ic^bas doivent donc être emplojés «ans tarder. Ce ^jutngi dont la circulation est Iç principe de vie^ qui ^ arrêté un instant à sa source» s y coagule et s'y corrompt». exige une extrême célérité daps tous les naojeas propres à restituer sa fluidité , à débarra/ssfer ce qui porte obstacle jà soa cours» ; .dt;s ^laignées abondantes, des sti- inulaos internes et de^ mojens pour distendre la peau , aa-4ç)^Qr& ^t amci^ei? d?s suears^> doivent agir pour ^si dire dimuljtanément» Jtant les progrès du mal sont w^f^de^ Et mal- fp^é la célérité 4es traitement, d^j^ même le mal est sana vemède» puisque ses progrès ont commencé souvent à Tinsu du jfkfilatd^^ Les^ Anglais, pariai ]e^i)el(^ ç^ta ipaladije fait particulièrement de pliy; g^apds rayages^ qui doivent avoir Çsdt plua. d'é preu^vas pour la guérir » emploient pre&qua toujoucs^ des cordiaux ; un grand nombr4i . boit du rum avec plus d'eii^(m% «a f^tand noidbre aussi périt ivre. Ci«uqui peut-être e&l ^us raison^ nable et plus efficace ^ c'est l-uaas^ 4" meoeuse qu'ils prennent iatmcurement à £oirtes dosMi Ce métal ^ Ih fkw pwssant dissolvant de fil nature» qui ne conserve sans doute son Mtôrt fi7o> ilmctîtë que pônr cette fin ^ dont lés âlclûmîstês^ dans leur délire, ont votiln £pdre un principe Mcomposaût, tatidiSi qu'il est essentiellëinent •décomposant ; :1e mercure a* paru aux Aiiglàis.. propre surtout" à prérenir' Isi^ coagulation dti sang > et à^lurre^tituer' sa fltiidité ; et 3 péraît. en effet ^re, sous ce rapport^ fôiK>r9ble a là cure de cette n^adie. J'ai vu à la Louisiane tin nommé Niçois , devenu depuis premier j^ge du comté des Ata!kapas, un- de ceift hommes calàmiteux que- rÂm'ériijue-Noidr ayait jeté'su^ ces plages, pour'^tre le'fléàu^ des faciles et timides Louisîanais ; cet homme se sentant frappé à- la Nouvelle-Orléans, de lit fièvre jaune, àrépoqueou elle faisait les plus grands ravies en i8o5; courut chez un iné^ decin-/ prit suivle-cbamp viagt^inq'graitis de* mercure ; en prît* successivement ainsi pen- dant plusieurs jours , et porta même les doses jusqu'à trente grains. Il guérit, mais ii se g«erira jamais des atteintes que la prôdt^ gieuse quantité d'un- remède sir £^ssant^a porté à ses nerfe* et à s^ constitution. Si* le -mercure pe»t être utile pour ^ce 'traitement*, ^et avoiri dès- résultats moi^fisfdnéstes, c'est lorsqu'il' sera ^dimmstrié pair de sages: mé^ decins:- '■ :■"■ ' ' ■■ '■ ' ^ ■ ' . • j^-^- % ( »7i ) Genx de Fart avec lesquels Je me suit entretenu sur la nature de ce maî prétendent qu'un grand nombre de personnes ont telle* ment en eux le germe de la maladie , qu^il n'est pas en leur faveur de moyens prései>^ Tatîfs : ils n'ont pu m'en dire les raisons ni m^indiquer les principes siir quoi reposaient les différens' traitemens qu'ils suivent à cet égard ; je n'ai tu qu'une routine aveugle , dé- nuée même de Finstructiôn de l'expériénee ; puisqu'ils croient cette maladie toute nouvelle^ qu'ils ignorent ce qu'elle a été autrefois, et comment on 1^ traitée. D est vrai que des médecins ; où des hommes qui*en font les fonctions, qui n'ont, pour l'ordinaire, pas un seul livre de leur état, qui n'ont qu'ébauché autrefois leurs études, qui disent n'avoir pad le temps de lire , qui ne sont peut-être pas en état de le faire avec fruit; qui n'ont pas , les premières notions de la diSetenii^e des climats ; de tels hommes, dis-je, ne sont guêi^ en éliat d'éclairer la seiènce qu'ik pratiquent : ausisi , contre leurs avis, je me permettrai d*ia[èstirer qu'il est pour tous des mô}i^tts ptéserv^îsi isimples , faciles, sûrs. Us' naissèni; Aaturelte^^ ment des princiiyes, des raî^nneiaeDftet dM faits que }'ai exposés^ • • *" *' '*'* •••* ( ï7» ) / Ceux de mes lecteurs qui th'ont lu atec attention jugent déjà que les tempéramens sanguins et robustes, plus exposés à cette çaaladie , et à en être attaqués beaucoup plus gravement ,. ont besoin de précautions plus grandes et plus strictement observées ( j'en* tends parler surtout des Européens arrivans); La vie inactive de la traversée, le mal-aise^ le défaut d'habitude de la mer , les alimens échauffans pris alors en plus grande quantité qu'à l'ordinaire', ont enflammé le sang, ont ajouté à son volume , en même temps ont grossi la masse des bumeursi. Dès qu'ils auront débarqué j qu'ils auront quitté l'air plus animé et plus frais de la mer, qu'ils seront entré dans ces villes engouffrées sous une àtmospbère (le quinze à viqgt degrés de chaleu^è au-dessus de celle qu'ils Qut jamais ressentie; qu'ils! se seront logés ddns les maisons éirùiVks , mal-^ percées , des qiiartiers les plus resserrés de la viUe ; qu'ils continueront de se nourrir d'aiî* piens et de boissons aussi sv^tantielles ; qu^ la* nouveauté des^ fruits du pajs les excitera à manger de oeuiK qui sont les ^us compai> tea p tels que: les! ananas , lés cocès et ces abri-^ cots fi conaoee^qu'^Q méjne^tèmps ils jseront assiégés de soucis , contsaôijta dé se lijrretr^i •■^Xt ( »75 ) des courses et à des travaux inaccoutumés; oà bien que, s'abandonnant à Toisiveté/les pas« sions ardentes du jeu et des femmes les tourf menterout ; alors vraiment ^ il n'est point pour eux de moyens, préservatife contre la maladie. Mais, si à leur arrivée ils choisissent surtout un lieu aéré, un logement bien percé ; si, sur le moindre indice -de plénitude -d'estomac, ils le débarrassent par des vomitifs et d'autres pai^tifs ; s'ils se rafraîchissait à l'aide dé boissons et de remèdes interne»; et û^ délayant davantage leurs alimens , ils choisissent sur^ tout ceux qui sont d'une qualité aqueuse, tempérante ; si dans leurs courses , dans leurs promenades, ils évitent d'être exposés amâ rayons d'un solei^ si ardent rs'ds savent s'ocs cuper sans s'excéder; si surtout^ ds tempèfreni Fexcès des passions de tous- les= genres : cer-: tainc^ment ceux4à sont assurés d'éti^ hors djes atteintes de la maladie, non-seulémèfit pour le présent , mais encore pour l'avenir. j Je dis pour le présent etpour l'avenir, cai^ il est ess€|ntiel d'observer que ce régime doit, en efiFet, avoir tout à*là-foiS 'ces deux buts du présent et de X\apenir. Un voyageur qui ne serait que passagèrementdafistme colonie-/ pomrrait al(»s seulement se contenter ^ peflK ( i74 ) tàaot son séjour , d'habitar lin lieu rafraicM par les yenis ^ tels que les momtis^ Cette tem"» pératurô , avec une vie tranqjaille et «on ré^ gime ^ccou-tuiiué à TËuropéen suffira sans doute à sa santé. Mais celui qui arrive dans les îles avec riMention d y résider v ne saurait constamàient se dérober à ces chaleurs) il faut donc qu'il s'acclimate pour les supportée impunément Et qu'est^e ,que s' acclimàier ?. C'est donner au sang les qualités qui convien^^ lient à ce cliu^at ? c'est ^ comme je l'ai monteé^; Iç rendre plus fluide , moins nourri > moins dilatable^ Il faut donc/ qu'à cet effet '^ 'il s'abstienne plus qu'un autre d'alimens trop Bourrissf^ns ^ dans te ca^> par e^çemple > qu'il mange beaucoup moins de pain, et peut^tre pas du tout; qju'il le rempkice.par les farines granulées de manioc /et par le riz , qui» aussi moins ^imeutaire et diurétique j^ semble par^ ticulièrement. placé par la Daturé sous les oli^ mats chauds pour la substance des hommes j qu'il soit très-réservé poiir les viandes , pour les boissons trop nourrissantes oïl trop échanf* fautes ; que suji'tout il entretienne une trans? piration , quî.> ^ns.étre cependant trop abon-^ dante pourvue le pas exténuer, soit cependant coçtstanjte :^€'^t-là le thermomètre de sa santé* I Xa tran$pifajliûa.^oe fois • suspâoidue^ la pbâti;. nqi^ n^st.pltis iBoite> mais sèche ^ aMioiitce uûi; commencement de la maladie $ âlfaut ea hàte^ lu, rappeler.^ la saignée est plus parÉculière- ^tniSfit nécessaire ; des Ibaias-, non froids > mais*, ^lûwlement tiè;des; çles boisions qui :nè soient" :point iiritaçitçs-^ ^ti qui cependant, stimulent tia 4?eu ; la.tisape xîoni^osée de k; [chicorée. ^^:)8trd^^^,plii4 douce quefla^fGhioaréesau^^t va^e , a^eauiiL^u de laitue et d'^j^nge aigre- ^U'iieu dercftnop » dontl'ftf^ees^trop énei^^f gique sur les nerfs^j est celle dont. on lait uisage^ cQiwnanéiipent 9 et q«ie je crois en;effiB^lai[duâ; xîonveiiablç... ,.,, .1 ; . , - . XiC ser^ est surtout df^ngereux pour leà: Européens arriTans. A la disparition du jour ^ q^ui, y^vs, Véquatçur, se Hoût. tout-pàrcoiq) , ât tombe sul>iten]tent d'abondantes et de frakhei rosées » sans flo^te mélangée^^e vapeurs el> 4'émanatiQ;^ rrosives ., {>uisque tant de vé* gétaux en Qnt les qualités, et que 4e fer et Taçier le plus parfait j sont aussitôt rongés ^ ces émanations , qui contractent yiyement la peau 4 arrêtent ainsi la transpiration^ indispen- sable pour l^uropéen. Il faut, donc qu'il rè-. fiiste à Tatlrait du plaisir de 9aypurer la frai*, clieur de ces délideuses soiréesjf qu'il sç donne. («76) gaide stirtoutd'j^ rester assis; qûé méméil ne se promène pas ^ mais qu'il marche si ses affaif^s' le comma»dent ; qti'en reyancbe ie lever de' Taurore lé surprenne à peiîîe an lit ; qu'il se hâte de respirer cet air pur et renouvelé^ que bientôt: ra dess^her et ' embraser dé nouveau* ce soleil qu'il Voit déjà dardant' ses rayons ëtincelans à trà'téft'des nriéei dé pour- pres La chalietir renaissante^ ta lui rendre sa- lutaÎM cesi hâmides exhalaisons âohi il se sérat pénétré, ces pâifùins- dont son odorat âtita' été délèe^^ et sip stirtout if ainie Ik n'atùie/ l»'^rue de c;es bois tbuffitis /de dés arBtes aux troncs élevés , à la cime spacieuse , au femlbge: pÂttitfreaque , aur fruits de formes variées^ et detànt d'espèces dé végétaux qui Mmpent dû qtÉ giimpënt ; cette Vue animera' mm imagtïiàliôn'/ ireveillei^a seé esprits, re-' ikmnera àtdtrtfefS ses fkcultéé une nouvelle énergie , uii nèùveau ressort pour se livrer plus vivemenr à* ses occupation^ et se prému- nir suriôiTt conti^ ces afPaisseméns d'où nais- sent les mélancoliques regrets et ces cuisans désirs dé révoir ses foyers, préludés trop or- dinaires^ de la: maladie. Que ceux qui en ont ledbtoiit'aâièrit de préférence s'acclimater dans les habitation^ rurales , au milieu dès cihamps, des (^77) Jteshois^ de9 prés., des eaux yives, à travers ■ces. salutaires Tégétaux». . Ecoutons encore à ce sujet le père Labat pendant son séjour à Saint-Domingue 9 en 1701 / époque où cet établissement n'avait cependant pas soixantp •ans*- .,..".' ■ •' « It n-j a^idit-^il) que lés chasseurs qui vivent dans les bois qui soient exempts de ma- ladies. L^exercice qu'ils font, le bon air qu'ils respirent ^.conserve leur embonpoint et leur •santé; mais ils doivent bien prendre garde & eux quand ils viennent dans lés bourgs ,. et n'y pas faire, un long séjour*^ car ils sont plus susceptibles des maladies que les autres (i) »k 1% déjà le séjour de ces bourgs naissans , bâtis ; de . cabanes en bois , était dangereux pour lî3s 'Européens ^ que ne doit donc pas étre;Calui des villes actuelles de ces colonies , construites en pierres et pavées de pierres ? Ce qui reotdait aussi funeste aux chasseui?s le séjour des botirgs , c'étaient les excèsdu jeu » de la t^ble et des femmes , où ces espèces d'hommes sont plus particulièrement sujets. Le père hàbflii convient que déjà c'était mémç pour les colons établis une des priiacipalQi (1) Nouveaux Vopgcs aux ilea^ toii^e j., ç. apSr - I. ' M ;(.'7S') caHsel de leurs maladives. « Uee de '• cSleè 9 mjocrte*t-il ^ à laquelle il tt^esi pas si f slcâïe d-ap- popter da re^de » c'est Tintimipëràttce et 4bouche et les débanches qui se fonU&âos Ife pstfs^y- tout l6 mbndq veutniang^ beaaxcdofKv et boire eneore mieux. Ceux qui sont ridifis éc piquent d^avoi^ de grosses - tables *: 2l^ boi- tât et itia»gent avec excès, peur liftifâlioire M^iiIKtiiger dfettic <}uHs ont- côûviés, sans se imhétiii^ quedcÎM tes ]^ays dunrds 'etlit^nii- ^6s , dû l'air est ëpaifrèl^rossier ^comiAe oéL^r^ là.ott ne peut être à'dpi^ar ses ^arUes du car té de nfitempérahce..j.«. Quand donc un qmps 0t iw^p^ sùrcbar^é ^'aIiraeil^i^ piéiii;:^^»- cëHeïlè SuiA et trèl -^ âèuti^issatis ^ ocèoflfpa- ^tiesdë vins dé tôi^ték fâçods, et de-tmiteb Utiiëd de liquetirs^^ èlins élre aidé d^auctm éKétcii^è j qùfe iîéltii du jeu , qui «fe iAJit>qti'é* ebàuSb^le sang^, ef mea^ë k biiéetl'es tiu^res IraAâMRîl^ dans un niouvëiâeât irfotent ^t de^ ré^ié,que pèut-on espérer, qu'une com^tfoé âetotitëla mâs^edûsdiig? Uneêoê^latton.^ éës àis'MïcBions et dès indigeHiofi^ âifsnui*^ idhtêSy que toute la hiédtBcine ^'y-^Utap^ libi-ter aucun i;emède On réside iSib t^mn^ uieueeuient , mais cela dure-pett^ les-plus robtiitçs sdutiehflent davantage, et pttis ils ( ^79 ) ûtii^ônl plus promp Cernent . Les {i)qs f9^§% septent plus tQt les spites de leurs (Jésprdbe^ ^^ se corrigent quelquefois un peu^ trai^^r^^ plus long^tpmps Une 11^14 lang^issa^tfi..^^ ennujreuse j et enfin ^ i^s prenwnl^ àouf 1$ iflé^c cheffiin » {1). j) La tempéra née., dans i^gs cUoiatç moc[éi?és^; iM semble être qu'une yestu de: pnéyOjauqe.» loqg-teuips souvent ou Ta^ diélaissée sans j^ai ressentir lese^ets ; ce n'est trè^ordiuaireme^ q«e dans Tâge àv^^ncé y ou le cortège di^s îor; firmités vient punir le9 bapnoues d^ leurs p^^ pris pour çUp. , Jffai^, diaps les «plonifiç , M yengeanç;^ esj; tQi|}pi;irs prompte et te^r^l^ L'européen, ne ^a^amit dooo trpp se péaélvfU) de çcis idéfç^^ i^ ». , après s'être aeelisiaté , Jl peut insensibleQaen.t so}^^ du régime au^tèsâ qp'U s'ét^t inip^^é^ il est tou jon»s de^ boti^es qu'il ne franchira jamais impunément ; qu'il les çonujaisse .pQqrlçs r.espeçtçr, tpf^Éfurs ; cjpj'il étudie donc ■^. A ' cet égacd ^ SAn tempévan ment: non pas qiié je prétende le rendrà esclave de minutieuses pfatiqties: cei n'est pas cbez ces hommes timorés, ''d'ùé la santé vient établju: son dom^cil^;' iqe n est point ^ » .' • i.i ■^ ■ ■ ( t8o ) eu% qu'eUe ré^rvé une longue et sereiiïe earrière : c'est poor celui qui , ami de la joie- et • dés plaisirs purs y tempère de longue jÔQiain son sang par des inclinations dôueeà f ci^lui-là petit quelquefois s'asseoir au mi)i^ de ses amis, et, dans les épanchemens du cœur , savourer plus longuement les plai* airs de la' taille. La tempérance est fille de la laature y comme elle est en nemie de la mono- . tùmie. Qu'on me permette 'de raippeler deur exemples trop frappans du bes6in dans Ifes colonies de cette- modération jusque dans les affections de Famé v^eiênle -les plus épurées. tJn grand nonibre de geW dé lettres ont connu à[ Paris > avant la rétolutioti^ Tatiteur de -la Galerie des hommes UlusCtes . M. Im^ ieri, comre de ta Platière{^)^' - ' Cet homme, ttaiment extraordinaire , fai- * ■ ■ > ' ' (i) Il ne'fanl j^ confondre ïivbc Imbert de la Ha- tiëre Roland *dè la Platière, éollaborafenr de VEncy^ elopédié méfhailiquê, puis mtnistre>.et victime delà, révolution. Les mé^çûres de la i^mmd.-dfe ce minijBtbce^ écrits pendant qu'elle ëtâit en prison.; continués après sa condamnation à la mort , seront un des mpnivnensj les plus remarquables de l'énergie que la réToTution avait donnée aux caractères , même' à celui des fem- mes. Je ^regrette d'y trouver la censwe aaère de per* / (i8i) sait ou faisait faire 9 par souscription^ le plus mauvais ouvragé qui existât v et le faisait |>ajer plus chèrement qui'iiuGune production ne Ta jamais été. Ce qui ajoute au merveillenox âé l'auteur , . c'est que , n'étant pas en- état d'écrire une page du livre qu'il . décorait ide ^son nom^. il faisait faire ses vies par' difi&- iz«ns apteurs qu'il ne payait pas; ses gravures, 'pàr de misérables artistes , qui' ne recevaient que des promesses de protection ; les maif- chapds de papier étaient nourris de l'espoir dé leur faire faire Je grandes -fournitures ; pour ses imprimeurs^ il se faisait donner en avance le nombre d'exemplaires dont il avait besoiib , et; leur laissait le reste en gage. Une figure agréable , ouverte ; de la vivacité , de la gaîté ^ , jdes saillies; l'art de cap tei^ par des manières : affectueuses !y înéme par des airs dé hauteur, tonnes qui ont pu être faibles , mais, dont le cœur a éle pur. Dans une révolution où toutes le^ passions exaa* p&ées avaient fait méconnaître la raison , quel est celui à qui on ne croirait pas devoir. reprocher d'avoir trop fait ou trop peu fait? Et si la haine avait dû s'éter- niser contre tous ceux en qui on iSrOiivâit à redire dans la conduite révolutionnaire , les Français auraient con- tinué à se détruire, jusqu'à ce que le dernier n'eât fias eu de victimes à sacrifier à S4 haiae* :( l82 ) -iid gagnaient les uds , en imposaient aux aa- jtre^. Ilintéressait les grands elles, amenait à (ftes souscriptions pécunieuses , en promettant jmxuns une nouvelle illustration de leurs irnchns par ceux de leurs aïeux ^ qu'il allait q^lacer dans sa galerie. Il flattsdt les autres -de la gloire d'être inscrits sur la liste Jie ses .souscripteurs , parmi les premières personnes :de Tétat ILalyait ^n même tetnps obtenu de. •la cour le plus grand nombre dets souscrip- •liops alors d'usage ; parce , qu'ayec les airs d'un important il persuadait aux eourtisai](s tque son ouvrage était natiqual, et qu'^étant .&it par un. hômmb comtpe il fâut-^ il avait ji'^autant plus de . droit à la munificence pii-» oblique. . Avec ces rares talens ^ m; Tiubert^ comlQ ,de la Platière ^ menait à Paris le. train d*un jeune seigneur. Sa parure était recherchée^ ■ses meubles somptueux ; il avait des tableaux de prix y des bijoux , des maitresises y des.... etc, ïia révolution tarit les sources de ce Pactole ; et il obtint enfin du gouvernement , une place de secrétaire de préfecture de Vîïe de la Mar- .tinique. M. de la Platière ne devait guère être propre à ce genre de place. Sa vie dis^ sipée et intrigante ne l'aTait pas mis à pqrtée ( x83 ) de çpnDaUre les affaires : son caractère, jiç* f^onatant > des pa$sioi)$ ardeptes, de$ gi^ut^ déréglée (St frivolçs xie I^iistàaiçnt |>as plq^ 1]^,^ poiç;qi)'Upûts j fortnçif,, qu'il pqt^'as^ujjçjtçf auiL larmes sëdies et ja^çpotopes de Ji^'.tigt reaucraUe; qu'il pûti^^çr por^tdmiDienltçpiiT mis aux ordres supérieurs. Aussi se br^ijybr t*il bientôt avjec des i^rspnnes cop^idjà^a- bles; et les choses devinrent telles ^veo.j[a pcéfet, qu'il IVt obligé de quitter sa plap^^ C'était peu de temps iivantmon arrivée à cette colooie.. Quoique d'uip tempérament 4$^^ saoguîft, mais agissant, B>aig;re, él^çéM ibl>fe, car il Dfi buvait 9 même à JParifi^!,qiri de l'^àQ ,' û avait cops^ervé À la Martipiq^^e sd santé, au milieu de sçs agitations,. Iii$'Qti4f même, dans la suite, ^r^é^k h ç^m^O^tw» d'un .0)ïYiîage, dont ceu^ qpi ont paiQôoi!il le seul eicemplaire sorti du pjagasin de! L'im^* primerie , n'ont pu me dire le su jet.^ Le teknps de ce genre de ressources inépuisables poup lui n'était plus alors ; et Ja Martinique , .parti* lièrement, n'est pas méipe un. théâtre propre à d'autres talens que les: siens. Un jour que , dans cfes circonstances , il avait eu avec le préfet une scène violente, il alla dîner à une campagne voisine de la ^ ( i84) ?îUe de Saint- Pierre, Tout émti encore de cette scène p échauffe probablemeut aussi pafr la marche qu'il avait faite à pied , il se Rrra- de nouveau , en la racontant , à un tbl^ degré d'emportement, qu'une fièvre ar-* â^tite le saisit , et l'emporta d^ns les vingt* ijuatre heures, "^ Son épouse, sur ces entrefaites, était par- tie -de France pour le rejoindre, EUe arriva à' la Martinique , ignorairt et sa destitution et'Sla mort. A ces nouvelles désastreuses, elle tOi»fba' dangereusement malade. La eompas-» siv^n lùiprodigua des secours qui la sauvèrent* Pètidant sa convalescence , on lui eonseilla des |itromenades matinales. Il lui ami»a un \(&ûv de les prolonger plus loin qu^à L'ordi- Aaipe.'Le hasard la ooinluisit sur Phabitation si fatale à son époux j un plus malheureux ha» sard le lui apprit. Toute sa douleur se re^ veilla ; et en proie aux plus violens transports^ elle termina elle-rméme , après quelques heu-' ces 4u plus affreux délire , ses jours , par ubç mort plus tragique encore que n'avait é\é ççUe du malheureux la Platièret V. ■ ■ ' m i i i85 ) ,ti\,., i.. t . I ' CHAPITRE XL MOKENS de présenter les Troupes des Maladies applicables aux particuliers. Doit T -ON donc s'étôiiner que les militaires Isembïenl être, dans les colonies, des victimes 'de prédilection. Leurs passions plus exaltées , leui*S éicës rë|iiètés,deis alimens salés et échauf-' fans, des exercices immodérés, entremêlés 'de'*tiH>^ d'inoccupation, les épdisémens de ï'iiicotilînence ; des logèmens mal situés et mal disti^ibués , cÔnèoui''eint à-la-fois à dépeupler les garnisons coloniales; jamais léis batailles les plus sanglantes ne letir ont été aussi funestes qu'une année, ou même que quelques mois de maladie. H est cependant pour des hommes si précieux à leurs familles, si chers à l'état, puisqu'il en coûte tant pour être formé , disci- pliné et transporté sur cet autre hémisphère; il est , dis-je , des moyens qui pourraient les dérober à ces fléaux > et ^cependant trois à ( i86 ) quatre siècles d'expérience n'ont pas encore £xé assez l'attentibn d-'ancnne nation euro- péenne pour s'en occuper efficacement. Aucun médecin, aucune administration , au- cune société savante n'en ont fait l'objet de leurs recherches et de leurs méditations. Le hasard, l'aveugle hasard^^tla fatalité des cir- constances décident du sort de chaque. guer- rier, comme de celui jjl'iin particulier isolé » diminuent ou augmentent le nombre des vic- times. Aux ob3ervation& précédentes, j$ vais en ajouter quelques autres qui les concernent spécialement. Peut-être serpiU-elles W smJ€!t d'émulation pour des hommas plus in^truit^ que moi. Le choix d'abord de$ militaires eo^ojé^ dans les colonies n'est point indifférent,, et i} y a plus que de l'imprudence de transporter en masse un régiment ou des portions iuté* grales d'un régiment. On doit encgrç pUi^ craindre, dans cet état, pour ceux d'une com- plexion tout-à-fait sanguine, qui $0Qt ramassés, épais , charnus dans leurs proportions ; ceux aussi dont les passions sont trop ardentes^ et emportés, intempérans surtout pour Ip vin et les liqueurs. Lorsqu'il arrivait autrefois de prélever dans les différens corps de troupes / \ (i87) 4es homùkeSy pour en faire des corporations- i^loniales , c'étaient ceqx-là parliculièrenaeiit q.u*OQ éhdisissait , tous ceuk qu'on appelait les ixiauTàis$ujéts[ ; et c'étaient ceux qu'il aurait iallu surtout exclure. Le choix dès offîciers- e^t non moins. ifKiiportanl;ili^ doivent servir 4 exenarple' à Iteur^; inférieurs , et encore ^ par leur douceur el leur soUicîtu^e , dissiper ou adoucir ôes ch^rins d'être si éloignés de la irière patrie., d'où naissent souvent dans leà wrps désiihaladies. contagieuses qui les dé-r peuplent^ Mais' qu'on se garde surtout de lè*ir donner pour cbefs de ces jeunes et ^^* ^eux colonels , qui , inattentifs aux ^esaii» intérieur* ;dti soldat, aux mbyen^ d'améliorer •on sort^ et bifcn moins ipàX^ la Ascipline et la mantaeévre, que par.Wprice ou par une Taniteùse" gaknteriî? , harcèlent sans cesse leurs régimen.«) d'exercices, de revues, de parades, ài'es heures et fcn dei lieux incon-' venans^ ^ui, aussi frivoles dans les modes, ppdr la parure de leurs troupes , que pour celle de leur personne, ne consultent ni l'économie, ni le climat, ni les soins pro- longés qu'elles coûtent au soldât Leur nourriture , pendant la traversée, , dodt avoir le dpable but de conserver Içur , ' ( i«8 ) santé durant le voyage, et de les préparer air changement de elimat.Ilfaatdonc, autant qn'ii est possible, empêcher leur sangde s^échauffer^ radoucir , et au^rmenter sa fluidité. H est im-^ portant , d'abord , que le biscuit qu'on leur destine ne soit pas aigri pour être trop levé ; ce qui arrive ordinairement, afin de masquer le vice des farines de mauvaise qualité. Je ne sais si je me trompe : mon opinion à cel égard , est que le biscuit soit à l'inverse du pain , toujours médiocrement levé ; il est alors plus doux , plus friable que le biscuit ordinaire; c'est ainsi qu'en usent les Anglais et surtout les Américains: ses parties , plus sôlubles, le rendent moins échauffant , et d'une plus facile digestion ; et quand même il serait vrai qu'il fût moins nourrissant, ce ne serait pas alors un mal. Je voudrais pour les troupes sur mer , d'amples provisions dé légumes , de choux fermentes ou choucroute , et surtout de pommes de terre : leur subs- tance douce , aqueuse , légère ^ les rend alors plus particulièrement^ bienfaisantes ; cuites simplement à l'eau pour être mangées avec les viandes salées , elles en corrigeraiem l'acrimonie ; et je ne doute pas que le grand usage qu'en font sur mer les Anglais et les -^ ( i89.) Américains né leur soit très -utile sous ce rapport. En consommant davantage de cette plante si productive , on consommerait d'au- tant moins de ce froment ^ si long , si pénible^ BÎ dispendieux à cultiver. Si le riz n'était pas une production étran- gère à nos colonies y et» par conséquent, trop chère pour nous , ce serait un des fa* rineux dont je conseillerais plus particulier rement Fusagesur mer et dans les colonies , jaon pas cuit et délajé à la manière des Pa- risiens (i). On né devrait pas non plus donner sur mer aux troupes du vin pur ; il faudrait qu'il fût mélangé- -d'eau , et que ce mélange se fît pu- bliqqement sur les ponts , en présence des :officiers. Les besoins de propreté , d'exercice et de dissipation sont trop connus pour qu'il soit nécessaire de les rappeler. A leur arrivé, faites qiie d'abord les pre* mières impressions qu'ils recevront de ces nouvelles régions leur soient agréables y elles contribueront a leur faire aimer ces lieux , à les ipréserver des maladies de langueur > nées de Ji'éloignement de leur pajs natal ; mal que «u* (0 Vojrc» èî-aprë9 art. rit. ( 190 ) la vue seule propage parmi les froupès. Ne leur faites reprendre leurs exercices, qu'avec précaution y et redoutez, alors autant de les fatiguer que de les attrister. Mais parr Jnès européens et les productions fktk pajs; qu'ils j aient des ignane^v du manioc ^ des «patates, des banape^, du Biaïs> êtcç ces lé- '^mes et ces diverses productiènsleur sesoat id!autant plus: :ag1réables , qu'ils Jeuiîdevroût ' à leurs soins ; ils deviendront - une partie de leur nourritiite y ^ corrigeront les ' mauvais «ffeis. de leurs .viandes salées , de leurs bi»- cuits et de leurs «fariaes: échauffées : s'ils o«t :du. surplus , . qu'il leur isoitjnéine iperàais de le vendre. JjOiiiez, caressez, liecoinpensci^ oçux qui èultiveronf; mieux^' qUi .feraqt pro- .duire davantage : des JbQ.^ffîies acjijs et kbo- rieux seront toujours ,de bons soldats; ils seront alors véritablement acclimatés pour» supporter les fatiguas «t les privations dans, là- g^ijettë : votM tetir ftarez fait contracter, pbtkr Tàteni)* Tbabitude et le besoin du tra*- Vail; vous en éufeÉ fiûl de^ agriculteurs , oa ^ùtït h[ tnétt^polê ; ou méïne pour leisi cdo- ïlfè^'j pourquoi ne les peuplerie2 - tous pas aih^t^'Që serait tô«te Mtre chose que ces in*- AiHtidéi^ de Vos villes , que la misère et la <)èbâttclie enlèteoft à iiesure qu% y arrivent ; il- Vloûs iséra alors bien- plus facile de prévenir fes troupes des excès des femmes et des H* <^eurs fortes .* à tous égards > leur santé se fbtti&tr^. Les producflions indigènes^ aux cfifhâts qu'on habite sont toujours les plus saltibrés ; ainsi l-a voulu la nature y dans - ses Idmârâfole^ plan^ d'économie. Gôm0ënt s'y sont conservés ces aucjboieux aventuriers qui ont fondé nos oolomes ? pé« laissés de leur patrie , méconnus d'elle, ils n'avaient ni vin, ni farines ^ ni saiaisoâs. Les banatte^, le manioc , les fruits et leur chasse suflftisaient à leur existence; et avec ces seuls moyens, ils faisaient des courtes sur mer, sur terre : pendant des marches forcées, ils livt^aiênt des combats, soutenaient ^a faisaient Û6% «iéges, et en méfne tiftmpsils pénétraieiirt ( i9« ) dans les forêts pour j poursuivre le gibier ; ils en abattaient les arbres , en défriichaient. les places 9 j faisaient croître le tabac , le. coton, le rocou, etc., et préparaient- ces denrées pour les vendre aux Européens, jf^n, milieu de ces dangers renaissans, de ces courses exténuantes , de ces travaux excédans, ils cpn«: servaient leur santé. Les maladies du .climat leur étaient inconnues ; ils ne les trouvaient ' ..... ..^ que dans les excès des liqueurs européenne^et ^ dans Toisiveté familière aux bourgs. Dites, .co- lons efféminés, qui répétez dogmatiquement que le travail dans les colonies n'est point fait pour les blancs ; qui vous en offensez quand on ne paraît pas être de vojtre avis; dites si^ les hommes d'alors , d'oui plusieurs de. vous sont issus, n'avaiept pas plus de peine » plus, de fatigue que vos propres esclaves : ^s avaient contre elle le grand remède , la. propriété et la liberté. . Il est donc vrai que l'activité, la tempé- rance J et pour alimens Içs productions da pays , sont , dans les colonies , les premiers moyens de soutenir la santé. En conservant s^insi ces . militaires si prér cieux , l'état diminuera pour eux ses dé^ penses;. il aura moins de frais de transport (ï95) pour ces comestibles , et moins d'embarras pour leur subsistance dans les temps de guerre. Qu'on ne dise pas que ces occupa- tions des troupes nuiront à leurs exercices : et de mémorables exemples ne nous intrui- sent-ils pas que ces nombreuses légions usées par le maniement des armes se sont dis** persées comme la poussière devant nos inexpérimentés conscrits? L'élément de la valeur du soldat ^ c'est Tame; et celui-là seul a de Tame qui a une patrie : rattachez donc sans cesse le soldat à elle. Dans les colonies ^ les casernes doivent être spacieuses , bâties sur des sites aérés , et entou- rées de galeries qui' empêchent le soleil de darder ses rayons sur les murs et de pénétrer dans l'intérieur deslogemens.Ges galeries ser- vent en même temps à rassembler les soldats durant les pluies et les heures de grande cha- leur : ils s'y dissipent y ils en font comme leur atelier de travail j ils restent moins renfermés et couchés dans leur chambre, où ils respi- J» ■■■■^■■^— » I ■■ I I I ■ Il w (i) Que sont devenues les armées menaçantes de ce roi du nord , dont les ministres répétaient santf cesse f notre gouvernement est militaire ? Ce ramaâ de tontes les nations de ces hommes sans patrie n'est plus qu'un songe, I. W y ( »94 ) rent on air plus épais , plus échauffe, et où ils se livrent à la mélancolie : que surtout ces ca- sâmes soient construites de manière que les logemens y soient simples et non pas doubles, que , percés aui faces opposées , ils puissent être continuellement renouvelés et rafraîchis par des courans d*air. Au-dehors dés casernes, ménagez de spa- dteuse plantations; que sous les ombres ra* fraîchissantes de grands arbres, les sofflats puissent sans cesse s^ rassembler, faire leurs appels, leurs exercices, s'y livrer à des jeux, y prendre même leur repos : encore une fois , moins ils seront dans leurs chambres, mieux ils se porteront. Il est à désirer qu'il y ait non loin d'eux des eaux pour se baigtier; rien n'est plus {)ropre à tempéreç la chaleur du sang et rirritabilité des nerfs ; mais , pour cette der- nière cause surtout, craignez que ces eaux he soient trop fraîches et trop crues ; elles seraient particulièrement funestes à ceux qui, n'ayant pas l'habitude des bains, ont la peau plus sensible, et par conséquent plus suscep* tible de se contracter et d'arrêter la transpi- ration. Il faut à ceux-ci des eaux attiédies par le feu ou le soleil, et ce n'est que gra- ( igs ) ^uelietfierrt qu'ils peavent 'jirehdre Vhabitûdé de se baîiSrner dans lès éâu'i fraîclies. ' "^ Les vêrëmerts des ^oîdiafs doivent ètrç légers, âîsës, éb théine^' Hémps âsSéz chauds -povti feS ^arttûlii* dès sierèUni^ et dés fraîcheur^* dès nuîfs. l'EtJ^dtiéeii sy^^Bfeè'à ièdécôuvri îriiptttî éîilentf ait/j^re dé sos crf^S^f cfédses modes ; flin^éri éS/t ^s'Jlè mêtiïë' diï "Soldat dans le^ éoloniès^. Cônifcîéri dé ce^ malheureux ont été i^ictiméi' de eèà habits éch'âîiè^és bizarre potir*lâ'bt>iiné'gra[cé , diMi-ôîi, qui leur laîs- SJàiiBOt'ÛTC ][jfiàWîè'du corps à découvert ! Coip* bîién j^ètit-êtr^é pltts encore ic[UÎ, serrés dan§ des fuistàticbi^pis ioù le sang* • dilaté ne peut gôûfleirïès vaisseàtik/Vétéildi^e' jtlsqu aux bras' engaihés datts ' d'étrofttei àlâiiçlies^ jùsqu^ux: cuisses, àxtit jambes , aux! pieds, que des. culottes J dfes' pantalons , des souliers compri- ment pont donner des fdi'raies élégantes! coinbiën, dis-jè , dfe ceux-là 'dont lè'sang dilate, se refoule alors vers le cœur pour les frapper subitement de mort, ou allumer en eux une dévorante fièvre , qui ne- retarde la mort que pour la rendre plus douloureuse ! Ces élégans mais lourds chapeaux sont aussi pour le soldat des colonies , de dange- reuses parures. Le$ vaisseaux comprimés r ( »96 ) par leur poids ^ ces longaes cornes qoi les embarrassent, sans les abriter da soleil, les exposent durant les exercices , les marches , k des coups de sang souvent morteb , ou avant-coureurs de maladies qui le sont tou-* jjours. Il est donc important que la coiflPure des militaires soit légèrcf , flexible , de forme très-haute, pour laisser entre la tête et le fond assez d'air qui tempère la chaleur , et qu'elle soit à bord rabattu. Peut-être ces chapeaux pourraient-ils être de paille, tels que des particuliers en portent dans les colonies; j'en ai porté moi-même : ils seraient ^onomiqu^ , plus frais , plus légers ; du moins iU pourraient être en usage pour les troupes qui ne sont point en campagne. Ce que je dis ici n'est pas étranger aux, jeunes gens qui n'appartiennent point à l'état ipilitaire , mais qui ne sont pas moins volon- tairement esclaves de nos inconstantes et. bizarres modes. / ( 197 ) CHAPITRE XII. Moyens généraux que les gouvernement dowent employer pour concourir à détruire les germes de ces maladies. JDavs cet exposé sur la cause des maladies des colonies» sur leur siège » sur leurs effets , sur les divers moyens de les traiter, j,'ai voulu éclairer les voyageurs européens , arrivant sans les premières notions des dangets qui les menacent y sans guides pour s'y diriger» J'ai voulu éclairer même les créoles y qui , pour être nés dans ces climats y n'en connais*^ sent guère mieux les effets, en sont eux-* mêmes les victimes journalières. Mais, ami de tous les hommes, de tous les peuples, }'ai surtout eu en vue de provoquer la surveillance des gouvernemens pour préparer de longue- main , par des institutions , par des lois , par des réglemens de police, les moyens universels de les prévenir, d'en efface^ jusqu'aux traceSk. r Que particulièrement ils développent donc davantage leurs villes ; qu'ils en élargissent les rues; qu'ils en multiplient les places; que les maisons j soi^i^i t îmédioçriémjMit élevées , bien percées; que la vigilante police s'exerce jusque sur leurs . distribati^fi^ intérieures; que les derrières na soient poÎRt emcpinbrés de hideuses bâtisses qui obs^jr^ept l'ajli: , qui entretiennent une bumidité putride ; que partout des arbres o mbreu x couronnent leurs toits ; qu'à chacune d'elles des jardins , où il soit défendu de bâtiv, rafraîchissenl et purifient l'air qui .les environnent y par de^ émanations végétales ; qu'au-d«hOirs de^ hos-^ pices de bienfaisance pour lés pauvres f soient spacieux- et aérés; que kid personnei isiisées trouvent ^dM-des n^aisons^ d^^anté 1^ falubrité, les commodités, la ^Bllêi^nt ^ iogemens éeonomiqn^s soient e» même teâip^ sur dés sites sains; consacrés au)c fimiilleA arrivant pour s'y acclimater^ s^ disposer sani trop d'imquiétudes aux genres d'établissémefis. pu elles se destinent. Qu'aux approches surtout des séchei^sse^ 6t des chaleurs, les précautions redouMent pour la salubrité ; que des eaux plus abon- ^ftç^tes se dispersent dans les places e^ les rues , ( *99) eu du moios les arroseot f que l6$ babltan» eux-mêmes, parûculièremeot ceujc des con- trées auglo-americaiQes, se préparent auic épreuves de ces nouvelles saison^ par plus de tempérance ; qu'ils fassent davantage usage de végétaux et de volailles» et diminuent; celui des grosses viandes , des s^aisons surtout; que les excès des boissons spiritueu^es soient plus particulièrement alors réprimés ; que le^ ministres de ces religions si diverses dans leurs dogmes et leur rits n'aient plus qu'ua même sentiment y qu'une même pensée ; que tous à-la-fois fassent retentir leurs temples de menaces contre les violateurs» des lois d^ la*tempérance ; qu'ils leurs montrent la mort menaçante prête à les enlever à leurs pères*, à leurs mères , à leurs enfans , à leur épouses , à la patrie ; qu'ils multiplient leurs conseil^ jsur les régimes que ces saisons leur come- mandent* Qu'en même temps les affaires sus- pendues, les cours de justice i^ipurnées, Içjs .spectacles et les lieux de rassemblemens iur terdits , forcent tous les citoyens à aller aux champs, séjour du calme, de la paix et de la salubrité. Ainsi , ces moyens réparateurs uev^ traliseront dès à présent les germes^ du plus grand des Qéaux des nations modernes , et les ( ^^^ ) détruiront radicalement pour l'avenir ; ainsi , chez toutes les nations , la grande somme des biens et des maux est toujours le produit de la sagesse ou de Tignorante incurie de leurs gou- vernemens. Les dépenses pour ces mesures , des concessions ou des rachats de terrains j)Our espacer les villes , y former les établis- semens nécessaires à ces vues, pourraient- elles être ici des obstacles à leur exécution? Mais ces hommes qui vont se fixer dans CCS lieux, ces familles qui vont s'y multiplier, ne dédommageront-ils pas au centuple, par les denrées qu'ils vont fair naître, par Tindus- trie qu'ils vont vivifier , par leurs consom- mations croissantes ? Si l'institution de tous les gouvernemens, si leur devoir le plus sacré n'était pas de protéger paternellement ceux qui leur appartiennent , en quelques lieux qu'ils soient ; si les hommes ne pouvaient être pour eux qu'un objet de sordide calcul , je leur dirais : où placerez-vous plus usuraire- ment vos fonds ? quelles dépenses peuvent vous ofirir d'aussi immenses profits ? Voyez- en la preuve dans la seule ile de la Mar- tinique. ( a<>» ) i*««M CHAPITRE XIII. PelU nombre iP hommes qui fondèrent , avec peu de moyens ^ la colonie de la Martinique. Richesses dont ils ont été les créateurs. JD'ÉNANBUG j gentilhomme njormand y est avec raison regardé comme le fondateur des colo- nies des îles françaises et de celle de la Marti- nique. Cet aventurier, après s'être signalé sut les mers par diverses actions d'éclat , vint , en i6a5, commencer le premier établissement à Vile de S.-Christophe » accompagné au plus de trente ou quarante hommes , reste de soixante qui, avec quatre pièces de canon avaient soutenu un combat contre un galion espagnol monté de trente-six pièces de canon et de quatre cents hommes d'équipage. Sous ce chef aussi sage que courageux, cette petite troupe s'accoutuma d'abord à vivre des pro- ductions du pays , gagna tellement l'aiFectioB I 203 ) des Indiens , qu'ils aidèrent leurs nouveaux :ïfcoies4 des défriebemees oè ceux-ci recueil- lirent en peu de noois de quoi charger de tabac le navire qui les avait amenée. Après que d'Enanbuc eut fait approuver cet établissement du gouvernement^ et que, pour obtenir de plus grands secours, il eut fait former une compagnie qui eût la pro- propriété de toutes les îles où Ton s'établir^t, et après divers autres événemens heureux et malheureux, d'Enanbuc descendit à la Marti- nique en 1637, c'est-à-dire il y a cent soixante- dix ans, pour y fonder une autre colonie. Cent hommes agriculteurs et soldats, appro^ -visionnés d'armes, de munitions de guerre, ^'instrumens aratoires > de semences , de quel- ques objets de traite pour les Caraïbes , furent les seuls moyens avec lesquels ce chef entre- prenant acheta des Indiens la Cabester (1) de la Martinique , bâtit un fort qu'il revêtit de palissades à l'embouchure de la rivière de Saint-Pierre , construisit des maisons , défricha des terres, fit des plantations de manioc, dé pois, de patates, de coton et de tabac. Ge& »e^ (1) "Cahester signifie partie de l'île au Vent, Basse^ ^Tifrre signifie partie de l'île bous le Vent., ( ioi ) travaux s'exécutèrent au milieu de nations qui obligeaient à aii^e surveillance continuelle^ $ùr un terrain couvert d'arbres énormes , in- festé de reptiles et de serpens surtout , l'eflProi même des sauvages^ par leur venin y leur gran^ deur et leur audace. Quelques particuliers , encouragés par ces premiers succès , vinrent augmenter l'établissement; il était cependant contrarié dans ses progrès par la compagnie propriétaire des îks. Cette compagnie , com- posée de courtisans et de financiers ignorans dans ce genre d'établissement , crut qu'en multipliant ses ageo^s et ses comn>is , qui se sur- veillaient pespecliven^nt , elle ferait arriver plus intacts les immenses produits qu'elle se promettait Mais il lui arriva ce qui arrivera toujours à tout gouvernement et à toute ad- ministration qui veulent tout faire pour tout avoir et pour être maîtres de tout : c'est que cette multiplicité d'agens augmenta les em-^ barras de la gestion , multiplia les abus et les déprédations , opprima et découragea les oo Ions, et devint en même temps si onéreux^ que les dépenses surpassèrent toujours les recettes, et forcèrent la compagnie endettée de mettre en vente ces tîcs dont elle était pro- priétaire. L'tle de la Martinique fut vendue , j (ao4) compris les îles de Sainte-Locie , de la Gre- nade et des Grenadins , par contrat passé à Paris le 27 septembre 1760 , pour la somme de 60,000 livres ; et afin d'obtenir de toutes ces Iles une somme si modique , la compagnie resta environ deux ans avant de trouver un acquéreur. Actuellement^ reportons-nous à ce que la seule île de la Martinique a acquis de valeur dans cet intervalle d'un siècle et demi. Qui osera main« tenant calculer le prix de son territoire , des édifices de ses villes , de ses bâtimens ruraux» de leurs fabriques et de leurs instrumens? Jugeons combien l'état s'est enrichi dans cette seule propriété : si nous y ajoutons, la valeur des hommes qui l'habitent , des richesses mo- biliëres qui s'y trouvent , peut-on ne pas être surpris de la progression presque incalculable de cette amélioration? Et que n'aurait-ce pas été encore, si cette compagnie ignorante n'eût pas arrêté ses progrès dès sa naissance ; si un gouvernement militaire, fiscal, et de mauvais principes ne lui eussent pas continuellement opposé d'atitres obstacles ? A qui est due cette amélioration prodigieuse, et ce qui aurait été encore beaiucQup plus loin ? à un petit nombre d'hommes /à^u de famille» ( 205 ) qui s'y sont établis, qui n'ont porté que leur industrie : car leurs richesses se réduisent à bien peu de choses. Qu'on fasse présentement le dénombrement des hommes que la Marti-* niqœ a pu posséder depuis l'époque de sa ▼ente; qu'on établisse une reparution sur chaque tête de la richesse que chat^une d'elle aproduite l'une portant l'autre ; que l'on mette aussi en compte ces riches produits annuels depuis cette époque; alors chacun de ce9 Kommes se trouvera avoir enrichi sa patrie de richesses foncières et mobilières , dont le poids en or excéderait peut-être le poids de sa personne. Ëst-il donc de spéculations plus lucratives que celles du produit des colonies ? En est-il où l'homme^ sous le rapport de l'intérêt y soit plus précieux , où l'augmenta- tion du nombre présente pour l'état une plus belle perspective de fortune? Peut-on donc user de trop de surveillance , de trop de précautions pour la conservation de tels hommes? peut -on craindre les dépenses qu'elles nécessitent? Sous ce rapport ^ oh voit qu'un homme des colonies est plus précieux encore qu'un homme de la métropole , puis- que ceux de la métropole n'ont pas augmenté dans une pareille proportion la valeur du. ( ao6 ) territoire qu'ils habitent , et que même ik ne le sauraient. . L'augmentation d'une richesse territoriale est une augmentation de richesse pour tbu^ les temps à veùir , taddis que l'augmentatif des richesses jnobiliëres est toujours nnw mentanée et de^. circonstance. La richesse ter^ ritoriale et son améliotation doirent donc è^^ préférées à toutes, âtui fabriques, par exemjkêf ' car l'agriculteur fait, encore plus que l'ou-^ vrier de fabrique , produire annnelleDientf bien au -delà de sa consommation et dé>sd^ besoins; m^is ext même temps il donne 'à lâ[ terre pa degré d'amélioration , el"par coiièé^' quent, upe augxhentation desa vatem^ pôtft' les siècles à Tf^nir, ainsi que je yiebs de ié dire; taiJKlis que l'ouvrier de fabriqàe, vj^î ne fait produire que petitement au -dessus* de ce qui lui .est nécessaire, n'amélWÀ^- pas la machine de sa fabrique, ;maîsxîontribtm^ à l'user. L'agriculture est dooc par leur oi^ent les moyens de se loger dans leurs. ri \ ("7> ttoncs OU sou» leurs souches ^ de se nourrir . de leurs débris et de ceux des insectes et des reptiles que leur vétusté sert à faire multi- plier. Que la charrue et la bêche en remuent alors plus fréquemment et plus profondément la terre ; que Tagriculteur arrache avec vigi- lance ces végétaux exténués ou ceux que le afol fatigué se refuse à reproduire ; qu'il ne s'obstine plus à trop entasser suiv. les mêmes lieux les mêmes plantes ; que dans ses champs , la canne à sucre ^ par exemple ^ plus espacée p soit entremêlée de lisières de maïs , de patates , qui obligent à diversifier les labours. La nature , plus énergique pour produire dans les pays chauds, a donné aussi aux races destructives des fourmis plus d'énergie : outre leur espèce p|us diversifiée^ leur activité, qui n'est jamais ralentie par les frimas et les froids , plusieurs sont douées d'un venin assez puissant pour tuer les végétaux qu'elles attaquent, pour causer des douleurs vives au voyageur qu'elles surprennent , et même , par la piqûre de quelques unes, donner la fièvre. Ce venin est sans doute en elle un. mpyen pour vaincre avec plus de facilité de plus forts insectes , et ceux des reptiles qu'elles assaillissent avec audace. Tout périrait sous leurs efforts téunîs , vé- gétaux et animaux, si la nature n'avait avec sagesse multiplié le nombre et les facultés admirables de leurs ennemis. D'abord toute la classe des insectes voraces y celle des arai- gnées , des fourmis-lion , leur font de toutes parts une guerre continuelle ; tous les oi- seaux granivores sont en même temps in- sectivores , et plus particulièrement des four- mis. Les diverses espèces de perdrix, de cailles, d'alouettes, poules communes et les poules d'Inde qui vivent en bandes, qui n'aiment point à se percher sur les arbres, qui se plai- sent sur les plaines, aiment surtout à se nourrir de, cet insecte ; elles grattent la terre pour découvrir leurs nids amoncelés d^œufs (i) : les cris des mères invitent leurs petits à s'en nourrir; le coq, parsavoixaniméCt (i) Je me sers ici de l'expression vulgaire. Toaa let naturalistes savent que ces prétendus œufs sont des fourmis dans l'état de njmphes , sous la forme d'un ver enveloppé d'un tissu blanc filé , comme celui des autres insectes. Sous cette forme de ver , lorsque l'in- secte est prêt à prendre celle de fourmi , on dîstingoe déjà, à travers la membrane déliée qui le couvre, ses yeux , ses dents , ses antennes étendues sur la p-. - . .-x^ ( "9 ) rassemble la troupe pour partager sa proie sur les arbres ; d'autres oiseaux , diverses es- pèces de gobe-mouches, des pics à la langue alongée leur font une guerre aussi destructive. Dans les régions tropicales , des espèces de quadrupèdes , désignées sous le nom généri- que de Jburmillés, ont reçu une conformation d'organes toute particulière pour les détruire encore plus efficacement. Ce quadrupède 9 de la grosseur d'un barbet, couvert d'un poil dur et serré, hérissé en avant, sans doute pour être garanti de leur morsure , ombrage son corps , au milieu de ces brûlantes prairies , par sa longue queue re* dressée et chargée de longs crins. Chacun de ses pieds , armés de trois forts ongles arqués , le défend contre l'attaque même des tigres, et lui sert à fouiller )a terre, à atteindre les plus profondes fourmilières ; il y enfonce tes six jambes et les articulations du corps. Les réri-- tables œnfs de la fourmi sont Aitrémement petits, lisses, luisans. Les mères-fourmis les pondent à la • manière des moucbes *, d'autres fourmis accourent en grand nombre pour les couver , et au bout de quelques jours, il éclot de chacun d'eux un vermisseau de la grosseur d'une mitte. ( 220 ) pne trompe longue d^environ deux -pieds ; d'où , comme d'un étui , sort une langue effi- lée et arrondie qui , s'alongeant dans les four- milières est bientôt couverte de ces insectes : animé à l'attaque , il la relire et la replonge successivement , jusqu'à ce qu'il les ait toutes mangées : il se nourrit ainsi , s'engraisse pro- digieusement en parcourant les fourmilières* L'homme 9 dans sa vie sauvage, est encore uu des enaemis destructeurs des fourmis.. « L'on ne sera point surpris, dit l'auteur de l'His.- toire de l'Oréaoque , déjà cité (i) , que l'ours ( le fourmillé qu'il nomme Osso Hormis quero ) (a) s'engraisse de fourmis î lorsqu'on saura que les Indiens en font leur nourriture^ - — - — — ■ — -*— (i) Tome III, p. 234. (a) Ursus formicariusj parce ^u'il ressemble àl'aarsK. par ses pieds de derrière et par son poil long et hérisçë. II n'a point de dents ; sa langue est repliée dans sa trompe , qui a environ quatre pouces de diamètre au milieu; ses yeux sont petits et noirs, ses oreilles pres- que rondes \ sa queue, garnie de crins qui la rendent large d'environ un pied^ est longue d'environ deux pieds et demi ; c'est aussi la longueur du corps de l'animal ;']es jambe» de devant, d'environ un pied de longueur , ont à-peu- près un pouce de plus que celtes de derrière \ conformation qui donne à l'animal plus de facilité à fouiller. : Wk. (221.) Toute la différence qu'il y a entre eux et cet animal , c'est que celui-cj. les mange avant qu'elles aient des ailes , au lieu que les Ibdiens ne s'en repaissent qu'après que les ailes leur sont Tenues. Dès les premières pluies qui tombent dans les mois d'avril et de mai; après quatre ou six mois de séche- resse, on voit paraître une multitude de fourmis ailées , qui, après avoir pris leur vol , retombent aussitôt à terre par leur propre poids, sans pouvoir s'élever une seconde fois. Elles sont d'une grosseur extraordinaire; de sorte qu'avant d'avoir des ailes , et tandis qu'elles s'occupent à fourrager , elles sont assez fortes pour emporter un grain de maïs , sans que ce fardeau ralentisse leur allure. Elles sont un peu plus grosses lorsque les ailes leurs sont venues, et de la ceinture en bas^ elles ne composent qu'un peloton de graisse. Les Indiens les coupent en deux, et lors- qu'ils en ont amassé une quantité suffisante, ils les font frire dans la poêle , où elles cuisent dans leur propre graisse. Ceux qui en ont mangé m'ont assuré qu'elles ne le cèdent point à la meilleure friture. Je n'ai voulu ni les croire , ni m'en assurer par moi- même ; mais c'est par-là que les Indiens se §^ > • f\. I ( â22 ) vengent des dommages qu'elles leur causent durant Tannée. Elles sortent la nuit de leurs fourmilières ; elles se jettent sur le mais , pendant qu'il est encore en herbe , en em- portent les feuilles , et le maïs périt D'autres fois elles se jettent sur la ^Jujya (i), la dé- . pouillent de ses feuilles , et les Indiens n'ont plus de récoltes à espérer; car leurs dents sont si venimeuses , qu'elles font périr toutes les plantes qu'elles touchent ^ sans en excep* ter les orangers et les cacaotiers , sans que Jes Indiens puissent les détruire , ni par l'eau ni par le feu. U est vrai qu'ils en font périr un grand nombre; mais comme il j en a une multitude immense y ils ont toujours de quoi s'occuper y et il reste assez de fourmis pour leur causer du dommage ». Je le répète , c'est dans la civilisation y dans cet état qui amène le perfectionnement de l'agriculture y que l'homme devient le plus grand destructeur des races de fourmis , parce que ses travaux diligens et sagement dirigés (i) Plante dont les Indiens font de sa graine, pulvé- risée et mêlée avec la chaux de coquilles, un si violent slernutatoire ,■ qu'il les enivre et les met en fureur. ]*s en font surtout, usage pour aller au combat. ( «5 ) pe les rendent plus si nécessaires aux vues de la nature. Les rats parviennent dans les îles à une grosseur monstrueuse , et multiplient d'une manière effrayante sur ces terres couvertes toute l'année de fruits , de grains, de tapt de végétaux dont ils se nourrissent, surtout des cannes à sucres , dont ils sont extrêmement avides. Ainsi ils étendent leurs ravages dans les champs aussi bien que dans les mai- sons , qu'ils assaillissent de toutes parts; ils les détruiraient; si on n'employait de vieux nègres , et si on ne dressait des chiens pour les chasser. Mais outre les oiseaux carnas- siers qui en ' mangent un grand nombre , les serpens et ces mêmes fourmis sont ceux qui les combattent avec plus d'avantage. Quel- ques fourmis ont-elles piqué un rat , il s'arrête pour leur faire lâcher prise; dans Tinstant, d'autres arrivent sur lui en si grand nombre , l'attiiquent sur toutes les parties du corps, avec tant d'ardeur, qu'il périt aussitôt. Ceux des habitans qui , dans la campagne , en sont le plus incommodés , rendent accessibles aux fourmis les lieux où ces animaux commettent leurs dégâts ; alors ils sont assurés qu'elles les en débarrassent promptement. On voit corn- ( «4 ) t ment la nature dirige ses innombrables ageni pour conserver les espèces et entretenir Thar- znonie générale. A mesure que j'aurai occa- sion de m'étendre davantage sur les diverses classes d'êtres organisés que produisent ces contrées, je développerai, par des observa- tions plus frappantes encore , ces vues d'éco- nomie de la nature. I CHAPITRE XV. ( aaS ) CHAPITRE XV. Volcans. Moiitagnts. Leur utilité. La Martinique, aï-je dit, offre partout des Testiges volcaniques. Des fragmeos amoncelés de lave brunâtre ; des débris de pierre- ponce semés çà et là ; des montagnes dont le sommet conserve encoi'e la forme de ses ao- tiqires cratères; des eaux tièdes , chaudes, bouillonoantes ; des tk-emblemens de terre fréquens; tout répète que tette île a été au- trefois le séjour du feu : sans d6ute son noyau primitif n'est qu'un produit de volcan recouvert, par bue longue succession des temps, de bancs calcaires, de couches ani- males et végétales ; et toute cette longue file d'îles est également due à des explo- sions volcaniques. Toutes en offrent égale- ment les traces nombreuses dans leurs mon- tagnes cratérisées, et même encore fumantes; dans leurs eaux thermales , et dans les débris que rOceaa arrarhe à le>irs fUtac$ escarpés. ( 2tà6 ) Toutes paraissent avoir des conununicatîons souterraines. Les plus grands tremblemens de terre de la Martinique ont été ressentis à lu Guadeloupe , comme ceux de la Guade- loupe à là Martinique. Et peut-être aussi que tous les lieux de la terre volcanisée sous les cercles polaires aussi bien que sous Téqua- teur se correspondent. Le trop facaeux trem- l>lementde terre de Lisbonne, arrivé en 176S. 4e 1." novembre , étendit ses secousses au côté opposé de FEspagnc, à Gibraltar, se com- muniqua au-delà de la Méditerranée , au loin 'sur les côtes de TÂfrique ; en même temps se 'prolongea vers le nord du côté de l'Océan , 'le long des côtes de France et au-delà de la Baltique. Il se fit ressentir à la M^»rtimqii^ ^mêooe, oh la ixiér, soulevée à tro» rieppisesi Consécutives, inonda le bourg de la Trinité, Vest-à-dire les côtés de File tournés -vers l'Europe. Ces si nombreux souterrains , ou aboutissent les bouches des volcans, ren- draient raison des ramifications des monta- gnes, qui toutes se tiennent sur la surface de la terre ; expliqueraient comment elles se re- nouvellent et se rehaussent à mesure que le^ vents, les pluies et les eaux fluviatiles les dé- gradent, les abaissent et les aplanissent. : «i. /■.:a*^- ■: :'■: ( 227 ) Ce terme où la terre deviendrait toute uaié, toute nivelée , serait celui de la désorganisa* lion générale ; car ces montagnes ^ par la dzf<« fërence de leur élévation et de leur aspect > propagent les végétaux , forment ces réscr» Toirs de glaces et de neiges qui alimentent ks sources^ amènent ces utiles débordemens pour relever les terres et les engraisser. Ces hauts pitons qui) lors de leur fusion , acquirent paf les mélanges de minéraux cette puissance attractive ^ arrêtent les nues et les ra»«sm- blent pour les résoudre en pluies. Ainsi ^ à la Martinique y plusieurs d'eux et le mont Pelé surtout , au i^rd-ouest de Saint-Pierre , ^'ea-^ veloppent à leur sommet d'un chapeau cb nuages j renouvellent ces pluies fécondantes qui entretiennent les sources vives , et qui rendent cette île habitable aux hommes et aux animaux. Sans les inégales aspérités des mon- tagnes ^les nuées, poussées parles vents, s'arré* teraient rarement sur ces portions de terres isolées au milieu des mers , et l'es laisseraient dévorées sous l'aplomb des rayons brûlans du soleil» Mais les grands végétaux , dont la nature se plait a couronner les montagnes , servent bûsn plus énergiquement à appeler les nues surleurS|SommetS; à entretenir autour p 2 ( "8) d'elles et à leurs pieds la moiteur et là fraî- cheur. Lès* feuillages de des grands arbres qui se balancent dans les airs , garnis de bpupes 9»piraDtes, pompent ces vapeurs pour les faire descendre jusqu'aux racines des troncs , ou les laisser retomber autotsr de leurs tiges ombra- gées. La fraîcheur de leurs émanations, coln- primant Tair , produit sur terre , vers les ma- tinées, ces brises régulières qui poitent la vie ej( la santé autour d'elles. Mais les parties de l'île de la Martinique, dont la cime des montagnes a été ; par d'im- ^ prévoyans Européens , dépouiUée de leurs forêts ombrageantes ., n'ont plus de brises , de pluies , de fontaines et d'abondantes ro- sées. La, nature, attristée reproche à l'homme ses dégradations. DiiFérens cantons de Saint- Domingue , dont les mornes ont élé pareil- lement dépouillés de leurs arbres, éprouvent une pareille altération dans l'atmosphère * les choses ont été si loin , qu'il n'y est pas même resté de bois pour les constructions et la cuisine des colons ; il fallait qtiih en achetassen t des navigateurs Angio- Américains. On voit combien est préjudiciable au plan de la nature la destruction de ces forêts, et des simples touffes d'arbres qu'elle fait ' I '"*^iifc*f'"^.''*"* / \, ( ^^9 ) croître sur le penchant des montagnes , les hommes en sont eux-rmêmes les principales Victimes. C'est alors une calamité publique. C'est donc aux gouvernemens qu'appartient la surveillance de ces bois , qui intéressent le salut de tous. C'est à eux à dét^rpiiner , par de sages réglemens, ce qui doit être vigilam- ment conservé; et confier cette surveillance à des hommes amis de l'ordre , initiés , j'ose Je dire , dans les mystères de la nature. I . i .- v-iA; ( aSo ) CHAPITRE XVI. Utilisions intestines de la Colonie de lé Martihicfue. xjorsque j'arrivai à la Martinique , cette colonie portait dans son sein de dangereux germes de discorde. Plusieurs de ceux qui, pendant la révolu^on ^ l'avaient livrée aux Anglais, étaient encore leurs secrets partisans» et osaient même l'être publiquement : en même temps , les déportés par le gouvernement an- ^glais, pour avoir paru à ce gouvernement, pendant son occupation de l'île, trop opposés à ses vues, venaient de rentrer , après les ca* lamités de plusieurs années d'exil. Ils trou-*' vaient leurs propriétés dévastées , leur mo- bilier volé , leurs maisons et leurs habitations aliénées à vil prix par des bauX/ judiciaires et de dispendieux procès à soutenir pour chasser c^s ruineux fermiers. Aigris par ces maux et par la vue des partisans des Anglais > (230 <{a'îk accusaient d'en être les principaux au-< teovs y ils D€ respiraient que vengeance :> à*autpe part, plusieurs de ces colons, sur- charges de dettes envers leurs c^mmission-î naires, sefnblaient désirer que de nouveaux doubles vinssent éteindre ces mêmes deUieâ , ou du moins les missent à Fabri des pour^ suites. Alors aus^ une sourde lermentatioR Kgnait dans la classe des gens de couleur : on devait reviser leurs titres de liberté ; ils s'imaginaient voir , dans cette révision , des moyens de vexation pour rejeter les uns dans l'esclavage , et faire racheter aux autres u«e seconde fois leur liberté par d'effrayans sa- crifices. L'établissement de quelques nou- veaux droits, quoique légers , étaient encore , pour un grand nombre, un sujet de mécon- tentement. Dans de telles circonstances, il fallait un gouvernement sage et puissant pour comprimer ces passions opposées et leur im- primer, au besoin, une action uniforme. Le gouverneur, M. Villaretde Joyeuse, jouissait d'une réputation de douceur et de probité propre à remplir ce but ; et il l'a en effet rempli , puisque la tranquillité s'est depuis conservée dans l'intérieur de la colonie , pen- dant qu'elle a été menacée au-dehors par l'en* ( 232 ) nemi^ et qu'elle â même montré une nouvelle énergie pour pouvoir repousser ses attaques. Si dans la vie privée le pardon des in j ares est nécessaire , il l'est bien plus dans la vie publique ; et lorsque la morale ^t le salut de la patrie sont alors d'in^puissans secours , il n'y a plus de ressource que dans la force ; semblables à ces hommes atteints d'accès de frénésie, il faut^ pourlçurbieny de venirieurf^ ^aîlres^ 'Krrr. ( 333 ) ■9 ■; CHAPITaE XVII. ff Commencement des hostilités pendant le séjour de V Auteur à la Martinique^ B.eniarf]ues à ce sujet. Son départ de cette île. Xje 25 prairial^ deux frégates anglaises.^ ac- compagnées de quelques avisos , s'établirent en croisière au large du mouillage de Sainte Pierre , et prirent, à la vue de la ville, six ou sept petits bâtimens qui venaient des îles voisines. Ces bâtimens appartenaient à des par- ticuliers commercans et afirriculteurs. Un , entre autres , ramenait une famille qui venait de vendre à Sainte-Lucie ou à la Dominique une habitation , et qui en rapportait le prix et tout ce qu'elle possédait. Ainsi , dans un instant, le chef de cette famille perdit Iç fruit de vingt-cinq ou trente ans de travaux et d'é- cononiie; il se vit, lui, sa femme et ses enfans, sans autres habits pour se vêtir que ce qu'ils ( a34 ) avaient sur le corps ; et déposés sur la terre voi- sine y ils ne savaient même plus où trouver de quoi subsister. Qu'allait devenir cette famille ? et pourquoi le premier fléau de la guerre tombe-t-il tout entier sur elle? Si elle-mên^ fait partie de la grande famille^ doit-elle plus en supporter le poids que les autres ? Ne devrait-elle pas , dans le cas d'une perte par- ticulière 9 être indemnisée par la société en- tière , qui doit la protéger et la garantir ? Quand celte sublime théorie sera-t-elle scru- puleusement mise en pratique? OH ! combien sera grande et puissante la nation qui l'écrira^ li sommation. Ces denrées , ces consommations, auraient été avantageuses non-seulement à leur pays , à. leur métropole » mais encore à Venaemi même ; car les nalioos ont beau i^u- loir, par orguçiU p^r avarice, s'efforcer de s'isoler les unes des autres, elles ne stourt riches^ eUes ne sont florissantes que parce qu elles %mX avûisinées de natiaoïs riches et florisa^ukes* ( 355 ) Elles ne peuvent acheter ce qui leur manque, que parce que d'autres nations le font pro* duire pour elles ; elles ne peuvent vendre ce qu'elles ont de trop , que parce que d'autres nations sont assez riches pour Tacheter ; et plus ces nations-ci seroolTiches^, plus les antres pourront vendre chèrement : où beaucoup d'hommes travaillent et activent l'industrie y là beaucoup d'hommes peuvent mieux faire leurs affaires. Il en est de même des nations entre elles. La miRe de cette famille étail; donc encore une calamité pour l'ennemi même. Que vont devenir ses richesses, qui allaient se déctrpïer dans ses mains? Geux qui les ont envahies par le droit de la guerre iront , sur la pre- miëre plage , consumer la plus grande partie dans les excès de l'ivresse et des femmes , qui, sans doute, abrégeront leurs jours au lieu de les conserver. L'autre partie , destinée pour ces capitalistes qui spéculent surla ruine des hommes utiles , sera de nouveau em- ployée à des armemens de courses , c'est-à- dire y à construire d'autres navires , à les charger de canons, à y employer des hommes qui étendent la destruction. La gueire est donc toujours un fléau pour le vaincu et pour r • .' (m) le vainquçur ; c'est une flamme qui dévore les richesses existantes, et qui en empêche de plus grandes jde renaître. Il serait du moins à désirer que ce fléau rc^speotât sur mer les propriétés du com- merçant cosmopolite , comme elle doit res- pecter sur terre celle du paisible agriculteur. Mais quand les guerres cessent de toucher immédiatement aux intérêts des particulières , elles cessent bientôt d'être guerres nationales; et quand un état peut avoir des guerres, qui ne sont pas nationales, il est bientôt faible. La Martinique est, pour ainsi dire., la mé-» Iropole des îles du veut; son voisinage dç la Dominique et des autres îles anglaises^, peu-» plées dans cette partie d'un assez grand nom- bre de Français accoutumés à nos denrées, et surtout à pos vins (i) , en fait uo entrepôt !■ * • ,(i) L'intérêt de la France a toujours été, et sera toujours de tout sacrifier pour étendre les débouchés des productions de son sol. Jamais les exportations de ses plus belles f^bric^ues n'équlyaudront à celles da produit du coin d'une de ses provinces. Le cantoii d^ Medoc peut lui seul produire plus de rentrée à la France , que cinquante des meilleures fabriques. C'est pour n'être point assez pénétré de ce principe , que l^iiciçn goavernement , laauvais copiste des Anglais. ( ^h y , considérable. Ainsi la guerre, clarts les cir-^ constances que je yiens d'ihdiquer, devenait pour elle doiiblenient désastreuse. Cette guerre me mit moi-même dans un* I l--*!. III lll' I . . • •* et (lés Hollandais, semblait oublier les intérêts de soti agrîcuîlure, pour êlre tout entier a multiplier le nombre de ses fabricans» ' Dès 1703, les Anglais , par suite de leur, traité avec le Portugal , diminuèrent les droits d'entrée de vin d% .Portugal, d'un tiers au7dessous de celui de France j mais rhabitude des Anglais d'user de nos vins , plus forte alors q^ue leur probibition , n'empécbait pas qu'ils ne continuasâenti d'eu faire une très- grande consom- mation ; elle était telle dans les colonies, que lenra bâtimens en enlevaient clandèslinen^ent nuit et jour une si grande quantité dans la rade de Saint-Pierre , que le prix ei£ devenait exorbitant. Les colons de f^^ Martinique iQulliplièienV leurs plaintes auprès du gou-r vernement français, sur le prix exorbitant qui leur était onéreux. Le gouvernement français , au lieu d'encourager , par tous les moyens posai blés , le trans- port de ces vins dans ses colonies , et d'entretenir , par un prix raisonnable, le goût des Anglais pour eux, laissa aller les choses k?omme elles purent. On prit de fausses mesures , et peu à peu les Anglais se spnt dcs^ habitues de l'usage de nos vins , et enfin ont fini par changer de goût ^ maintenant ils préfèrent les mauvais vins de Portugal : exemple remarquable , et qui me'- rite la plus grande méditation des hommes d'état. Vv ( 258 ) étrange embarras ; je l'avais pressentie , . et ce motif m'avait fait désirer de hâter mon départ pour la Louisiane. Le défaut d'oc- casion m'avait jusqu'alors retenu dans cette colonie. Quelques jours seulement aupara- vant y je fus instruit qu'un brick sous pa- villon américain se disposait à aller à la Loui- siane. Je m'arrangeai avec l'armateur, qui devait être du voyage. Je le payai moitié comptant; et comme nous devions partir sous quatre à cinq jours , je me hâtai de faire em- barquer mes eflTets. Et c'est le jour même où ils venaient d'être embarqués , où je quittais tnon logement , où je n'avais plus rien à terre qui me retint ; c'est ce jour-là que nous allions mettre à la voile , que du haut de la batterie Haiaau , je fus moi-même témoin des pre* mières hostilités ; je vis les prises que les fré- gates anglaises amenaient : c'étaient ces petits bâtimens français qui rentraient sans précau- tion et aivec sécurité. Au même moment, un embargo général sur toute la rade m'ôta en- core l'espoir de partir , et me laissa dans la cruelle incertitude de savoir quand je le pourrais. Cependant l'armateur était créole de la Martinique , quoique naturalisé Amé- ricain. Il avait eu à la douane une place assez (239) subalterne , qu'on Favait obligé de quitter : et avait su la faire valoir si pécunieusement, qu'en quinze à dix-huit mois il j a^ait gagné de quoi acheter un brick et le fréter. Cela sup- pose un homme qui entend ses affaires , et qui ne manque pas d'adresse. En effet , il emploja si heureusement ses talens, qu'il obtint, pour le jour même , la levée de l'embargo en fa- veur de son brick : et après le coucher du Holeir, autant vaut dire à la nuit, puisque^ Je crépuscule est si court dans ces contrées , nous mîmes à la voile , non sans inquiétude. Il fallait passer tout près d'une de ces frégates anglaiso^ cpsi pouvait nous chicaner sur cet armateur à physionomie française, sur une cargaison toute française , suir des passageins tous Français , pour une de^ination qui de- vait être considérée comn^ française. Lft meilleure solution à toutes ces questions, f(i|t que nou« passâmes sans être aperçue. i ( 24o) ■' .vi CHAPITRE XVIII. Route "y ers Porto^Rico. Obseri^ations sur cette île. L K vent de terre , plus frais à la chute du jour, nous porta promptement au large, et nous voguâmes toute la nuit à pleines voiles , •sous la direction des vents alises. Le lende- main oo, bon vent; aucune rencontre, qu'un navire à trois mâts en avant de nous, ayant toutes ses voiles dehors, et que notre appari- ^ tion sembla rendre plus pressé à quitter notre route. Le surlendemain, nous découvrîmes," à notre grand étonnement ^ Tîle Sainte-Croix , ^ssession danoise, offrant, à son centre, des montagnes à vives arêtes , comme celles de la Martinique : il faut que les courans soient bien rapides vers ses côtes , car nous ne comptions la voir que le jour suivant. Cette île est située par le 17." degré 56 minutes latitude nord; sa longueur est tout au phis de lieuf lieues sur une largeur inégale. Elle avait d'abord appartenu aux Français qui s'y étaient établis; ils (24l ) ils y avaient des sucreries et d'autres habita- tions. La mauvaise administration des chefs ruina ses colons y en les forçant de l'abandon- ner lorsqu'ils commençaient à prospérer. Elle n'a plus servi pendant long-temps que de lieu de chasse, où des flibustiers et de petits bâti* mens allaient s'approvisionner de bœufs , de cochons y de cabris et de volailles, qu'au- paravant les Français y avaient laissés, et qui s'y étaient multipliés avec profusion. Enfin , les Français la cédèrent aux Danois , au corn- mencement du règne de Louis xv ; époque cependant où tant de malheureux en France auraient pu y trouver l'aisance et les moyens de devenir utiles à leur patrie : ce qui le prouve^ c'est que , dans les mains des Danois , si infé- rieurs en agriculture aux Français^ elle est devenue un fort bon établissement. Nous découvrîmes bientôt Porto -Rico ^ située à huit ou dix lieues seulement, sous \t vent , de Sainte-Croix. C'est une grande et belle île ; elle a quarante lieues dg levant au couchant, et vingt du nord au sud. Son port spacieux, qui a donné son nom à la ville, est sous le 18.^ degré 17 minutes latitude nord. Christophe Colomb la découvrit tn i^O^* Comme les autres iles^ elle *€$];. hérissée de ( 242 ) hantes montagnes, mais plus espacées , qui laissent dans leurs intervalles des collines, des vallées et des plaines fertiles : tout y croît à souhait. Cependant celte colonie, un despre« mîers établissemens des Européens, est res-* tée dans l'enfance. Quelle en est la cause ? Voici à ce sujet des renseigneâiens dont je garantis Tauthenticité , par les soins avec les- quels je les ai recueilli^, et par les différent rapports que j'ai comparés. L'île Porto-Rico est encore peu babitée> malgré l'ancienneté de ses établissemens , la bonté de son sol et la commodité de son port Les habitations , isolées et dispersées sur lasur-» fece de cette ile^ y manquent de comnaumca^ fions. La natorea privécetfe fïe de rÎTières navi« gables, etriudolence.de ses habitans et de ceux qui la gouvernent la laisse encore sansroutes de communication, il ne faudrait cependant pas coupèrdes montagnes, élever des vallées, com- bler des marais; mais simplement abattre ces grands et vigoureux arbres qui témoignentla richesse du sol, et les ranger de chaque côté* Au défaut de ces ufiles etfaeilestravaux que les in- dustrieux Américains exé^uteutparto ut d'eux- mêmes dans leurs pltjs agrestes contrées , il iaut péniblement et di^endieusemenl trans^ ( î45 ) porter toutes les denrées sur des bétes . de somme. On sent que, d^ns cet état de choses^ 1 habitant ne saurait vendre les productions de sa terre, ni se procurer en échange les ob^ jets qui lui sont nécessaires : il est donc con-* damné à une décourageante pauvreté. La co-^ lonie reste ainsi inculte. Ce qui contribue principale ment àcet état de choses , trop ordi** naire dans presque toutes les ïdolonies espa-^ gnôles : ce sont d'abord ce* trop vastes con- cessions faites parle gouvernement à des par-» ticuliers qui n'ont ni la volonté , ni la capacité^ ni les mojens de les mettre eu valeur. Presque toutes les terres de Porto-Rico ont des mai- très, et presque aucune n'a de bras pour les cultiver. En agriculture coumie dans tous les arts> il (aut que les hommes soient rapprcH chés pour s'encourager et s'entr'aider; ils lan- guissent et s'abâtardissent dans un trop grand isolement. La vue de ces grandes propriétés, qu'ils n'ont pas l'espoir de jamais défricher, les décourage, et ils n'osent pas méine tenter de commencer. Aussi à Porto«Bico ^ 1^ habi-^ tans y défrichent à peine quelques lisières der terres pour des plants de bananiers > dont le fruit est leur pain ordinaire ; ils n'ont de cannes à sucre, que ce qu'il leur en faut pont Q 3 M ( 244) en fabriquer un sirop qui leur tient lieu de sucre ; quelques moulins construits ça et là servent à tous pour broyer leurs cannes. Les arbres à café j deviennent de la plus haute taille r niais aussi peu soignés que les cannes à sucre, il s*en faut bien qu^ils en récollent tout ce qu'ils pourraient produire. Le café est à-^eu-près la seule des denrées européennes, exportée de cette île en échange ; et la né- gligence des habitans est telle , qu^il en est peu qui aient des clos pour y enfermer leurs bêtes domestiques ; ils sont obligés, pour pré- server leurs plants de bananes et de sucre, de les tenir continuellement au piquet. On sent combien ce régime dérange dans le jour les habitans de leur travail , et combien en même temps .il est préjudiciable k leurs animaux. C'est, dai)s cette colonie, beaucoup pour un habitant d'avoir quatre à cinq nègres ; et pour le produit , c'est bien peu quand le maître et sa famille ne sont pas vigilans. Ils nourris- sent , il est vrai, abondamment du bétail, et cependant la ville de Porto-Rico est une des villes du mondé où Ton mange la plus détes- table viande, par un règlement vexatoire qui, prétextant l'avantage du pauvre,: propage la pauvreté* ; . . • (45) Chaque habitant doit fournir alternative-^ ment , pour la consommation de là ville , une certaine quantité de viande; elle lui est payée à un prix si modique , qu*on en donne en dé- tail la valeur de deux livres pour un picailion (six sous un liard). Ces habitans ne livrent alors que leurs plus chétives bétes, et vendent secrètement ce qu'ils ont de meilleur aux An- glais ^ aux Américains et autres qui abordent en contrebande les côtes. Mais cette viande-, acquise à si vil prix pour les besoins de la ville , se dépèce de cetle manière : d'abord la provision du gouverneur, puis celle des offi- ciers , puis celle de Tévêque , puis du clergé , puis des moines ; après les hôpitaux, les sol- dats, enfin -les habitans. Les Catalans, cette plus utile portion des citoyens , puisque c'est la plus laborieuse , sont servis les. derniers , même après les nègres employés par le gou- vernement. La manière sale dont cette viande est partagée , sur la terre , par des nègres , la rend encore plus dégoûtante. La ville de Porlo-Rico devrait , dans les circonstances présentes, appeler beaucoup d^étrangers; mais la pohtique intéressée du gouverneur n'y souffre aucun commerçant étranger ; un seul Français est toléré, parce ■ .- %^' ( >4ô ) que 9es . opérations sont Iié€3 iiTic celles dvk commandant On voit d'uii couj^^'oU toutes^ les fâcbeuses conséquences d'un tel régime pour le bien public et pour le bien particu- llier : partout ou les gouveroeitt^ens veulent se yiéler de ce qui peut être fait par les parti- culiers y les abus se muiiipliecit et k xnisère 4*ait des progrès. Le gouvernement espagnol est peut-être celui de foute la terre le plus paternel ; U n'en i^t pas qui donne autant à ses sujets » qui cher- che autant à les soulier ^ soit dans leurs en*- ^reprises , soit dans leur adversité ; il n'en eat .]^ cependant qui ait plus de pampres.. Voulant toujours donner y il est obligé de tout faire: :ces trésoi^s qu'il répand , passaot par ks mâiùs .4es subordonnés, y restent en partie,. letid^- viennent pour eux des éaKilumens qu'ils re*^ gardent comine attachés à leurs places; de là :çes innoïubrables dilapidations^ Ces subor^ donnés 9 distributeurs ordinaires ^es bienfaits du monarque» acquièrent une autorité airfair teaife4ont trop souvent ils abusent. Les gour Ternes sont d'autant plus vexés , qu'ib pa^ raissent recevoir davantage, et que leurs récb-. ççiations prennent l'apparence de FiogratitiiQ^. •mt ( »47) "'* ' ' *; >" ■ ■ ' * àrf ■ !■' m m Vf ^ CHAPITRE XIX. Arrwée de V Auteur à Saint ^Daminguf^. • Description dé cette i^ille ^ fondée pm- Christophe Colémb : de son territoire ^ des ressources de su situation. Idées de r Aud- iteur sur lès Moyens de rétablir cette Colonie. Jub mercredi 22 juin, nous nous trouvâmes à la vue de Saint-Domingue, laissant toujours ces îles à notre droite. Ainsi noua côtoyâ- mes d'abord la partie ci-devant espagnole : que d'immenses, plaines nous découvrions î ^es montagnes ne se présentaient que de loin en loin comme pour varier le paysage. La •terre , peu élevée au-dessus de la mer , nous laissait contempler à l'aise les richesses végé- tales de ce pays inculte, qui aurait du être couvert d'une population nombreuse. Mais , ô souvenirs alQigeans! cette suberbe reine des colonies, l'orgueil des Français, n'offre plus que le spectacle de la désolation et de la morU (248) de toutes parts le sang des hommes coule ; le feu a dévoré ces opulentes villes, ces fécondes plantations qui nagpères répandaient tant d'utiles richesses dans notre Europe ! Je crois entendre les hurlemens de ces Cannibales qui s'enlre-dévorent ; je crois voir ces protondf^ fosses où l'inexorable vainqueur précipite les vaincus, et ces. nouvelles tortures qu'invente la rage sans pouvoir s'assouvir ! Qui répétera aux races futures les innombrables crimes en- core inouis dont cette terre est souillée; ces forfaits qu'à l'envi commettent des esclaves abrutis, aux prises avec de sanguinaires maî- tres ? quelle main osera en retracer le fidèle tableau pour l'instruction des races futures? Hélas! ce que l'antiquité barbare, ce que Rome dans ses jours de dissolution, ce que les peuples les plus corrompus n*ont jamais osé faire en dilapidations , en débaucher , ea férocité , en destruction , se reproduit tout à- la-fois, dans le plus monstrueux mélange , sur la malheureuse St,-Domingue, sur cette terre que la nature a parée à l'envi de ses plus pré- cieux attraits , de ses plus riches dons; où elle semblait vouloir fixer le bonheur de l'homme, puisqu'elle avait interdit ces lieux mêmes aux animaux venimeux. Q colons! vous avez voula I ( à49 ) avoir des esclaves; vous les avez abrutis, et ils vous ont corrompus ! voilà la source de vos maux, la source de leurs crimes et des vôtres* Nous trouvâmes sur notre passage San-Do- mingOy capitale, comme on sait, de la partie espagnole , et nous devions nous y arrêter. Nous ne tardâmes pas à voir sa large baie , dont rentrée si évasée forme plutôt une anse. En y entrant , nous découvrîmes la ville cons- truite sur une espèce de cap , élevée en am- phithéâtre : bientôt nous distinguâmes ses maisons, ses églises et ses nombreux édifices publics entremêlés de touffes d'arbres. Le contour de la baie offre de toutes parts des récifs oii la mer écumante jaillit en vapeur$ à trente ou quarante pieds, ce que dans le lointain nous prenions pour des voiles de ba- teaux. L'entrée du port, formée par la rivière Ozama , est resserrée des deux côtés par des roches nues que frappent les vagues en mu- gissant. Nous né les dépassâmes pas sans ef- froi, ayant inutilement attendu un pilote. Sous les batteries , on nous demanda tout à-la-fois , àl'aide du porte -voix , en français, en anglais^ en espagnol , d'où nous venions , où noui allions; et nous mouillâmes. C'était en face de la ville> d'où nous n'étions qu'à une portée de m ( 26o ) pistolet Elle est élevée pittoresqoement sur une masse de rochers caverneux, d'où pen-p dent en larges draperies des touffes de liane d'une fraîche verdure. Plusieurs rangs de batferies établies ça et là ajoutent à . ces con- trastes du tableau. La rivière , peu large, pro- fondément encaissée , fuit en détours sous les sombres bois qui la bordent. Sur l'autre rive ^ comme exprès, en face de la ville, s'élarjafit un agreste vallon , d'où s'élèvent à travers de» plants verdojans de bananiei^ , des groupes de hauts palmiers au tronc nu et grisâtre, couronnés, sans branches, de touffes de feuil- les déployées en éventails rajonnans. Les en- virons de la ville . incultes , sa plage déserte » l'air de vétusté de ses forts et de ses murs^/et une espèce de château inhabité et demi eu i;uine, répandaient une teinte inélamcoHque 6ur tous ces objets. - Nous avions à peine jeté l'ancre, que nous fumes instruits qu'un embargo qui retenait de- puis un mois tous les navires, allait aussi nous retenir pour un temps indéfini. L'audience du préfet maritime ajouta encore à nos in- certitudes ; nous desirions d'autant plus vi- vement partir , qu'on ne savait pas encore à ^n- Domingo le commencexaent des hosr tilités. Xe gouvernement Vignoraît aussi : il nous importait donc extrêmement de partir au plutôt^ pour n*être pas arrêtés en route '^ «t pour arriver à la Louisiane même avant qu'on le sûu Cette nouvelle, qui ne tarda pas à se répandre , devait probablement con- tribuer à faire prolonger l'embargo* Nous convînmes tous , à cet effet , de garder le plus rigoureux silence ^ nous y avions tous intérêt. Mais il pouvait y avoir de graves inconvéniens à cacher une nouvelle si im^ portante au gouvernement Nous lui en limes Taveu. Cet aveu y au lieu de nous nuire , con^ tribua à nous faire obtenir la permission de sortir quelques jours après , avant même des •navires qui, depuis un mois,' aollicitaieiU leur départ. ' Je profita de ce séjour pour visiter la ville ^ses euviroM. Celle nouvelle propriété fran- çaise intéresse d'autant plus,- qne San -Do- minguo a été bâtie par Cbristopha Colonib .en 1494* Sod site^ sa distribution font égq^ lemenl honneur au génie de eegrandhoramo. Placée , conuiUâ je l'ai dit , 6ur un cap éie^ qui domine ia mer du côté du sud«*ouest;^ elle est ea mêtue^emps baignée 4 Test psr V^mboucÂKuro dç la rivière. Ote«aut » dofil ^ i ( 252 ) .lit étroit,, mais profond , peut prolonger un port d'autant plus sûr , que cette rivière est .bordée de coteaux , élevée et défendue à son entrée par . des rochers comme avancés en Tedeties. La situation dé cette ville , élevée surun plateau de rochers, lui donne les ines- timables avantages d'être en tout temps ra- vivée par des vents frais. Les forts qui l'en- tourent du coté de la mer et du port , à mi- côte ou au niveau du sol de la ville, n'ont pas exigé que de hauts murs interceptassent l'air , et ce n'est qu'au nord*ouest où la ville , tenant à la terre , se trouve masquée parun rempart élevé de dix-huit à vingt pieds. Les rues, larges et alignées , se coupent à angles ^oits. Ainsi. les extrémités des unes aboutis^ sent vers la rivière , qui est le port ; et celles ;des autres ^vers la mer., que l'oil décodvre d'autant mieux de loin , que le terrain s'in- cline un peu , et que les remparts peu élevés ne dérobent pas l'effet de ce tableau , qui est des plus agréables. Les maisons, bâties en pierres ou en briques , sontréguUères et peu élevées , et d'une distribution bien entendue pour ces climats. De grandes fenêtres sur la rue sont, à la manière espagnole , grillées de barreaux ide < fer saiUans en-dehors ; toutes ont des ( 255 ) cours, des jardins et des espèces de galeries du côté de la cour. Des places ont été mé- nagées avec soin devant les édifices publics. Celle de la cathédrale, la plus grande, est en partie décorée de maisons régulières. On se doute bien que les églises et les cloîtres n*y manquent pas; ils j sont en bien plus grand nombre que ne le comporte l'étendue de la ville. Ce qui est remarquable , c'est que ces rues sont bordées de trottoirs construits en brique. Colomb voulait peupler sa ville d'in- dustrieux habitans, plutôt que de fastueux riches; car les rues n'y sont pas même pavées. Le mur qui ferme la ville au nord , est assez épais pour avoir , dans toute sa longueur , un large trottoir sur lequel s'élève un petit mur crénelé : il sert; à établir la communication entre tous les forts de cette partie , destinés à défendre la ville du côté de la terre. Les côtes de la mer et du port sont garnies de batteries hautes et basses , qui se croisent dans toutes les directions. L'entrée du port est si resserrée , qu'il n'a pas été nécessaire d'établir des batteries à la rive opposée. Tout le con^ tour de la ville est , sur mer et sur le port , hé - risse de rochers aigus et caverneux, formant ^uk dç redoutables défenses contre les té-^ â ( 254 ) méraires navigateurs qui voudraient les ap- procher. En suivant la côte maritime au sud- ouest, à une demi-lieue^ se trouve un fort isolé garni de batteries , afin d'empêcher les débar- quemens vers cette partie de la côte plus abaissée et par conséquent plus accessible. Les fortifications de Santo-Domingo , cons- truites à diflPérentes époques, ont dû coûter des sommes immenses. Le territoire des environs de la ville n'est pas, à ce qu'on prétend , très-bon : cependant y y ai rémarqué des arbres de la plus grande beauté,par leur élévation et l'étendue de leurs rameaux. Le bois qui borde la rivière , sur un site incliné, n'est pas grand , mais il est loufTu et vivacerquel délice de le parcourir toujours à l'ombre, de pouvoir s'y reposer partout, sans craindre d'animaux venimeux, d'y con- templer ce feuillage d'un vert animé et lui- sant, entremêlé de fleurs et de baies écàrlate que d'inombrables oiseaux viennent par trou* pes picorer; ces diverses espèces de palmiers au tronc et au port si pittoresque; tant d'au* très végétaux dont les feuilles , les fleurs, les siliques , les fruits sont inconnus à l'Européen ! Hélas ! sous une cabane que quelques feuilles fîuffiraient pour couvrir solidement, l'homme ( 255 ) pourrait trouver Tabri ; au tout de lui ; la nour- rissante banane ; qui croît si vite sanà soin; I^igname, la patate ^ le manioc, ces plantes qui peuplent tant la terre de leurs bulbes fa- rineuses, suffiraient à ses besoins. Là cepen- dant il s'est rendu plus malheureux et pi us cri- minel que sous ces âpres climats où sans cesse en guerre contre les élémens , il ne reçoit les dons de la terre qu^après l'avoir long-temps fatiguée de ses soins. Les habitations closes avec la raquette épi- neuse , Y opuntia , q»i croît si facilement , et forme une si redoutable défense , aux nègres principalement, sont partout négligées; on voit, à travers les épines et les mauvaises her- bes , l'oranger charge de ses beaux fruits ; l'avocat, ce grand arbre dont le fruit est si agréable, I^s branches pendantes du coroso- lier au fruit aqueux si salnbre : les hommes veulent y être pauvres en dépit de la nature. Sur ce site élevé o^n éprouve toujours un air délicieusement frais. Je me promenais hors de la ville, sous une grande avenue d'ar- bres plantée d*une seule rangée, tant les ra- meaux en sont spacieux; l'air jetait si frais a midi y que par intervalles je regagnais le soleil , dans la crainte que cette fraîcheur ne me fut ( 256 ) nuisible. En revenantet en descendant lacôte vers la rivière, on voit une fontaine où je me suis plu à me désaltérer. Elle avait été cons- truite par Christophe GolombXong-teoips en ruine, elle venait d'être réparée, et c'était, ô bizarrerie du sort ! par les soins du fameux Toussaint Louverture, lorsque, maître de cette ville, il rendait barbarement aux blancs les outrages dont ils avaient couvert sa race. Le terrain des environs de la ville pourrait être propre à toutes sortes de productions, mais principalement à celle du café et du coton : les fruits du pays y sont délicieux et beaucoup plus beaux qu'à la Martinique. Les pâturées y sont tels, que j*y ai vu des vaches aussi belles et aussi grasses que dans nos contrées de l'Europe. Le poisson y est extrêmement abondant. La rivière Ozaraa reçoiî plusieurs rivières navigables qui remontent au loin , à travers des contrées fécondes. Ainsi l'Ozama, bien encaissée dans son lit, peutamener, à peu de frais, les bois de toutes espèces que pro- duisent les immenses forêts de l'intérieur. L'acajou surtout, devenu si précieux au luxe européen, formerait une branche immense de commerce; le coton, le café, l'indigo, le suërQ , le cacao, viendraient de ces différentes rivières ( 267 ) rivières s'échanger ^ à Saint-^Pomingue contre les produits de la culture et de Tinduatrid .européenne. , Que d'honorables et d'utiles spéculations se présentent de toutes parts à l'homme actif ^et industrieux ! des millioiis d'acres de teire que l'inactif espagnol aurait pu mettre en culture depuis trois siècles, y.^nt au plu» Til prix , noéme celles près des murs de la yille. Un. particulier en possède actuellement plusieurs cen^taines de. milliers d'arpena^qui ne lui reviennent pas d'achat à plus de dix sols l'arpent; et que dans ce.oiQment il céderoic .en Métail à moiins de cinq.;irancs. La vilW pffre de spacieuses maisons, piow habitations et pour ijnagasins ; elle peut ■ s^'^pcroitr^ tiét qu'on le désirera» sans, cesser d!étre saine et défensible.Mais avant depçQS€pr,à:ét^liï?€^ttÊ partie de la grande île de jSa^nt-^Dpmipgiiei ne faut-il pas détruire jusqu'au dernier; ^PÛ* sur la partie française? auti^flment il n'j; allait jamais sûreté pour cette nouvelle colon^o? Tel est le langage des ancien$pçp|bns deSaintr Domingue , aigris par le ma|h^r et inspiré! par des préjugés. Qu'il pd^^.âj^it permis de présenter. d'autres idées sur un objet 4'un ii grand intérétpourma patrie; si jçmetroinl>e^ r»68) r sion etl^tl^ du moins n'adïrèi coûté ni larme* 4Îisaâgp. Avant d'exterminer jusqu'au détiaier noir ée Taiictieâùe âaint-^Ddiâitt^né , à<^t-oh sup- puté Oé qiï'iï éà totUstk â^htMtàes et d^ Irésorb? Qttmid «es noirs à^rà^e- fOent, ««^uiéiVait chaqkië jdëf.dtb ïhoyens ded^feoM^èt tes itoirs, qui se ^eri^^iaif tran- cttûfie* de iiotfé tïôlié j ne iarderiiéiit Jiiàs à avoir ( a69) entre eux dès diTtâions qui les affaibHraient^ assurés de n'avoir rien à cfulndré d^ trèus^ il$^ n'aiiraitût pad intérêt de hite une guenv hostile bien ^lus dé^vânftgfenwf pdtil* esx que là gtierire défensite. Dm irèVes çt de* paix établiraient peu i peu àtdc e«x des reSi^* tionis cùmtùtféiàk» qui feraient toutes à né^e atantage. Gè^ Mtotkm» le seraient d^autan^ plus> que nôu» nous seri^dn^ réservé réfute eMu^ivé de& {iorts. Alof^ les dëuii pât'tie»^^ Sàint^Domifigiie «^oncouiMfcieni à étfè utSès k k inéttti^lé ^ ^ns p^Hé dé tenip»^ saiM dë^ \yèùmÈ^ ^t 9afté èfitision de mip Leë hè^rftS^ Ukre» ont uonserté les bal^itudeâ^ et- le goM pour nO)9i prOddetiob»^ et méfiée tic» ioâMltÊfiii Oe plan^ dout l'InMamté et l^éfiÉttdriiie «eut la base , èil élàràéûïé tetop» le jplti» ^ftr. Ot écT sêfions-nbUs, ^les tnàlàdies et léi f&fi^é^ f dérOraient é&ébrè iuftuctuettëëtiiëtft ttô^ KK Aées? '^ L'établidéeméiit des Fi^nèâiâf à SàiUt'^dcM' tninguë cOnainença , con^Mé à SuiUt^GhriiP tophé et à Ik Martinique ^ pâi^ déà àtétitUriëi^» qui , yei^s l638 , après avoir cbiîru sur les mert , se fixèrent au nord de cette !le , ef principale^ ment iilr la petite lié de la TOrtue , éloignée seulement de deux liettés dé eette partie a a ( 27^ ) Sain t-Domiogue» Chasseurs boticaiûers 9 c'esl- à-dire faisant , à l'exemple des sàuvdges, fu- mer ou boucaner. les viandes de leur chasitet pour les conserver ^ ils devinrent bienloi agri- culteurs ; ils défridièrenty et ils plantèrent du tabac que les Hollandais surtout recberchè- rent , et ils cultivèrent ensuite le coton , Fin-, digo , le rocou. he» bénéfices qu'ils faisaieqt. grossirent le nonibr0 de ces aventuriers. Au nïilieu de leurs chasses et de leurs travaux .. ih avaient cependant à soutenir des guerres terribles contre les Espagnols qui les traitaient: en forbans< l^a réputation de leur fortune at- tira près d'euk d'autres Européens. .Ceux-ci trop pauvres pour payer. leurs passages, s'en- gageaient pendant trois ans et plqs , afin de. s'acquitter : dç là le^r vint }j$: dénomination d'engagés ou 4^.36 mois , à l'expiration de leurs engagemens^ils redevenaiç^t a leur tour des habitans. C'est par de tels moyens que se formèrent le» colonies françaises i et parti- culièrement celle de Saint-Domingue ; et lors- que le gouverneiipent prit p^,t à, cet établis- sement , ce fut plutôt pour lui nqire par des impôts, par des monopoles, par des actes de tyrannie , que pour les protéger. Ces hommes > aussi intrépides qu'ardens au travail , se pas- ( ^7^ ) soient alors d'esclaves : ils leup auraient nui , quand même ils n'auraient pu servir à l^s énerver. Si^ dsfns ces circonstànôei dÉSciles y des Français ont seuls fondé, défendu, défriché. Cultivé là coloiiiè de SaiÀt-Dôniihgué . j]^ qiioi dés Fiwiçais seul^'i]t^'tà¥étabU^ pas àujburd%urHôi^^^^^nt mèihsydrobs- tables à vaincre, lorsqu'ils aurontde là^%re^ patrie des secours de vivres , de munitions , de guerriers. Et pourquoi ne répandraitH>n pas $ur cejtte nouvelle Saint - Dpminffue À^ robustes paysans, qui, éq se multipliant, mul- tiplieraient des bras laborieqxT'alors qu.''aurait à craindre cette colonie et des .'noirs îns\^Fgpi 'et des ennemis du dehors ? Dû indins que des cantons leur soient assignes » afin dé côm- 'pisirer avec lés étabUssemehs babités p^^es esclaves leqrs avantages et leurs uiconv60iens respectifs. ■ ; . ■j:r}/Ai. . . .' iii> jyô:.- -i." •• •-:/:- ■ . ï!'. nr^lq :•. ■..:.• " ' . i . • ' ' • y i i ' ■ . • ^- . 1 i,t » ■ ' • ij ^ ■ • ■ % ( ?7* ) • I • •• , ••{•Il « çgA^iTRiSi x:;^ /•.■»... I çii^/WW «^mtO^r PçliAigi^. S.ifgc des •;t''*l|il' ,.■!'■' ■ ■ . }** r i i tt • «... tX> -j' ■ ■ ■ 4 ! "'ï. . : ■ y^AX ait oa pn voyait & SaQ-:Pomk|^o dpioi--' iièr sjgir le port, en face d/e ce grs^ç^eijx Talion, un cliàteau inhabité , entouré de décombres éipd épines. J'y. fuis e^r^j» je.raiparcpvri^^ pour de celte ville , qui sut choisir avec sagesse un lieu si favorable au commerce , si facile à dé- fendre, si salubrci sut distribuer sa ville nais- sante sur un plan^^dîgiïê du siècle des arts et des lumières : éloignant ce qu'ib ont de fas* tueux et d'inutile y il embrassa tout ce qui put faire chérir sa cité à ses nouveaux colons. (V5) et la rendre ^ppi^Dte poar.]«s> ta^ce$ fatara^ Hh quoi ! çe^e 4eiii>eiw , <^p Ifa^jtifpii^ ^| *?res|)ir^ i^ jio^44]l>:^BM§UQbi9Pbml Pas un seul animé par la TçammmmÀt SW>wIfip.v », Çe^ .««il«bfe^ pj^jitçfrj» j|Tt#fi^ gUes tresses ejii^m ;^iMrf>rl flfs iB^gr^bl)!! vestiges, ^ ^en^ffA y )fp5|4iW ï% *»»▼* iç4wi de l*u^»£e^^&i Qf| a'y plfôi^ .^ sf. K^pix^r tes l»jenfait||:4^ çelyi.;^ ^ |f plw |p*^>d#;i la plus ut^eï.4fcw^4l^ tPW.h g^W .lw« et à p|B^pll^. jft ip« ¥!mki\f jm fm ,9ém% çi^r«W 0^ 4pfPf9bji?^> a<îQ«Wlt.4'w«ti^ y,Wiiçj|$Mi^j^|pwl<^)iaow>9ft4p$l|tri)^ ^Vgr. mmvk.h àfmmm^i ^^mm^ -^^^f^ïf^ (374) mb se sont arrêtés èOkhptai&atofÈàfèÉit i desfêtes rassembleront dé tètité$ij^aii;s ië^ hommes poûrchanter les m^s- i^^Silles-'àe* la 'navigation ; noir 'de celle qtaî ^rie ladèsfirtiction et la mHerleidéÛé«6'4ta^^ (275) wkt a de trop, et die lui faire iBi|Kyi^et oû •£Eè)ri^er, eé^dont il a besoin ; enricliissant et peupiaDtl'agricnlHire , elles s-enrichissent ojt se peQplèiit par elle. L- art d'agrandir les villes, et de le^ faire pi^pérer^J n'est dotfc :pas comme trop de gouvetnemefeii^^l'ont voulli 4e les' charger de soppUieux éJifilces , -^ appeler le luxe> lès plaisirs , le^ atjtsf -métties^ -¥6ais de les eotoorer de bras laborieux qui> 'fécondant laterré-xonlr beaucoup à donner^, pour avoir beaucoup en>échange. Gest-ciè tsecrèt qui J cbez les Abglo^Américàinfs; dftiÀ «quinze/ vingt, viûgt^einie|.atasi 'pexTj^e leUlk acmibres srolitudes d'habiiiaiion&,' àe bamê^tiiÉ^, tde bdurgs et de villes: Ëu^op^ens^ votis vouleis faire fleui4r tos campagise^ ipar iros villes i; t^Ues^ï^s^âecrpissent, maîs^vo^^caimpagnes se d^^uplent^^etdans ce renvetisfément de chMe$^ la misère se propage sur '-les nifës et lés au- ^ès. Il iejUl^ été de méiàe 4e San*Domi^go ; ie luxe r^ ppuplé, et ses^ campagnes délâ&- ^es Koiit livi^^ à la misère. Se{/t à huit mille individiiiS' y v^lvaiâit de k? seule fortune des riches j les dos dans Fétat de domesticité , \es ^autres des swls^eflfets delà bienfaisance^ car nul; peuple &^sst'plns libérai^ plus faumaid:, plus bôspitaUiaf; Et depbb que San-£k>nÉBBgo u («76) ' est sous k domination des Français^^e^^idbei lopt quitté, et on évalue à sixtnttte çei9iMi 4ei pamrres ou mid-^isés qui f sont sastéa* r Ce nombre aunât iui£ pour j^iqpA^^ (aire fmxipérer qn^e. c^kNniaj et iâi ik sontià chairge par leur inhabîtude au trt%âA|: ;elk est tiellf c^te inhabitiide que pas un a^ul m^ cidtiiK^^ ,2P^e le jardin de sa' inaison^ n'^n ate les herbes de sût a sept piads^^i ier rendent .inaccessible. Je a ai vu quvna- de ces jarditt» çulti?é» ^ encove c'était pair na imUtaik^ Jlfm^. T^nàk que la i^iande^; Ut poJM09^ j)fK^|]rii9.4^;, 1^ }aîtagje'aont $; jdl^psîiK # ç^;df^ ,%«»n«i^;^«9MS9Σ* Il faut>ètrB i»phA pm^ ad p^ifn^treï detimMgar toua les î^iiti.déa p^tiQs Fftves. op u«#jalad^« CW/injj&tiiifie ij^r rçais iimti ^ur^fU^ment da iwfldiûl d^ ¥^ .petit iajrdini qui««<^ à Wngkirbii9^}/i^ hé^ târ tepai< d'avance stis légumM» ; ; . A quoi a'œcufientidtwQ œaSspa^ok ?]|^ m^t^ à pmmenec. tb M^^^'vi mmm^ kMim .attaché t)ar.|es dei|:«;koiUI»iiMiifdm$ ijxkuni opposéi,d«M gbaiid^;e]toi]^bfei^:e*fc.l|t ^kc^ ehéeie où teiur yit - a'ébOMk ;^is>>j^ltK» iQisdiaairement cH)wbés etâombMei^iéaijJ^téa; ^le^ûur , une sigianfr àla ouain^ume jtopJ^pen- 4anle>lls sebakfcentîndotânPtiâinlL^^ ( «77 ) le mouvement cesse j^ le pied qui rase la terre U frappe légè]pe.n[i.f Dt pQur ranimer ce balan- çei^çot. Si ?pn^ çQtrez , le maître s'assied par honneur suy ^n, Ji,t oiiobile. Un fautjçuil de cyip 4 fqp^. çpDQAve , qui élève les geuoux vers l'e^ton^c^ fst. Tunique siège .cjy'U ait i^ yo^f; 0^r^ ; iiiç vous J asseyez au'avçc çir- cpuspeç^ooj Tépais^ couche de pçu^ère „ Iç toi^, venuQului YPflç disent qu'il 1'^ ireçu de ^ ?ifîçét»e9; et Içs pieda mmUé« , çfiJé? i»-: Ç0îgnSP3ement , exi^n^t que vous y fpjîies^ *veç çj^avité. Aycun peuple dç la tefre n'eçjt,^ il fist vyai, ^.U83i frugal } le fervent anachorète pg V^pas ét^ dayapl^ge : yne o^ deux banane^^ ^t un peu de p][io.G(>Jat j, quand ijs en oot , leur suffit i mais celfii qui consomme plus qu'U ne fait produire consgmme toujours t:fop; ilesttou* jours ^ charge à 1^ société et à 1^ nature; et rhQmm,e doqt If^ travail produit plusi <|u'il ne peut consommer ,-fçt toujours utile , quelque Çrftnrfç qyp ^^ »% CQÇ^^mm^tiQ.ij. . . % fet?it i^e ^v^^t M^ de yr^ie yopu- tatioaque wr le fiompriç d^ individus utUes^ le restée est U9,ij^rdç^|i^ oui pèse sur les autres, l^n w^ensep^^e^t iç^^^ celui ^w «épa- serait €;ii deiu( pajrtf.içe^ deo^ ^^ ailidifi^ (378) dus ,rétat verrait alors justemfeht ce qu'il pcird ou ce qu'il gagne , si les choses s'améliorent ou se détériorent : nos faiseurs de statistique s'en occuperont peut-être un jour. ^ Gomment se fait-il que , dans ces colonies , surtout où le travail est si productif, ITEspagne soit ainsi chargée de tant d'hommes inutiles ? C'est la naultiplicité de ces 'moines , qui; or- ganes de la religion, se taisent éur la première, la plus nécessaire des vérités , le besoin du travail, et qui eux-mêmes donnent le dàtrge- reux exemple de l'oisiveté ; c'est le peu de corïsidéi^ation pourThoioPimé laborieux, pour l'agricùtteùr' surtout, ravalés au-dessous du demieip employé ou du valet d'un grand. Ce sont ces privilèges exclusifs obtenus d'une cour trompée, sous l'apparence du bien pu- bUc, qui rendent les denrées du dehors rares et chères, et font tomber à vil prix celles du sol ; c'est enfin la corruption delà justice qui viole les lois que même ellfe ignore, qui se vend publiquement aux inôilD]poléars , qui favorise rinçroyable vépàlite des hommes [en placé, qui sert d'instrument aux faussaires et aux pàrjùreis., geiis d^autdint plus dangiefréu:^^ qu'ils çQÀt couverts du masque dé la religion*. C'est' par 'éé ' 'éoûcou'rs ' dé èTubsés , qtre 'i^'ést ( ^79 ) dépeuplée et appauvrie une nation qui au- jourd'hui devrait être la plus riche et la plus puissante de Tunivers , et maintenant si débile qu'il lui faut y pour s'étajer, des soutiens étran-^ gers. Bientôt peut-être ses colonies ne seront plus à elle; et quel sera alors son sort? Et, cependant, je le répète, aucun peuple n'a des mœurs privées plus {louces , plus estimables; bons pères , bons maris , bons fils; aucun dans la société n'est avec ses amis plus franc et plus agréable , et ne montre de ces tours d'imagi<« nation qui décèlent le génie , n'est plus prêt à s'enflauHner pour la gloire; mais il est dénué d'instruction ; il est enchaîné par la supersti-« tion , qu'il secoue parfois , avec succès , et particulièrement il n'a pas le moindre élément d'esprit public : droit. et probe envers les par- ticuliers, il dilapide avec audace. .et sans re- mords la chose publique : ce qui est à tous, est impitoyablement pillé par tous , et avec une telle impunité, que l'homme en place qui ne serait pas coupable et qui en serait le témoin, n'oserait l'empêcher et ne pourrait le faire* Et , je le répète , aucun gouvernement ide la terre n'est plus.{](aternel , n'étend plus loin sa sollicitude sur tous ses sujets, ne montre dans ses lois et ses réglemens plus de sagesse^ ( !i8i> ) de celle particulièrement qttl tient à là bieiH* faîsance ; mais il est faible el i^rftintiF. Ainsi » du défâtif d'in^tMictioti et d^espHt public déa j^njetsétâè^igirëtlt di) ^tfét^étittai, tiaissedt les ihâut qui ëttédruent cette nidliai^ie et présagent ^a ptocbaine déi^ruètiôn ; qu'il est iàM doute enëore temps de preTëtlir. Mai^ qui pourra et sera appelé à le faire ? GhaqM pa$ (^e f ai fait dans ces i^àfàgés y tà'ônt of^ fert ces térité» : je les i^ti^âieerÉi à ini^ lecs téUrS. J'ai compris pal* 6es çiAtq[ à si± liiillë pan- très et iital-aisés restés à dàint^Ddittin^è, lés *geiis dé cbuléur, àtt risque de 9dai!id«liiërdél( coloûs jiâtf lit! tel mélaiigé. Lc^ Eipa^ob^ à cet é^td y bJèti diffétëné deti àUtMâ liàtltHM; satt^ éphit en rëpâi^ation des nMUt qn'ilfe àtit faits autrefois àmt liidiêti^ y né Vont plài^ ïë* chét^Bér jtiSc^é dànS lè^ ^tférfltrou^ téètUëlfs Aék bknc^, d'i])ipéi*eeptibleS tftèfaèl^ de sâtig doit*. Le mtilâtrë Wbtt e^t j)br èûi bientôt à^- sîthilé aùx'bkifcs, et ils Se t^kiàëUt, j[^ar lëUt' alliàhc^ à^ét tVct , qu'ils Ont lé bou esprit de ne |>aS reUdt*e ihfamante ,• k Ràtè 4ispa]^attre tout-à-fait ces taches odieuses de couleai^ • Ainsi 9 jamais ils n'auraient à craindre dans leurs Colonies xes terribles eoriyûlsions dofit (*8i) nous sommes Tictimes; la multiplication da sang mêlé mnltiplve leurs amis et leurs défeh- seurs. Si cette pc^tique avait été suivie à notre St-Domingûe , elle serait dans toùttésa Splen- déui';ses ^r^duits et ses cobtoiniâations au-' ^ raient didublé de ëe qu'ils éf àieât avàbt la ré-^ volution. Quel différent étatdé cbdàies pour la' métropole > pour ses fabtiqtiës> pôtii^ Sa ma*' rine et pètir' ëe qii'ellè tirt^ Ôiàihteiiàht à si grands frai» d^ «ôlbtiies éti^ail^èM^ ! O to- IdUsr ! vous àVek ibiûk tépùumt dé toi ëôr- poratîons Ces koiltlties dé saûg tiMé^ qui étafébt tes etifiiM éiifô» Btèift» ;ihéM«hlvo^ Colons > Avez iUthî eÉxXatê it>W sectionner en granits blài htlttiiid6 prévient les exdës d«s tnattr^sfiAroee^^imu- à ( a8a ) tilent et font périr barbarement ces malheu- reux ; en même temps , la nécessité de faire condbire.resçlaye au fouetteur^ de choisir les. heures convenables, laisse au. maître le temps Ab de se calmer : ainsi les punitions deviennent '^ plys rares. L'esclave aussi qui a à se plaindre de son maître , s'adresse au magistrat, obtient d'être vendu à uq autre ; la loi détermine, les prix. Dans cet état de choses, le. maître d'un bon icsciave le traite avec plus de ménage^- ment pour n'être pas conftraint de le vendre;; et l'esclave qui est content de son maîtce,; cherche, 4^ vantageà;lui pkire.pQur n'être pas ven4u à un autre avec lequel il, serait moins bien. Si l'esclave a lui-même gfl^né de quoi; se racheter 4 il se rachète au*. pcix déterminé par la loi ; et sfiî iii'a pas asse?» et que sa bonne conduite lui ait fait des ami^ >. U^ltrouve faci- lement à emprunter pour compli^ter le pnx. de son rachat . ; f. . - Il y a dans .toutes les colonies, espagnoles un magistrat préposé spédiâl^otent pour la; protection des esclaves. Ce magistrat ^çoit en secret leurs déclarations , prend des r(Sk^ seignemens positifs, intervient, comme leur protecteur né , auprès des tribunaux, obtient contre le< maître convainc.a w jugement qui • le ( 485 > le force de vendre ses esclaves^ et lui défend même d^en avoir à Tavenir. De pareille loi» ^pnprçnt Thumanité; au- cun peuple ne montre dans sa législation une aussi touchante sollicitude poujri-esclavêxetle^ Améric^s des JBtat$-UjW3 ,r,^î 8e\ vantent d'être les plus humain^ d^ la |è,t^J^ë , wut tout aussi barbares que les autres envers leurs es- claves. Mais ces lois humaines de la législa- tion espagnole sont le plus squvcAt., . sous ce trop faible gouvernement, él^^ép^il-Pl mêpae deviennent abusives. Peut-il en être.autrer ment^ quand la corruption générale, est te^e,^ qaç tout homme en place ne roi^git.plus de se vendre? Les lois, a-t-on dit souvent, man- quent moins aux hommes , que ceux-ci ne manquent aux Ioi&. Il est donc vrai qu^il faut plutôt former des hommes qui puissent se passer de lois, que dé les accoutumer à en avoir trop besoin. i \\ * • k (*^) t rr-. — : — ; ' CHAI>ITB[E XXÏ. 1, 'iiesjPëtriftùali&n&. D^ Iw éiminutiùn dt là mer. Réflexions <àce sufei. ' : < > • « . ( î..') tJ ir peu at^t hoité amvée à San-Ûomîngo ^ je fis péchét uûL j^i^ôs flàorcéau de bois poQrci qui flôttail près de hofré bord ; j.è le trouvai pétfplé ïiîté'rieur^efiiént de fespëce de coquil- lage uliivâlvè,nbmiiié par les conchjliologistes tuyau d^ orgue. Ces tuyaux , longs d*envîi''oa deux pouces y droits, unis, presque cjlîndri- ^ù'és , d^an klanc sale , approchaient de la gros-* seur aunepiuAie a écrire; ils elaient accoler en masses plus grosses que fe poîbg , et Kès faiblement par un gluten qui me |>araissait être de la même substance que le coquillage. Un animal vivait dans chacun de ces tuyaux. La mer a donc aussi ses républiques dont les habitans réunis s'entr'aident pour braver les flots et résister aux ennemis. Ces tuyaux alon- gés , isolés , poussés par les vagues , se bri- seraient ou seraient bientôt encombrés sous ( 285 ) tes sables elles glaises, ou deviendraient fa- cilement la proie de ces voraces poissons armés de detits tranchantes et de mâchoires si fortes. Dans toutes ses productions la nature mar- che des formes les plus simptes aux plus com« posées ; elle épuise toutes léS diversités dont ces formes sont susceptibles avant de passer à d'autres plus compliquées , qui deviennent* moins nombreuses à mesure qu'elles se com-' pliquenti L'unîvalve plus simple que Je bivalve^ est aussi plus multiplié et plus diversifie ; et le multivalve, le plus compose de tous»! offre moins dé diversités; fl est le moins' liôâi'' brêux. Parmi les u'nîvalvès, lé ffenre des tuyaux est le plus simple, c'est aussi lè plus diversifié et le plus nombreux ; il j en a d'à-, bord de droits comme des chatua^eaux, de légèrement courbés comme des cornes, de contournés de diverses manières, qui pren- nent les formes de rafles , de bistortes et d^au- tres racines , et de dents de chien , et de ^a- Jensts d^ éléphant y puis d'arqués et de roulés comme des intestins , de tournés en spirales^ en volute comme le tir^-hourre y\àyilehrequin ^ le tuyau'Serpenty le pain de Bougie j le tuyau . solitaire y de pelotonnés entre eux comme des ' » 2 ( 286 ) ûh mêlés. Chacun de ces genres se subdivisent encore ; les uns sont polis^ les autres ondulés ou ridés à vives arêtes, graveleux ou hérissés de pointeS) d'autres ont des stries ou des ca- nelures. Leurs dimensions sojit tout autant diversifiées ; les uns sont déliés comme des fils menus, d'autres ont plus d'un pouce de diamètre à leur ouverture : la long'iieur de plusieurs est aussi seulement de quelques li- gnes, tandis. que celle des autres est de plu- sieurs pouces ; chacun d'eux se diversifie en- côre parçjes teintes différentes de blanc ^ de rouge, d*incarnat, de rose, de pourpre, de faune, de vertj de marbré, de brun, de noirâtre. Lçurs mœurs ne sont pas moins ad* mirablement diversifiées : les uns vivent ad- Kérçns aux rochers limoneux, et s y accumu- lent; d'autres naissent et multiplient sur les coquilles d'huîtres, de moules, de buccins, etc., ou isolés , ou agglomérés, ou les tapissent en réseaux; d'autres s'attachent aux plantes ma- ritimes ou aux débris de végétaux terrestres , vivent à leur superficie sans lès blqsser , ou s'y enfoncent et les lardent de toutes parts , et vont, en voyageant avec ces végétaux, propager leurs races au sein des mers les plus lointaines* ( 287 ) Le tuyau d^ orgue y ce tube droit, forme primitive de tous les autres tubes cylindriques, fléchis, contournés et roulés, est en mêDiè temps le type des formes de tous les autres univalves , quelles que soient leurs diversités apparentes : tous sont des tubes; s*éloignant plus ou moins ^e la forme cylindrique pour prendre celle de tubes 'coniques , plus ou moins évasés à leur entrée, et se différenciant aussi entre eux par des circonvolutions , par des renflemens, des aspérités, des anfractuo- sités et des couleurs. Pourquoi cette marche si simple et si fé^ conde de la nature n'a-t-elle pas été suivie parles conchyliologistes , dans leurs classifica- lions de^ testacés. D'Argenville et d*autrés, d'après ce savant , jettent à la dernière classe les tuyaux qui devraient former Tentrée de la science, et ils mêlent au milieu de celte classe les tuyaux d^ orgue par qui elle devrait com- mencer. Dans cette coafosion de leur méthode^ Tesprit embarrassé ne peut saisir l'ensemble du plan de la nature , ne peut la suivre dans $es admirables modifications. Au milieu du désordre des choses , il faut amonceler péni- blement avec dégoût des beautés qui n*en sont plus parleur discordance, et il faut surcbdr- ( ago ) .dans le bassin des mers? ou cet abaissement- graduel des mers sopérerail^il par leurs ba- lancemenè , par leurs courans , par leurs tem- pêtes ^qui^ usant les fondti , les creusent insen^ siblement? ou serait-ce que ces innombrables volcans, qui sans doute ont tous entre eux des communications souterf aines, se crerant parfois sous le lit des mers, ouTrent aux eaux d'immenses abîmes où une 'partie d'elles se volatilise en air, tandis que l'autre se con- densant, perd sa liquidité par ce même art merveilleux, que la chimie moderne décom- pose ce fluide en Tenfermant dans un tube de fer qu'elle livre au feu ? Peut-être en- core que ces innombrables végétaux qui cou- vrent la surface de la terre , comme autant de laboratoires chimiques où se forment et se combinent tous les minéraux, où se créent et se transâiuent tous ï^s- métaux, où s'ai- guisent et se neutralisent tous les sels, servent aussi à créer les eaux parleur émanation. Elles se diminuent ces eaux à mesure que des sables mouvans et la main destructive des hommes diminuent la quantité de . ces végétaux éma- nans. Peut-être enfin chacune de ces causer concourient-elles à cet abaissement successif des toers, qui > laissant plus deitdrre à découvert,^ f ( 291 ) étend l'empire des hommes. Eh ! que leur ser- vent tantd'immenses régions parées de tousles attraits d'une nature vivace, où tant d'empires fortunés pourraient fleurir, puisqu'ils préfè- rent de rester amoncelés pour se livrer de sanglans combats et se corrompre dans leurs villes dévorantes ! . ^■' j * • i 1 .->•*' ■•*. Il ; . ':.■■ ri C 202.) .". '■■".'■; ■'■'lî,' " iti.'T . 'v.'!î';"Ti f,.n *gTJtf ' a».i I ntv A ■m r • • ■ • • t CHAPITRE XXII. Départ de San-Çôrhingo. Idée, de la colo- nie française de SL-Domin^ue. '■ -Il J E ne pouvais me lasser d'admirer le site de San-Domingo,la beauté de son climat , les richesses végétales que cette terre vierge offre de toutes parts. Que d'observations à faire pour le naturaliste^ sous ce ciel pur où tout réveille sa curiosité par l'appas du plaisir , où, éprouvant moins de besoins que sous nos climats inégaux, il peut donner plus aux re- cherches, à l'étude, à la méditation. Si le bonheur est sur la terre, me disais-je, où pourrais-je mieux le rencontrer? Cependant je soupirais, au milieu de ces jouissances, de ces réflexions , après l'instant de mon départ; je voulais m'éloigner de ces lieux, où deux races d'hommes, animées de la soif de la vengeance, voulaient se détruire jusqu'au der- nier; je voulais arriver sur une terre de paix, où la nature, également vierge, aussi féconde, déploirait encore mieux à mes regards ses caractères primitifs ^ et me laisserait mieux < ^ ) pénétrer de ses secrets imporlans , objet de mes recherches. Nous c^tinmes enfin la permission de sortir après de longues sollicitations; nous étions tous également impatiens de partir , dans ia crainte que de nouveaux motifs ne fissent révoquer une permission que nous n'avions obtenue qu'avec peine ; mais le vent de terre nécessaire pour sortir du port se lève rarement le soir; les détours de ce port, le^ brisans qui le bordent rendent sa sortie, à l'approche des ténèbres, extrêmement .d^uoi"' gereiuse : le vent est plus constant et plus ani- mé le matin ; il nous fallut donc attendre, tn-Agré notre impatience, le lendemain. An lever de l'aurore nous accusions décade pa- resse le pilote qui devait présider à notre sor- tie ; il arriva, nous crûmes pour le coup ^tre libres. On prépare en hâte les voiles; le ca- bestan tourne pour amener nos ancres; nous y mettons tous la main pour Itàter le travail ; mais un des cables casse , et l'ancre qui y tient n'a pas de bouée pour la reconnaître; il ne se trouve pas un plongeur ponr l'amarrer, qn est réduit à la ^^bjerqher au hasai'd ; plua de deuic heqres m passent avant de l'itvoip i;eU?f)uyée j&A reii^, Nous mtettQU 4^n£n à U ( 294 ) voile : nous dépassons la gorge ; et tout-à- coup le vent manque , nous sommes forcés de mouiUer. Bientôt des grains s'élèvent , nous agitent y nous poussent près de ces noirâtres rochers où se brisent les flots en furie; on relève promptement l'ancre , et nous sommes trop heureux de nous retrouver dans ce port que quelques instans avant nous nous félici- tions d'avoir quitté. Il nous fallut attendre, avec une nouvelle inquiétude , le lendemain, où le venjt plus favorable nous fit sortir sans danger. Nous continuâmes de côtoyer le sud de la grande île de Saint Domingue , dont les côtes peu élevées, ondulées agréablement, ne nous montraient que de loin en loin , dans le fond de la perspective , de hautes montagnes co- niques et isolées ; nous j.ugions de là de Té- tendue des plaines qui les environnent , de leur fertilité et des richesses qu'elles produi- raient si les hommes étaient plus jaloux de les faire naître qu'avides à se les arracher des mains les uns des autres. Nous serrions^ la terre d'assez près : mais lorsque aous fûmes le long de la côte de la partie de Saint Domingue , anciennement fran» çâise, nous nous tinmes plus au large; notis ( 295 ) avions appris que des noirs insurgés se te- naient vers ces parages y cachés avec des ba- teaux dans des anses ^ et arrivaient inopiné- ment sur les navires qui passaient trop près , les assaillaient lorsque surtout le vent était faible , s'en emparaient et ne faisaient aucun quartier aux malheureux qu'ib trouvaient même sans défense. La surface totale de L'île de Saint-Domingue est de cinq mille deux cents lieues carrées , dont cette partie française ne forme qu'envi-* ron un tiers ^ plus échiquetée et plus mon* tueuse que la partie espagnole ; c'est donc là où ces audacieux aventuriers ^ guerriers y chasseurs ; agriculteurs fondèrent ^ par des combats et des travaux même , cette reine des colonies , pour une patrie qui les vexait y les dépouillait , enchaînait leur courage et leur industrie, sous prétexte de les protéger. C'est là où, dans l'espace d'un siècle et demi, la po- pulation, malgré les entraves du gouverne- ment, malgré le plan vicieux du régime de l'esclavage, s'était élevée déjà, en 1789, à cinq cent vingt mille individus (1) , dont quarante (1) Kayez Description d« la partie française de l'ile d« âaiiit-Domingue , |»0r M. More an de Saint-Mérj , ( ^96) mille Uaoçs, vÎDgI-huit mille affiranchb oti de$ceiidan& d'affranckis , ei qoato^e ecût Gio-^ quanto-deux laille CAcIavesi^ ce qak donnait une proportion de près de doaze esclaves contre UB blanc ^ de deux cent soixante indi^ vidus par lieue carrée; tandis ^ue la parlîe espagnole, plus amciennemient habitée-, plii9 riche en grande plaine ^ mieux arrosée r ^^ Tait propcirtionnellenienl qu'environ un sixiè- me de cette population > c'est^-à-rdire ^ ihpeu^ près seulement quasaate+trois individiis par lieue carrée. ' -^ II y avait alors sur celte: partie française de Sfc.*Domingue sept cent quatre-iFingt-treize sucreries ou.manufa£tares:àsacre y trois milfo cent cinqnamte indigoteries> sept cent quatre- vingt-neuf cotonneries^trois mille cent dix-sept caieterieSy cent quatre-fvingt-deux gttildire^ ries ou distilleries d'eau-de^ vie de sucre ^ nofu- mée tàfîa ^ vingt-six biîqueteries et tuileries, six tanneries^ trois cent soixante-dix foorsà chaux, vingt^neul poteries et cinquante e»« t. I. Lés immenses dëtaîts' de cet ouvrage publié à Philadelpltie en 1797, ont sauvé de Toubli éternel les plus imporlans ëclaircissemens sur cette colonie , qu'il «erait déjà impossible de retrouver daiis ce momentrd. ' Ê > ( '%7 •) &i]iljs et <}€S' racibes farineuses entraîné par les cou- mns y «^enfonça davantage dans le golfe, et découvrit 9 plus au nord, des terres mieux !lQrro$ées, plus fécondes, et riches surtout en précieux métaux , objets de leurs recherches. C'est du nord-est.de cette même île , que par- tit Gortezy enflammé à la^ue de tant d'or iqu'aviaient apporté ses précurseurs, animé jjUnfk qu'eux de la passion de la gloire , plus l^apable de former de vastes projeta , de les ( So5 ) exécuter ; c'est de là qu'avec quelques cen-» laines de valeureux soldats > il alla au fond de ce même golfe commencer ses conquétei», livrer tant de combats y disperseir des armées si nombreuses, renverser enfin le trône de Montézuma> faire de ce puissant empire une simple province de la monarchie espagnole , et ajouta à des faits comparables à ceux des temps fabuleux , des trésors qui firent honte à ceux de la féerie. C'est sur les terres bai- gnées des eaux de ce même golfe , où d'au- tres aventuriers exaltés par les merveilles de Cortez et des Pizares errèrent long-temps, les uns pour trouver ce Dorado où jusqu'aux montagnes devaient être d'or massif , les au- tres pour boire à cette fontaine de Jouvence qui rendait aux vieillards la vigueur et les at- traits de l'ardente jeunesse. Les vents alizés nous avaient dirigés heu- reusement depuis notre départ de la Marti- nique; ce sont eux qui régnent dans toute cette longue chaîne de l'archipel des Isles , depuis la terre ferme vers la Guiane jusqu'à la péninsule de la Floride orientale. Leur constance rend , dans cette direction , la na- vigation prompte sur les plus belles mers du monde; mais elle devient lente et pénible (3q4) quand il faut revenir; et si le trajet est long* , on a plus tôt fait de gagner les îles de Bahama, de s'élever au nord jusqu'aux vents variables, pour revenir prendre les vents alizés au-dessus du lieu de sa destination. CHAPITRE ( 5o5) CHAPITRE XXV. Suite des ohseruaiions sur le golfe du Mexi- que. Arrwée près de T embouchure du MississipL ^inattention du Capitaine fait manquer la passe. Malheurs qui en sont la suite. Vents devenues contraires. Famine. Danger. Li£S vents alizés nous quittèrent à Feutrée du golfe du Mexique. Ce golfe , entouré, ai* sud-ouest, des terres montagneuses du Yuca- tan et du Mexique; au nord , du profond con- tinent couvert d'immenses forêts, et arrosé de tant de fleuves ; à Test, fermé par la pres- qu'île alongée de la Floride orientale ; et au sud par la longue ile de Cuba, qui, comme exprès, obstrue son entrée ; ce golfe éprouve donc les impulsions des vents de ces diffé- rens sites de terre : dans leur choc ils ari:é-r tent les vents réguliers des^ alizés ; aussi le9 calmes entremèlent-ils très-fréquemment le» I. y ( 3bG ) Vents variables de ce golfe : c'est ce que nous éprouvâmes. En avançant ^ nous nous aperçûmes bientôt combien il est poisson- neux; nous rencontrions continuellement de grandes bandes chasseuses de marsouins , de solitaires requins poursuivant leur proie, de vi* Tes dorades dont nous har ponnâmes plusieurs, et que nous fêtâmes grandement : lu cliair en est excellente. Depuis le cap St.- Antoine nous dirigions notre route tout-à-fait aujaord, et nous n'avions pas deux cents lieues pour at- teindre l'embouchure du Mississipi, c'était peu après avoir parcouru tant d'étendue de mers; et, malgré quelque calme, nous mar- châmes assez bien : le troisième jour nous n'en étions pas à quarante lieues, lorsque nous commençâmes à découvrir dans le loin* tain de ces grands arbres que le IVlississipi ar- j^ache tout entiers avec leurs spacieuses ra- cines qu'il charie dans son cours , pour les pousser sur la mer où ils deviennent long- temps le jouet des flots, jusqu'à ce que quel- que tempête, les jette sur un rivage et les encombre pour toujours de vase et de sa- ble. Nous saluâmes avec alégresse ces avant- coureurs du Mississipi, que nous rencon- trions plus fréquemnïent à mesure que nous ( 5o7 ) avancions ; rapproche des attérages se reinai?- que par le changement dé' éôuleur des eau^ de la mer; elles ne sont plus diaphanes et pures. La couleur nébuleuse qu'elles prennent est due aux immondices immenses que rou- lent tant de rivières qui se déchargent dans ce golfe , et particulièrement le Mississipi. La sonde ne tarde pas à donner une terre noi- râtre entremêlée de coquillages triturés ; il faut alors voguer avec circonspection ; Tcm* bouchure du fleuve est accompagnée de terres basses et noj^ées qui s'avancent dans la mer en espèce de patte d'oie, et il faut être très-près pour les reconnaître. Nous reconnûmes à ces divers indices que nous ne pouvions être éloignés de la passe ; et, selon le calcul de nos marins, nous devions entrer dans ce fleuve avant la fin du jour, et même de bonne heure. Déjà nous faisions nos dispositions pour descendre à terré et visiter ses bords et les habitans ; nous avions besoin de nous approvisionner de vivres pour remonter jusqu'à la ville de la nouvelle Or- léans : tout était presque consommé , et nous arrivions à peu près juste pour ne pas man-' quer. Les contours du golfe ont des courans tvè%* y 2 ( So8 ) rapides opérés par des remous et par le grand nombre de fleuve^ et de rivières qui s'j jettent; ils ont leur direction à l'ouest du côté des îles 4e la Chandeleur , et à Test depuis le Missis* «ipi du côté de la baie de St.-Bernard : ils sont si rapides dans ces derniers parages y que les marins ; pour le^ éviter, vont toujours prendre la latitude de l'entrée du fleuve à la droite, c'çst-à-dire plus à l'est: c'est aussi ce que nous fîmes. A m^di on prit hauteur : nous nous trou*» vâmes, à notre grand étonnement, plus au nord de dix à douze lieues que l'embouchure du fleuve, lies marins américains sont moins habiles officiers que bons u^atelots , et il fallait qu'ils eussent bien peu fait attention auxcou** rans, bien peu soigné leinj? Jok, pour être tombé en l'espace de vingt-quatre heures dans une erreur d'envii?on ua demi-degré en lati- tude. J'avais plusieurs. foi;s. observé leur inac- tion à cet égard, souvent pendant la nuit je \ts âvai$ vu restés couchés laissant le quart aux simples, matelots* Il nous fallut donc ve^ venir sur nos pas afin de reprendre notre la- titude, puis cpi^rir à l'ouest pour rencontrer les terres avancées du fleuve ; mais u a fort vent d'ouest nous repoussa tout le reste du (Sog) jôur^ et la nuit suivante nous courûmes des bordées; le lendemain le temps brumeux ne permit pas ^e prendre bauteur , et le vent sud-ouest continua à nous éloigner. Dans quelle désolation nous devions alors noua trouver après avoir été si près d'abotdef la terre : cependant il nous restait rèspdii^ qu* ce vent changeant d'un moment à Tautre \ nous' donnerait le moyen de regagner en peu d'heures ce que nous avions perdu : il trom- pa notre espoir, il continua et nous poussa de plus en plus au nord y où nous aperçûmes i *notre gauche une petite île que nous jugeât mes être Vile au Btetonj d'autres plus lom gués y assez boisées, que nous recdnnûmtîi pour les îles de la Chandeleur , et les lon^ géant d'assez près, nous découvrîmes succès^ sivement Vile aux Vaisseaux y ainsi nommée parce qu'il y a un assez bon ancrage ; puis Y île à Corne et Vîle Dauphin , habitées , au- trefois par les Français qtii fondèrent la tù^ lonie de la Louisiane. Le vent s'augmetitant nous obligea de prolonger notre route au<^ delà de la Mobile , le long de la côte de Pen^ sacole, de l'île Sainte-Rose » et nous poussa jusqu'au cap Saint Blairé. Notre situation devenait de plus en plus ( 5io ) alarmante ; le vent y plus violent et plus au sud , nous rapprochait , malgré nos efforts , d'un rivage aride couvert de sable bljunc, oonous ne voyions que de distance en distance des bouquets, de petits arbres, et nous savions que près du cap Saint-Blaire des bancs de sables rendent ces parages extrêmement dan-* gereujt. Cependant le vent faiblit un peu, et se rapprocha du sud à Test ; nous en pro-^ fitâmes pour regagner le large et courir sud- Otiest Nous revînmes donc sur nos pas » mais plus au large , et reprîmes la latitude de Tem- bouchure du fleuve ; mais, avant que noà^ eussions approché ses attérages , le vent re- tourna encore à l'ouest , puis presque au sud, et nous enfonça de nouveau près des mêmes îles de la Chandeleur que nous avions déjà côtoyées. L'air morne de nos officiers et de xios matelots nous disait combien notre situa-- lion devenait inquiétante, et que de nouveaux dangers , que peut-être nous ne serions plu^ €issez heureux pour surmonter , nous atten^ daient. Nos vivres étaient épuisés : ces temps de calamité , pendant lesquels on aurait du )es économiser plus soigneusement , étaient ceux où on les prodiguait davantage. ]Li'armalei|r ^ui m'avait paru d'abord un (3ii) homme résolu , qui m'avait beaucoup parlé (le ses voyages maritimes ^ de ses périlleuses entreprises ; se montra le plus abattu; il crai* gnaitles dangers dont, comme nous^ il était menacé ; mais il ne voyait pas deux de ses matelots causer en particulier , qu'il suppo-» sait des complots pour le jeter , et nous aussi , dans la mer ; je memoquaisde ses transes. Nous étions cinq passagers français , dont deux étaient militaires, tous t)ien armés; c'était bien plusqu^il n'en fallait pour nous défendre contre sept à huit matelots ^ et même le dou^ ble, s'ils y avaient été. Ces terreurs pusill^ nimes furent cause qu'il laissa à la discrétion des matelots les vivres ^ et, ce qui était plus dangereux, les liqueurs. Ces g^ns«-là , toujours plus occupés du ixiomeot présent que du lea* demain^ eurent. bientôt consommé leur por- tion de vivres , là nôtre et notre eau ; nous nous trouvâmes bientôt dénués de tout. Dans ces circonstances j'engageai l'armateur à faire relâcher à l'île des Vaisseaux, où les cartes nous indiquaient un facile attérage et un an- crage d'autant plus sûr qu'il est en dedans du canal, du côté de l'île qui regarde la terre; je lui observais que si cette île n'était pas har b.itée> pous y trou veinions sans douliC des coi^ 1^ .ht' ^.\-^ ( 3x2 ) chons et des bœufs, ou du tnoios sur les iled voisines 9 particulièrement sur Tîle Dauphine où autrefois les Français avaient fondé une ville ; qu'ainsi nous serions à portée de tirer du continent voisin , par la rivière de la Mo- bile , des secours , et que nous remettrions en mer sous un vent favorable. D goûta d'abord mes observations, mais le vent mollissant le fit changer ; et comme ce vent redevint tout-à- coup plus violent, que les Cburans nous mai* trisaient , je lui fis sentir la nécessité d'abôiv der du moins à Pensacole, habitée, où n#us trouverions sûrement un 'j^îlotè pour nous introduire; les passagers lui parlèrent du ton le plus impératif dans ce sens : le capitaine, à la faute duquel nous deviops nos malheurs ; se rangga du même avis ; il fut donc décidé que nous irions à Pensacole/où dans quelques heures , nous nous flattions d'entrer. Cette ré- solution répandit Fallégresse ; ranima le cou* ra^e des matelots ; nous oubliâmes alors nos souffrances et nos dangers,. tant l'espé- rance est puissante sur les hommes. Nous nous disions: Si le vent dure, dans peu d'heures nous serons à Pensacole ; s'il change , c'est qu'il nous sera favorable, alors nous retour- nerons- au Mississipi dont nous n'étions pas (3i3) à quarante lieues : dans ces deux supposition^ nous ne devion» plus craindre de rester en mer au*delà de vingt-quatre heures. Sur ces entrefaites nous découvrîmes un navire en arrière de nous; il suivait notre route: d'à-' bord il nous donna quelque inquiétude dans la crainte que ce^ ne fût un corsaire , mais nous eûmes bientôt reconnu que c'était une goélette espagnole qui revenait de la Havane. Arrivée plus tard que nous vers Tembouchure du Mississipi , et contrariée aussi par les vents, elle avait été obligée de se diriger vers Pen- sacole. Nous lui demandâmes des vivres; il lui en restait peu , elle les partagea généreu- sement: nous éprouvions alors toutes les hor- reurs de la faim ; avec de l'économie , ils nous auraient suffi pour nous mener loin. Nous marchâmes de concert pour entrer à Pensa- cole : nous serrions la terre , afin de ne pas échapper son entrée si étroite que nous ne pûmes la découvrir à notre premier passage ; nous fûmes encore assez malheureux cette fois pour la dépasser sans pouvoir la recon- naître , malgré notre surveillance à Tobserver. L'île de Sainte-Rose , qui est à l'entrée de cette baie , se prolonge tellement à l'ouest, sur le continent, qu'en dehors cette île se confond, (Si4) à la vue avec le continent même. Les Espagnols auraient donc dû élever à la tête de cette île un phare ou fort pour avertir les navigateurç; mais leur malheureuse politique , si funeste à eux-mêmes, de cacher leurs colonies, d'en faire des solitudes, était contraire à ce soin. y (5i5) «^ ■■lAi 1' '> CHAPITRE XXVI. Nouvelle détresse, L^ Auteur et deux passa- gers débarquent sur nie dépote de S ointe' Aose. Description de cette île. JMous'ne reconnûmes véritablement que nous avions dépassé Pensacole , que le lende- naain matin où le jour nous montra les sables arides de Tautre extrémité de Ste.-Rose. Le vent de sud«^ouest redevenant de plus en plus impétueux , nous rapprocha bien plus que la première fois de ces régions sablonneuses couvertes de lames écumantes. et nous allâmes encore à la vue du cap sinistre de Saint Blair; une demi-heure de vent de plus , et nous étions à la côte: il se tourna un peu à Test; nous .revirâmes de bord pour revenir à Pensacole : les vents fiéchissaient. tournaient et n'étaient pas l'avorables pour entrer, quand même nous aurions clé vis-à-vis la baie ; nous restâmes ^insi Cûcorgjj^ux jours à louvoyer le long ( 3i6 ) de ces dangereux parages. Au milieu de ces angoisses", ttotis éprouvions toutes les horreurs de la faim et de la soif : nous avions depuis plusieurs jours été réduits chacun à deux verres d'eau , un demi-biscuit ; nos petites provisions particuUères étaient toutes coin -sommées. Nous. achetâmes d'un matelot des amandes et des cocos. Ce gros fruit, dont la chair grossière mâchée prend le goût de noi- sette, est très-nourrissant; j'en mangeais de moment à autre des morceaux que je mâchais jusqu'à les réduire en lait, afin de les rendre plus digestifs pour un estomac affaibli par tant de diète : nous avions plus de rum que d'eati , et nous en usions à discrétion ; j'en mettais de temps à autre dans la bouche pour éteindre la soif et diminuer la faim. Je demeu- rais presque toujours couché, afin de moins évaporer , et par conséquent de moins pro- voquer ces besoins ardens de soif et de faitti. Avec ce genre étrange de vie , mes besoins n'étaient plus aussi tonrmerrtans; ils étaient plus faibles : je m'assoupissais fréquemment ; enfin , j'étais arrivé à un tel pdînt, que je sa- crifiai pendant plusieurs jours, sans effort, mon biscuit et une partie de mon èau à des personxies plus faibles. Gepet/dant ces der* ( 3i7 ) nières provisions allaient elles-mêmes être épuisées : il n'j avoit pas pour trois jours de biscuit qu'on avait compté et enfermé , et qui se partageait publiquement sur le pont. Lft goélette espagnole qui tenait moins le vent que nous^ était bien plus au large ; d'ailleurs elle nous avait donné tout ce qu'elle pouvait, en nous recommandant la plus sévère écono- mie : la vue de l'affreuse situation où nous allions tous nous trouver , ranima toute mon énergie ; je représentai aux passagers et à l'armateur qu'il fallait dans l'instant se débar- rasser des bouches inutiles , et les mettre à terre sur cette île de Ste.-Rose ; que là y peut- être , on y trouverait des ressources. Nos car- tes nous annonçaient qu'il y avait un fort à la tête de File y à l'entrée de la rade : Si ce fort existe , leur disais»- je y nous pourrons j trou- ver quelques provisions y nous pourrons en envoyer chercher à Pensacole ; s-'il n'existe pas y il y en a au moins un en face pour gar- der l'entrée de la baie. Nous allumerons des feux /nous ferons des signaux de détresse : de cette manière y nous aurons des secours pour nous et pour l'équipage. L'armateur répondit qu'il ne pouvait quitter son navire ; que son devoir était d'y rester k" ( 3i8 ) et d*y périr s'il le fallait ; les autres passage^ dirent qu'ils étaient de mon avis , et ils pro- posèrent de tirer au sort ceux qu'on mettrait à terre sur l'île. Je répliquai que, quoique plus âgé que plusieurs d'entre eux , je vou- lais ^ sans attendre le sort, être du nombre de ceux qui iraient sur File, et même seul si personne ne voulait m'y accompagner : deux^ acceptèrent de s'embarquer avec moi ; l'un se nommait Dauvin, ancien habitant de l'Isle* de-France où il avait été ferblantier , et de- venu depuis officier militaire pendant la ré-^ volution ; l'autre était un jeune homme de Marseille , intéressant , nomimé Paul , qui avait fait les campagnes de l'Egypte : on mit ea bâte le canot à la mer; deux matelots noua accompagnèrentpour ramener le canot, après nous avoir déposés. Nous ne fumes pas une demi-heure pour atteindre la rive où la lame était encore si forte, qu'en débarquant , le canot s'emplit à moitié. Mon arrivée à terre me rendit l'espérance et la vigueur; nous nous écartâmes un peu : remarquant quelques en- droits bas et humides, nous les fouillâmes précipitamment avec les mains: l'eau vint, elle se trouva douce, nous nous en fîmes fête, et emplîmes deux dames-jeannes pour le navire* ( 5iô ) Nous renvoyâmes alors le canot, nous avions de l'eau 9 chacun de nous avait deux biscuits ^ et nous étions assurés de pêcher des crabes • tant que nous en aurions besoin ; ainsi nous cheminâmes à Touest pour gagner le fort, dont nous nous estimions être à trois ou» quatre lieues : l'île ajant de longueujc. envi- ron sept lieues , nous présumions avoir dé- barqué à sa moitié. Dans naipre marche nous considérâmes attentivement si nous y trouve- rions des indices qu'elle fut habitée, ou du moins s'il y avait à chasser dçs animaux bons à manger. Nous regagnâmes surtout la rive du côté de la terre , afin de connaître sa dis- tance continent; nous vîmes que le canal qui nous en séparait n'avait guère qu'une demi- lieue de large; un peu plus, un peu moins dans diffère ns endroits : ce n^est partout qu'un sable fin, blanc comme neige, éblouissant , fa- • tigant extrêmement la vue, et réfléchissant un soleil ardent qui nous eût bientôt brûlé la figure , gercé les lèvres et la peau. Ce sable amoncelé en monticules inégales , les plus hautes de vingt à vingt-cinq pieds, et extrê- mement mouvant, rendait notre marche des plus pénibles dans Texténuement ou nous étions ; le sol est si bas en beaucoup de places ^ ( 5ao ) que nous le trouyâmes couvert de coquillages tudritimes^ ce qui nous prouva que les grosses mers traversent tout-à-fait l'île dans ces lieux. Sur les monticules mêmes nous rencontrions de ces coquillages ; il faut donc que la mer, dans les grandes tempêtes , élève ses lames jusqu^à ces hauteurs ; car on sait que les ma- rées ne montent guère • dans ces parages à plus d'un piediigi deux. Je ne ccmcevais pas d'abord comment cette île qui n'esty à proprement parler, qu'un banc de sable, si peu élevée, si étroite, pouvait avoir y partout où nous fouillions les lieux frais, de l'eau douce. C'est que les eaux plu- viatiles tombant sur ces sables fins, se filtrent doucement à travers, jusqu'à ce qu'eUes ren- contrent l'eau de la mer, au dessus de' la* quelle elles restent sans se mêler, étant plus légères; en effet, lorsque nous tarissions ces petits trous que nous avions faits , ou que nous les creusions .trop profondément, l'eau devenait aussitôt saumâtre. Du rivage nord de Fîte , nous découvrîmes la terre continentale, qui nous parut bien boisée et éloignée d'environ une lieue. Elle présente un long et magnifique rideau que nous prenions plaisir à admirer. 'Le rivage, extrêmement ( 321 ) , e:!s:trémetQent plat , formant par ibtervalle de petits lacs herbeux, où il n'y avait que quel- ques pouces d'eau , nous offrait beaucoup de crabes à prendre ; tuais inhabiles dans Tart de les pêcher, elles nous déchiraient horri- blement les mains. Dès qu'elles ne pouvaient se sauver ou s'enfoncer dans la vase, elles se mettaient en état de combat ^ s'acculaient dans la terre pour ne présenter que la tête. Couvertes de leurs pinces menaçantes et mobiles, qu'elles manient avec non moins d'adresse que l'habile bretteur qui pare ou porte des coups , nous nous armâmes à notre tour de nos couteaux, et nous réi^sîmes à en pêcher assez pour notre soirée. Pendant que nous parcourions ces petits lacs , tout-à-coup quelque chose s'agite vio- lemment près de nous et s'élance avec impé- tuosité dans la mer. C'était un énorme cro- codille, au moins de 12 à 1 5 pieds de long, qui , réveillé par le bruit que nous faisions , eut sans doute autant de peur qu'il nous ea fit ; il resta dans la mer , à 3o ou 4o pas, la tête hors de l'eau , nous regardant tranquillement. Dauvin lui tira deux coups de fusil, le second seul le fit disparaître. Nous ne faisions p^ beaucoup de chemin, occupés à pécher et I. X (522)^ pied sor- tait toujours des sites bas et humides; autour -j'y rencontrais au nom des lauriers -ciriers •ime autre espèce de laurier à grandes feuilles^ -des»chêttes verts d'une si petite espèce, qu'on :po^«iv»rait eh former des charmilles et des cou* vefrtSy les branches tortueuses horizontales •ge "ïM^ipliant et se croisant entre elles, les ilewiitles ovales, petites , et le bois' d'une dn- 4^%é ^Diraordinaire ; ailleurs je trouvais de$ J^Wbipfeseaux d'aubépine azérolier ^ mespilus ^zefmius y aux feuilles peu incisées , aux , 'fruité gros et globuleux» d'un rouge pâle. ( 323 ) cî^un goûl parfumé. Je rencontrais par=ci pat^ là de petits pins à trois folioles et chétifs , et une atilre espèce d'arbrisseau vert au feuillage étiK>it et linéaire, qui exhalait un codeur de rhubarbe ; je ne Tai pas rencontré ailleurs , je n^en connais ni les fleurs ni le fruit. J j ai renécmtré aussi quelques marroniers à fleurs jaunes^ pauiaJlapùy^Q^ touffes plutôt qu'en arbre ; et nous choisîmes^ pour allumer notre feu , un vallon assez spacieux pour nous coucher autour y et assez enfoncé pour n'être pas aperçus de notre navire, parce que nous étions convenu de ne lui montrer des feux que lorsque nous aurions trouvé le fort. Notre cuisine de crabes fut bientôt faite ; nous les mettions griller dans le feu, et nous les trouvions fort bonnes; comme si j'avais eu perdu l'habitude de man- ger, mon appétit n'était pas vif. Après notre repas, nous nous disposâmes à dormir; chacun de nous choisit sur le sable, non loin du feu, la place qu'il crut la plus convenable ; mais nous étions loin de goûter un repos qui nous était si nécessaire pour être en état de continuer notre route. Nous ne fûmes pas plus tôt couché que les maringoins nous assaillirent de toutes parts ; il fallut nous ( 325 ) lever et rester assis près du feu : nous pen- sâmes qu'en multipliant nos feux , et qu'en nous couchant dans les intervalles que nous s aurions laissés entre eux, nous préviendrions ainsi les piqûres cuisantes de ces redoutables légions ; nous ramassâmes de nouveau du bois dans Tobscurité , nous allumâmes six à sept feux assez espacés, nous nous couchâmes entre eux , pendant quelques instans nous fûmes tranquilles, et nous crûmes Têtre toute la nuit; mais bientôt les maringoins revinrent nous assaillir avec plus de fureur, comme pour nous punir d'avoir voulu leur échapper. Il fallut renoncer à dormir , et ils nous atta- quaient encore assis près du feu. Ne pouvant tenir , je pressai mes compa- gnons de reprendre notre marche : il fait frais , leur disais-je, et assez clair pour marcher; nous n'aurons pas à supporter les feux de ce soleil ardent répercutés par ce sable qui brûle nos pieds , et , durant le jour où les marin- goins sont tranquilles , nous nous reposerons à l'ombre de quelques touffes d'arbres. Ils cé- dèrent à mes instances , et nous nous mîmes en marche ; nous côtoyions la mer , d'où nous voyions au loin les feux de notre navire , et nous n'avions pas marché une heure que ( 026 ) nous remarquâmes des pas d'hommes : quelle joie ! nous supposions que te devaient être ceux de quelqu'un du fort;qu*aiasi il n'était pas ék>i- gné : sans doute la fumée que j'avais. aperçue en venait; noi>s avançâmes suivant toujours avec attention les mêmes traces : eo moins d^uQ quart de lieue y no^is découvrons un gcand. feu ^llun^ s^ir le bord de la mer; cette vue nou$ surprit. Qui pouvait l'avoir allumé? Ge ne de^ vaient pas être les gardes du fort? Ëtaieal-ce des créole»? Mais à propos de quoi , qni au- rait pu les conduire sur cette plage aride? lN('étaient-ce pas plutôt des sauvages en guerro avec les blancs; de ces sauvages anthropcH pliages qui peut-être ont allumé ces feui^pour tromper les navires qu'ils voient^ dans l'espé- rance de les faire échouer et de les piller? ]NoQs nous faisions confusément part de ces réflexions 9 et nons nous étions arrêtés. Il n'est plus temps de réfléchir, dis- je, il faut agir ; nous avons des armes ^ préparons* les, mettons quelques balles de plus, et avan** çons avec précaution ; si ce sont des enneoûs, surprenons-les au lieu d'en être surpris* Mous avançâmes, et nous ne voyions personne au- tour du feu : seraientr-ils couchés ou cachés» disionsHnous? mais ils ne nous ont pas vu$, ils ( 327 ) ne savent pas que nous sommes ici; ih n'ont donc pas de motifs pour se cacher. Nous avancions toujours, et personne ne paraissait^ enfin arrivés à quelques pa& du feu , nos fu&ii» prêts , nous criors d^oqe voix ferme , f*Hir "ywe? à l'instant trois à qu>atre personnes so-. lèvent en répondant a>misj c'en était eaeffeè,; c'étaient des bdbit9n&^ Pensâicole Francaiaii et Espagnols qui nous tendirent amicalement la main. Nous eûmes bientôt fait de racontais nos aventures et noli)e détresse , et eux liientôl fait de nous présenter d'amples provisioaa qu'ils avaient toutes prêtes. Assis autour da ce feu qui, peu de minutes avant, nous ai/oÂt tant inquiétés , npus nous y trouvâmes dansi l'abondance de pain , de viande , de poisseo et d'œufs, et c'était à qui nous servirait Qu'cq dise que l'homme n'est pas bon, et qiije là société ne le rend pas humain et compatissant,^ Ceux-ci ne nous ont vus qu'à la sombre elarta d'un feu, e4; ils sont déjà nos amia, ils Iç sont d'autant plus que nous sommes phif malheureux. .. ! A leur tour ils noqs racontènent le hasard qui les amenait sur ce solitaire rivage^ L«i signaux du fort, dirent^ils, avaient annoncé àPensacole que deux navires croisaient dan» (338) ces parages sans pouvoir entrer, par une contrariété de vents , dont depuis yingt ans on n'avait pas d'exemples; nous attendons,, continuèrent-ils , un parent, parti de la Ha- vane , malade , et que nous supposons être sur la goélette qui vous accompagne : nous sommes venus ici au-devant de lui pour le prendre sur une grande pirogue que nous avons amenée , et laissée à Tautre rivage du côté de la terre , pour abréger notre retour. Nous pourrons être ce soir à Pensacole , où notre parent malade trouvera au milieu de sa famille les soins et ce qui lui est nécessaire ; tandis que le malaise du navire , dont la ren- trée est incertaine , peut se prolonger, et lui être extrêmement funeste. Notre gouverneur , présumant les besoins de ces bâtimens signalés depuis long-temps, a ordonné de charger une grande chaloupe de vivres; elle va arriver ce matin de bonne heure. Ainsi, soyez tranquille pour votre bâtiment. Cette même chaloupe prendra notre parent à son bord et nous l'amènera ici , puis nous le porterons sur un brancard à l'autre rivage d'où nous le ramè- nerons à Pensacole. Vous profiterez de notre pirogue assez grande pour vous recevoir et vous conduire à la ville ^ où vous vous repo- (329) serez eu attendant Tentrée de voire bâtiment. Vons êtes encore , ajoutèrent-ik , à quatre lieues du fort. Cette route, sur un sable mou- vant, et pendant ces grandes chaleurs , vous aurait extrêmement fatigués , et vous n'auriez trouvé au fort que de très-médiocres secours, attendu qu'il n'est gardé que par quelques soldats , dont les provisions justes leur sont envoyées de Pensacole. Ces détails consolans, ces secours subits nous avaient ôté jusqu'à l'appétit, tant nous étions émus , tant nos cœurs avaient été pressés par l'affliction. Au jour nous vîmes en effet la chaloupe arriver, porter successivement des vivres aux deux navires, et revenir à nous , amenant le malade en question. Nous sûmes avec quelle joie on reçut à notre bord ces nouvelles provisions , et on y acquit l'as- surance que nous serions recueillis par la pirogue Ou la chaloupe. . ( 53o ) CHAPITRE XXVII. Départ d£ rîte de Sainte-Rose. Arrwée à Pensacole. Coup de i^cnt qui détermine T Auteur à re.iourner à Sainte^Riose pour se rembarquer. Autres obseri^ations sur cette île. T*" iNoça ne partîmes que tard daos la matinée. Jusquà ce moment on pécha de ces. graadejs. huitreacontournées et agglomérées icrégnliè-- i:emeiit en blocs y dont il se tyoiive de grands, bancs dans le canal entre l'ile et la terre; il était nuit quand nous arrivâmes à PeQ3açolq. Un de ceuK qui nous avait ramenés, français ^ exerçant l'état de boulanger ^. et tenant que fort bonne auberge (il se nommait Louis) y nous logea ; et notre appétit revenant cbez lui, à mesure que nous nous reposions, nous étonnait nous-mêmes. Les énormes pièces de viandes, dont on chargeait la table, disparais- saient aussitôt , et on ne nous l'économisait pas ; car elle ne coûtait pas plus de trois sou& ( 33i ) la livre, tandis que le pain en valait douze. Notre premier soin le lendemain matin fut d'aller reco^pcier le gouverneur qui sHoté^ ressa vivement au récit de no^ peines, jusqu'à ne pas même penser à nous demander no$ passeports ; il nous renouvela ses offres de services de la manière La plus cordiale* Trois jours se passèrent sans que les bâti- mens eussent pu entrer; un autre, survenu et contrarié également y. s'était joint à eux > il était cbargé de nègres pour la Louisiane» le gouvernement ajant douné des permissioQ^ particulières pour en laisser eatrer quelqiAes-. uns. Sur le soir arma notre armateur avec ua autre passager, et deux matelots pour coor duire leur canot ; le temps devenu gros pen^ dant une traversée de sept à huit lieues, kur lit courir les plus grands dangers , et ils ar- rivèrent ail moment où les vents souifiaieat encore davantage. Je lui témoignai vivement ma surprise ; il disait vouloir périr avec son na^ vire, lorsqu'il regardait notre débarquement sur une terre inconnue comme une témérité» et il devenait téméraire , non pas en se sauvant par une route que nous lui avions Trayée» mais en emmenant avec lui deux matelote* Le navire privé de cea hommes courrait Içs pl»^ ( 332 ) grands dangers, si les vents que nous enten- dions souffler continuaient à augmenter; et en eifet la nuit fut terrible , et nous fûmes presque toujours sur pied ; il ne restait à notre bord que deux matelots avec le capitaine et le lieutenant Comment pour- raient-ils manœuvrer pendant cette nuit de tempête ? C'étaient des vents du sud-ouest qui pouvaient les jeter à la côte. Dans quelles anxiétés ne devaient pas se trouver les per- sonnes faibles, malades, que j'y avais laissées? Tourmenté par ces réflexions , je me décidai à profiter du canot pour retourner à bord y ramener les deux autres matelots, et j périr s'il le fallait. J'attendis le matin que la mer fût un peu calmée. Je profitai de ce temps pour faire préparer quelques provisions que je voulais emporter, particulièrement des fruits, des raisins et des figues en pleine maturité alors. Je partis vers les onze heures du matin, j'ar- rivai d'assez bonne heure au fort de l'île Ste.- Rose, ce fort après lequel nous avions tant soupiré. Il n'était gardé que par une douzaine de soldats , si mal vêtus la plupart , qu'on les aurait plutôt pris pour des mendians que des militaires en activité ; et à la vérité ils ( 533 ) étaient là pour la forme , ils n'y faisaient pas de service. Tout leur temps se passait à chas- ser, pêcher , ou cueillir, en se promenant, des, raisin s sauvages. Le fort était dans un tel état, que le service pouvait y être plus dangereux qu'utile ; tout construit de bois , il était po urri en lambeaux secs comme ama- dou , et la moindre étincelle pouvait ' Fem- braser. Maintenant , il est sans doute réparé , c'est-à-dire reconstruit à neuf. On découvrait en face , sur le continent, à moins d'une portée de canon, l'autre fort bâti en maçonnerie , bien plus considérable par son étendue et mieux gardé. L'air dé- labré de ces soldats n^empecha pas qu'ils ne fussent de fort bonnes gens, qui se mon^ trërent pleins d'attentions , m'o£Prirent des crabes qu'ils venaient de pêcher, et des rai- sins sauvages qu'ils venaient d'apporter , m'in- vitèrent à coucher dans leur dortoir où je serais garanti des moustiques. C'était une grande pièce élevée et en bois , bien close , où leurs lits étaient sur le plancher : ils la fer^ maient soigneusement avant la nuit , c'est-à^ dire avant le temps où ces insectes s'emparent des airs pour tourmenter tout ce qui respire. Je régalai à mou tour cçs soldats de rum ; 4 ( 334 ) mais ils furent si discrets, qu^après en avoir bu chacna na coup , ils refusèrent constani-' ment de récidiver , quelques instances que je leur fisse. Mon premier soin en amvaiit avait été Ae leur demander des nouvelles de nos bâti- mens, car on n'en disting^uait aucun de la tête de file où nous étions , qnoiq^ie j^eusse avec n>oi tine assez bonne lunette d'ajiprociie ; ils me dirent qu'on les avait vu lutter durant la tempête , mais que , poussés «ous le vent, ils les'avaientperdus de vae ; qu'il était trop tard ponr me mettre en route avec ie caaot et tsotoycr Tîle } que je serais obligé de m'arrê- ter avant'd'avoir rien découvert; qu'en par- lant le lendemain matin , je pourrais arriver de bonne heure dans un lien qu'ils me dési- gnèrent , où l'île pl«s élevée , et s'avancant en espèce de cap , me donnerait le moyen d^étendre mes regards plus au loin. Ces ob* «ervations m 'avaient déterminé à passer la nuit au fort Le lendemain nous étions déjà en route avant le lever du soleil : la toilette est bientôt faite quand on concbe tout babUlé : 9)ous arrivâmes d'assez bonne heure au lieu indiqué, sans d'abord rien découvrir. Nous tirâmes notre canot à terre , il ûoiis servait (335) d'abri contre le soleil , et même contre la pluie, si elle était survenue. J'errais sur ce rivage, extrêraement tour- Trtenlé de la crainte qu'il fût arrivé des mal-- heui:^ à tK)trie bâtiment. La \iie de cette rive sabloDnetr^e et nue où je «««contraïs, étendus toutkloâg', de œs arbres mooslrueux , les uns à dietni-potut^is^ Jes outres ensablés en partie; d'autres ^ ïiouvellement jetés, qu'ils avaient en s'àïoogeamt et s"fncli*« nant comme lei-eorttes- dés- iiinaconsV^ mats plus courts; vivant à tetré et plùfc exposées aux surprises' dé ïètirs* ^iietols (Jti'é les autres, qui ont les- ekuit fet la Vaàe^biit* se'caëher ; elles sont plus craintives , plus surveillantes , et ont été douées; d'yeùi^à tubes / Ëifîndë mdeux voir à côté e(t dwrière elles; elles sont en même temps beaucoup plus élevées i^ur leurs jambes^ comme potat mieux obsejpvelr. Ar- mées , ainsi que les autres ,• de fortes pinces?, elles s'en servent encore pour donner à leurs compagnes le signal de la retraite en les frap- pant l'une contre TâUtré, de manière à-faii% du bruit à peu près comme nos timides Ikpids qui sonnent Talarme em frappant fortement fat terre de leurs pieds de? derrière. Je les vo)^i^ I. T <838 ) taeiire la tête à leurs trous^ puis alonga" l«f^ tubes porteurs de. leurs jeux^ et ne sortit qu'après s'être assurées qu'^es n'avaient rien à craindre : leur petitesse :£ût qu'on les dé^ daigne dans ce canton pour manger ; il j en •jsk 'tsint de grosses ! Cependant les crabes tour- lourous passent pour être: plus délicates et plus grasses.; Les créoles des îles font de leur graiss0 et.de leurs œufs une espèce de sauce .nQmxoié^,iaumale^^ .qui> assaisonnée de ci^^ ttùa, de piment et d'autrea ingrédiens^ sert ■à manger la-çbair^^qui est.sècbe et fade, comme on sait. Ils mélçAt. aussi ce taumalen avec la farine de manioc • et ils ea font un, mats qu'ils aiment beaucoup, et le nomment ma- ioulott* lia nuit fut délicieuse. Je me couchai près du rivage 9 s^ur un,mpDticulé> pour être plus à l'ain rij^ayeloppé d'un drap et d'une légère couverture , je pus braver les attaques des moucbetiques t je contemplais la mer ondu- leusé > scintillante de feux par des bandes de poissons agitant sa surface, et où se me- .lait le reflet des cieux parsemés d'étoiles. En- . traîné; par ces divers tableaux , j'assoupissais mes chagrins: je dormis. Lé soleil commen- tât déjà à paraître lorsque je «n'éveillai ; et ( 539 ) l'orient > enflammé de ses feux entrecoupés dé nuages confondait dans son lointain tous les objets. J'attendis patiemment que lé soleil , quittant l'horizon , me permît d'j fixer mes regards; à l'aide de ma longue Tue, j^ dé- couvris bientôt deux voiles encore éloignées; l'espérance nous anima ; nous nous bâtâmes de repousser à.la mer notre canotet de nous y embarquer , coi^ns dans un vent doux et dans un ciel sans nuage. Le préMier de ce» navires que nous^atteignîmës se trouva être le nôti*e ; la joie avec laquelle on nous ac- cueillit de. si loia:;:nous annonça' qnè ' n'ouflf n'avions rien à craindre de sinistre. • Je sus combien ei|. effet l'absence des dei:^ matelots avait exposé le navire. Plusieurslbis poussé près du rivage faute de pouvoir' exé^ cute;ras$e% agilement < les 'manœuyi«es» il sem-^ blait devoir se perdre dans les banos tjui l'en* touraient ; d'autres fois ces vents tournoyant impétueusement, agitaient les voiles en diffé- rens sens^ le penchaient sur le côté sans es-^^ poir qu'il pût se relever sur ces abîmes en- tr'ouverts pour l'engloutir. Le capitaine , par ses cris et ses gémissemens , augmentait lui- même l'épouvante des malheureux passagers, qui étaient restés : après la tempête, les ïuys^ / (S4<î) ^ème .foi# : ^\v? hsi ;plagcss! éloignées > jdè ^ -^^ Fmldopr^wÂr.'VioIacBew: • i: -. • • ' > i « « . ' .!* .i W ^, ' ' ■ ■ ii'Mir T A B L È . . . . «■ DES CH AP I T RE S ' l a CONTENU^ DANS CE PREMIER VOLUME. I T-r CHAPITRE PREMIER. Départ de f Auteur pour Nantes. Obser* nations durant son Voyage, Oh sensations sur cette yille. Des Négocitins. Ai>is utile à ceux qui s' emb arquent. Mal de mer. Moyens d^en diminuer If^s (effets. Régime pour consen^er sa santé sur mer. Page f CHAPITRE JI. < Trapersée^ Plantes ^voyageuses: Coquil- lages. Coucher du soleil. Baptême du Tropique^ 18 CHAPITRE III. Arrivée à la Martinique. De la yllle de Saint" Pierre. Défauts des ailles des Colonies. Mœurs y usages. Commerce des gens de couleur. iA S4a T AB L* ^ CHAPITRE IV. Fort-Royal. Des marais. De Fart de lest assainir ^ fondé sur la nature y pli4S sûr et moins dispendieux. Environs du Fort- Royal. Mangles. Crabes. Bourg du La-^ mantin^^t autres parties de Vile. Histoire naturelle. Page 5i CHAPITRE V. Causes particulières qui concourent à la . prospérité de cette Colonie. Renseigner mens de commerce et d^ industrie pour les Européens qui passent d^^s cette Colonie^ 75 CHAPITRE VI. observations sur les dit^erses branches de Culture de cette île. Suites funestes d^a- poir dépouillé les montagnes de leur^ bois. Du Rocou ^ de l^ Indigo. 88 CHAPITRE VII. ^ pu Tabac. Histoire de s^ Culture et de ses Succès. Causas, qui Font rerkdu s^ univçrsellem,en( usueh De son Influence pour nos Colonies y pour notre Com^ pierçcy notre Marine. £^alheursjnC4ilçu-^ :> DES CEAFITB.es. 34S labiés d*en apoir établi et laissé pendant un siècle la vente exclusive. Page xox CHAPyrR« VIIL Café. Son histoire. Ses qualités. De son usage général. De son influence sur le physique et le moral des hommes. Est-il wantageux d'en étendre Vusage au peuple ? 1 36 CHAPITRE IX. Maladies des Colonies. Fiei>re jaune y m^-^ ladie de Siam, des Européens ^ etc. De leur cause y de leur siège j des moyens préservatifs y de leurs traitemens. Faits et anecdotes à ce sujet. Des moyens gêné- raux de les extirper. i45 CHAPITRE X. Continuation du même sujet. 167 CHAPITRE XL Moyens de présenter les Troup^es des Mft^ ladies , applicables aux particuliers. 1 85 CHAPITRE XII. Moyens généraux que les gouuernemens doivent employer pour concourir à dé-- (ruire les germes de ces maladies. 197 •• .' '1 SAi ..TABLE CHAPITRE XI IL Petit nombre d^hommes qui fondèrent , aoec peu de nébyen^j^ la celqùie de la Martiniqu(^. Richesses don^ ils O^t ét§ . les créateurs. Pftgç >oi CHAPITRE XIX Serpens dangereux. Leur destruction. In- Jluence de Vhomme sur la nature. Ob- sensations $ur les îles qui tdout point de CCS Serpes» Idées de VA^t^ur 4ç^ sujet. Diverses espèces de Fqurmisj l^r \n^ croyable multiplicité^ leurs ra^^g^s^ f^él^ls moyens que l^ homme ait àlçi4.r çppç^er. Animaux destructeurs desFqurmiSf J)u Fourmilier en particulier». ■ %^o CHAPITRE Xy. Volcans. MontçLgnes. Leur utilité. 2d& chapitre; x\5i. r Dii^isions intestines de la ' Colonie de la Mûrtiniijue.- • ■ ' a5o CHAPITRE XVll ' Commencement des hostilités pendant lé séjour de V Auteur à la Mjartinîque. \ DES C H A P IT R Ë «. SÀ^ Remarques à ce sujet. Son départ de cette île. Page 252 CHAPITRE .3QV.UJ. Route y ers Porto- Rico. Obsérpaiions sui^ cette île. a4o CHAPITRE XIX. Arrwée de V Auteur à Saint-Domingue: Description de cette yillè^ fondée par Christophe Colomb : de son territoire y des ressources de ski situation. Idées de V Au- teur sur les Moyens de rétablir cette Colonie. à6y CHAPITRE XX. Causes ^ui ont principalement nui à céèl& Colonie espagnole. Politiqiie sage des Espagnols y rtlatiifemè^t aux - gen$\l& couleur. / . 272 CHAPITRE; XXf. Histoire naturelle. Coquillages remarqua- bles. Pétrifications. 1)^ la diminution^de la mer. Réjtexiçns à ce sufet^ '■ >74 CHAPITRE XXII. Départ de San^Domingo. Idée de la colo-- nie française de Saint-Domingue. 118a < *• 846 TABLE DES CHAPITRES. CHAPITRE XXIII. %a Jamaïque^ - Page 289 CHAPITRE XXIV. ISLE de Cuba. Lu Hauant ^ g^lf^ ^^ ^ Mexique. ag^ CHAPITRE XXV. Suite des ohseruaiions sur le golfe du Mexi-* ifue. Arrivée près de Tembouchure du Jdississipi. Vinaltenlion du Capitaine fait manquer la passe. Malheurs qui en . Mnt la suite. Vents devenus eorUr aires ^ Famine. Danger. 3o5 CHAPITRE XXVI. Nouvelle détresse. IJ Auteur et deua^ Passée gers débarquent sur V île déserte de Sainte-^ fiose. Descriptipn de cette île. Si S CHAPITRE XXVfl. Départ de Pile de Sainte-Rosè. Arrivée à Pensacole. Coup de ^yent qui détermine t Auteur à retourner à Sainte-Rose' pour se rembarquer. Autres obsén^ations sur cette île, 35o Fin de U Tabl« d^ Chapilrea du premier Y Qlum«< •»fl OBSERVAT OK ROBIN'S TRAVELS IN L Latdy published ai Paris^ Washington, 181 i. ^CE tb6 perîod when Louisiana inras ceded to the United States, that ry bas partlcularly attractcd ouijat'- »n. The savage liic of its indîgenous Uants, its woods, déserts, ôH- \ and natural productions, are in- ing subjects of enquiry ; and, as ire but little known, or imperîcct- (cribed, we take up tbc report of inl traveller with a liveiy curiosiiy lown its contents. ThÎF wis tened by the title page of Mr. ,»s work, as hc not only proposes c a view cf the natural history of )Untry, but also to décide its lim- id to examine its civilization, its lercial advantages, and political tance. We expected to find, in cbaract présent convinç after pe •is an ai i'^ct. t don anc facts an€ der on h betravs the book I -îotc whl propose^ be beliet be impaft The fil with a d0 of his et Martinicà 4HÎot flïKl« ÎI • a • 'j»TOïq «. Mi \.i\\- •:ïq/i.,. i r 3 2044 019 267 269 il ,- ^^ m The borrower must retum ihis item on or before the last date stamped below. If another user places a recall for this item, tlie borrower wîll be notified of the need for an earlier retum. Non-receipl ofoverdue notices does not exempt ihe borrower from overdue fines. Harvard Collège Widener Library Cambridge, MA 02138 617-495-2413 Please handle wîth care. Thank you for helping to préserve library collections at Harvard.